William et Nelly

Rue Pierce, centre-ville, Mtl

Petite maisonnette

À portes jumelles

Au cœur de la ville

Façade anglo-écossaise

En pierre couleur sable

Corniches, fronton

D’une même teinte délavée

Par les ans et la pluie

Sans négliger du regard

L’ardoise gris souris

Plutôt à la française

Le toit plat, innovation victorienne

Mur latéral en briques brunes

Nulle place pour jardinet

Le charbon livré autrefois

À l’arrière

Ou bien par le portillon anthracite

Sur le côté

Imaginons un pianiste

Prénommé William

Ayant pour voisine une écrivaine

Baptisée Nelly

Se souriant parfois

Et s’invitant rarement

Pour le thé,

Celui de 5 heures

Ou pour un verre de xérès

En soirée

Était-ce la gêne ou par souci

Des convenances,

Frein à l’expression d’une passion

Que l’on percevait

Certains soirs

Où William jouait Brahms ou Chopin

Où Nelly déclamait sa poésie

Fenêtre ouverte

Par la joie secrète du pianiste

Depuis le piano s’est tu

Les partitions ont jauni

Dans l’armoire d’un cousin amnésique

Les livres ont terminé

Leurs courses

J’ose l’espérer

En un quelconque fonds d’archives

Et non pas consumer

Dans l’âtre du salon

Par un nouveau propriétaire

Épris de déco contemporaine

Ayant envoyé valser

Les charmes vieillots d’hier

Comme seule évasion maintenant,

Un immeuble à paroi de verre

Où se mire le ciel

Pierre tombale moderne

Pour oiseaux désorientés

Par les rumeurs de l’été.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Prière de ne pas déranger

Flou-rueBleury

De jour comme de nuit

La ville apparaît

Si tranquille

De si haut

On croit entendre

Le vent

Au travers des branches

Rideaux tirés

La plupart du temps

Pour estomper le vertige

Pour gommer

L’appel du vide

Vaux mieux s’asseoir

Que de rester debout

L’eau froide rafraîchit

Les idées

Calme les émotions

Il y a

Tant à faire

Tant à écrire

Tant à dire

Chaque envolée lyrique

Chaque décollage poétique

Me rapproche du ciel

Me rapproche du cœur

À la porte de la chambre

Prière de ne pas déranger.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Un écrivain sur la ville

Poètesurlaville

Hier, je jouais

Au jeu

De l’écrivain sur la ville

Isolé dans une chambre

À transcrire

Des mots

De manuscrit à tapuscrit

Hier, je contemplais

La cité et ses vertiges

Les buildings, les voitures,

Le verre allumé

Devant moi

Et en contrebas

Et moi derrière une glace

Pris entre le silence

Et un besoin de plonger

En écriture

Dans mon cahier

Si plein de ratures

Hier, je jouais

Au jeu

Du poète rêveur sur la ville

Ivre de liberté

Il faisait nuit

Qu’importe les pages

À transcrire

Je finirai bien

Par arriver au port.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

La concordance des temps

FeuillesetombreJuin2020

Toujours en décalage

Le poète se perd

Dans la concordance

Des temps et des saisons

Comme si cette mise à l’arrêt

À des fins administratives et sanitaires

L’avait mis selon toute vraisemblance

Hors-jeu

Hors de piste

Mais c’est justement là

L’enjeu,

Celle de plonger en soi

De transformer la pause en prose

De transmuter la paralysie

En envol créatif,

Écoute en boucle

Du piano de Jean-Michel Blais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Coccinelle et ombrelle

Cocinelle

Petite coccinelle

Cherche la fraîcheur

Et transforme

Feuillage d’églantier

En ombrelle

Que de mystères

À conserver sous les élytres,

Sorte de livrée

À pois

Pouvant inspirer

L’audacieux couturier

Les pucerons

N’ont qu’à fuir

Cet élégant prédateur

Qui ravit

Enfants et jardiniers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Grâces florales

Pivoine du Japon

En blanc

Pivoine tout court

En rose

Le merle et le cardinal

Accourent

Du fond de la cour

Survolent

Les grâces florales

Endimanchées

Je m’incline

Devant tant de beauté

Fasciné

Suis-je

Par l’éphémérité

Dis-je

Hanté

Par la fragilité

Du jour.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Nature morte

Secondepeau-Chemise

Nature morte

Le soir venu

Le dos rompu

Je me libère

D’une seconde peau

Nature endormie

Quand je clos

Les volets

Et que le lierre

Rêve déjà

Au jour prochain

Nature morte

Quand s’assèche ma prière

Et que pourtant les mots s’éveillent

En écoutant du piano,

Impression de revivre

Demain,

Je me baladerai au jardin

Y pousse le muguet

En dépit du temps frisquet.

 

 

© Texte, photo, Denis Morin, 2020

Ligne après ligne

Roman en devenir

Il y a

En ce jour confiné

Des personnages

En dialogues,

Des ambiances à décrire

Dans un roman à écrire

Il y a

La fluidité des notes

Qui courent sur un clavier

Piano

Une musique intérieure

Aussi à écouter

Il y a

Le silence tout autour

Et les oiseaux dans ma cour

J’écris

Assis

À la cuisine

Je regarde dehors

Mes personnages me ramènent

Ligne après ligne

À leur destinée

Que je dois révéler

Ligne après ligne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Retailles

Retailles

Retailles

Rébus

Porte ouverte

Sur l’imaginaire

Opportunité créatrice

Retailles

Ébréchure de papier

Origami parti

On ne sait où

Par-delà les murailles

Retailles

Vaisseaux libres

Voguant au radar

Dans les ténèbres

Éclat clair

Phares en mouvance

Ciseaux rangés

Dans un tiroir

Le poète avait écrit

Hier un poème

Et un dessin naïf

Source de joie

Pour les uns

Source d’irritation

Pour quelqu’un d’autre

Retailles

Ne jamais être dans l’unanimité

La plus béate qui soit

D’ailleurs, au jardin

Le poète constate

Que les pousses sortent de terre

Attirées vers le haut

Tout comme ces retailles

À la recherche inespérée

De la lumière du ciel.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Histoires en devenir

CharpieCrayon

Poudre anthracite

Le graphite s’effrite

La pointe s’affine

Sous la lame de l’aiguisoir

Et la torsion de la main

Vagues

Le bois se ratatine

Les fibres en charpies

Libèrent

Une fine ligne bleue

Mots retenus

Personnages

Actions

Émotions

Dans l’esprit de son auteur

Tout reste à être libéré

Papier

Désert

Désolation,

Puis lettres

Histoires en devenir…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Autoportrait

Auto-portrait

Autoportrait

Du poète

Quasi anonyme

Se déplaçant

À pied

Ou dans le ventre d’un train

Capteur de rêves ambulant

Il glisse et tombe

Par trois fois en janvier-février

Il note

Il photographie

L’air ambiant

Silencieux de nature

Il se met à parler

Passionnément

Si un sujet l’intéresse

Et pour toute autre question

Veuillez vous adresser

Au bureau des abonnés absents.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Entre le pourquoi et le comment…

Encre

 

Dans sa tête c’est la tourmente

Le vent qui gonfle les voiles

La maison qui se transporte

Les poètes que l’on déporte

Ces nouvelles notions qu’il faut retenir

Au travail, nouvelle routine

Derrière soi, le spleen

Ces nouveaux visages qui s’apprivoisent

Les mots voyagent tout comme lui

Entre la marche, le train, le métro

Dans sa tête, ce sont les feuillus

Pris au dépourvu

Par l’hiver trop brusque,

Par la cadence soudaine

De la vie moderne

Tout défile, le futur tracé du REM et les paysages

Guère le temps de déguster un sauternes

Ce rythme intense se digère

S’ingère en écrivant des poèmes

Au fil des stations

Entre le dedans et le dehors

Entre le pourquoi et le comment.

 

© Encre tourmentée, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

Effervescence

Mur de pierre

On écrit

Pour exprimer

Sa lourdeur

Sa torpeur

On écrit

Pour des envies

D’effervescence

De bulles qui éclatent

Dans un verre

Sous les poumons

Du souffleur

On écrit

Pour abattre les frontières

Gravir les murs

Qui t’encerclent

Te confinent

On écrit

Pour se dire

Que rien n’est impossible

Pour croire

Aux miracles

Pour la transmutation

Des choses et des êtres

Pour réveiller le meilleur

Gommer ou dénoncer le pire

On écrit

Pour t’ouvrir ma ligne de vie,

Ma ligne de cœur

On écrit

Pendant des heures

Pendant des journées

De ciel gris

Pour aujourd’hui

Pour un futur

Pour des verbes

Qui emmêlent

Faire et être

On écrit

Tout simplement

Parce que la tête

Ne contient plus

La tourmente

Les personnages

Les voix

Les histoires

Les confidences

Les regards

Les plongées en soi

Les remontées vers le dehors

Les vies

On écrit

Sans se prendre la tête

Pour faire la fête

Pour faire table rase

Pour faire la paix

On écrit

Des kilomètres

De mots

Ligne blanche

Pointillé jaune

Bornes

À bas les barrières

J’écris…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entends-moi bien…

Ecorce

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En bruit / en son / en silence

En bénédiction

En mal / en bien

En offense / en pardon

Je reste sur ma faim

Tu restes sur ta fin

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En musique / en louange

En souhaits / en prière

En obstination / en compromis

En bonne entente

Il suffit d’un mot

Tracé sur l’écorce

En des nuances mousse et lichen

Pour que tout se change…

Que les ténèbres cèdent à la lumière

Entends-moi bien…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

 

Bio poésie en tubes ou en vrac

 

Camille et Auguste-AWA

Je vous invite tous et toutes à en découvrir davantage sur une nouvelle façon de transporter les mots via des clés et des tubes d’artistes. Il s’agit de bio poésie, la mienne sur d’autres vies hautement plus palpitantes. Parfois, j’écris aussi des catalogues d’artiste. Le minimalisme de mon écriture s’y prête très bien.

Nous débutons cette fois-ci avec un hommage aux sculpteurs : Camille Claudel, Auguste Rodin. Plus tard, ce sera un hommage à la chanson d’expression française avec Barbara, Félix Leclerc, Édith Piaf.

Allez consulter le lien ci-dessous pour en apprendre un peu plus. Bonne découverte.

Allez consulter le lien ci-dessous pour en apprendre un peu plus. Bonne découverte.

http://www.adret-webart.fr/article-140937-bio-poesie-en-tubes-ou-en-vrac.html

 

 

 

Ne pas, ne plus…

Ne pas…

Médire, il/elle est parti.e

Trop cuire le rôti

Saisir ce vase

Juste l’idée de le fracasser

 

Plutôt

Attraper la clarté

Si discrète en octobre

L’hiver viendra trop vite

Dis-tu / Disais-tu

Je ne sais plus

Où nous en sommes / où nous en étions

 

L’écho des disparus

Frappe ma mémoire

Ne plus (s’)échapper

Comme un visage estompé

Ne pas oublier

Oui, polir l’argenterie

Relire les lettres

De nos amours (in)fidèles.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Entre chien et loup

Jongler avec les (in)certitudes

Comme si elles étaient des quilles,

Des balles colorées

Allant du plus clair au plus sombre

 

(S’)incliner la tête

L’arbre sait ployer une branche ou deux

Laissant filer le vent, l’oiseau, la pluie drue

S’envole la casquette

 

Puis entre chien et loup

Penser à rentrer au chaud à la maison

Ou bien rêvasser dans un café du Plateau

Entre deux chapitres à écrire

Entre deux livres lus, deux recensions.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Écriture, il, elle

Il écrivait

Des romans de cape et d’épée

Les mousquetaires

Se battaient

Défendaient

Réparaient l’outrage

 

Elle écrivait

Des romans

À l’eau de rose

Derrière sa tasse

De thé parfumé

Sa devise, la nostalgie

 

Il écrit

Maintenant

Des poèmes,

Des histoires

Sans trop savoir

Où il ira

 

Elle écrit

Depuis hier

Une longue lettre

Débutée par une enluminure

Créée spécialement

Par son fils, le peintre

 

Il écrira

Demain

C’est ce qu’on peut lui souhaiter

Puisse-t-il

Cesser

De douter

 

Elle écrira

Un journal intime

Elle établira sa correspondance

Sa vie étant une saga

Puisse-t-elle

Continuer

Par les mots à s’envoler.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Toujours dit, toujours écrit

Quand ce soleil,

Ce ciel,

Ces nuages,

Cette plage,

Cette mer,

Ces montagnes

Ne seront plus

Je serai de l’autre côté,

Au verso

Des photos

En noir et blanc

Qui s’oxydent

À l’air ambiant,

Couvertes de poussières

 

Quand ta voix

Quand tes cris

Quand tes pleurs

Et tes rires,

Tes supplications,

Tes injures,

Tes murmures,

Ne me rejoindront plus

Je (me) serai

Égaré dans ta pensée

J’aurai laissé une trace

Virtuelle

Ou réelle

Dans une quelconque bibliothèque

Du Québec

Et de France

Je suis d’ici et d’ailleurs

Tu me l’as toujours dit,

Toujours écrit.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

J’en ai marre

Lunatique

Lune à tiques

Tu as des tics

Vous agissez

En fonction de vos tocs

On cogne à la porte

Ça le désarme,

Le déstabilise

On le ridiculise,

Pense-t-il

Les feux sont-ils

Éteints au Brésil

Dis-moi

Parle-moi

De choses insipides

Comme la tenue d’une comédienne

À un gala

Comme les séances de maquillage

En ligne

On se place en deux files,

Les petits en avant

Les plus grands en arrière

En fait, devant qui

Doit-on s’incliner

Plier l’échine

Des cétacés se font égorger

Chaque année

Aux îles Féroé

J’en ai

Juste marre des imbéciles.

 

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Intime prison

Taisez-vous

Tout ce que vous direz

Sera retenu contre vous

On vous prêtera

De mauvaises intentions

On émettra des hypothèses

Dans une thèse

Si vos propos

Sont de notoriété publique

Si vos écrits

Sont lus, commentés,

Encensés, dénigrés

 

Taisez-vous

Évitant ainsi le bûcher,

La fatwa,

La fusillade ou l’exil

Retenez votre langue

Qui tangue

Derrière vos dents scellées

Et votre bouche close

Contre votre palais,

Intime prison.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Adagio

Une recette

Me ramène les âmes errantes

Les esprits qui se promènent

À contre-jour

Dans ma mémoire

Un aimait le sucré

Une plutôt le salé

Moi, l’amer

 

Une chanson

Me ramène les voix anciennes

Qui fredonnaient

Près d’un berceau

Ou à la cuisine

C’est toujours une pointe

D’amour

Qui m’envahit

 

Un livre

Ouvert

En pleine nuit

J’entends la voix

De l’écrivain

Peinant

À me livrer

Ses confidences, son mal/sa joie de vivre.

 

 

© Texte, Denis Morin, 2019

D’accord, je me tais

Fougère

Je ne l’ai

Ni semée

Ni transplantée

Ni regardée

De face

Ou de travers

Elle a surgi

Au sortir de l’hiver

Au pied du chêne

Tout aussi surpris

Que moi de sa venue

Le vent s’en est chargé

Sans aucun doute

Sinon des spores

Ont adhéré

Un jardin plus loin

Aux ailes d’un oiseau

Survolant le bassin d’eau

Puis se sont détachées

Des plumes,

Je t’imagine très bien

En train d’écrire

Ton roman

Avec une plume-fougère

Évoluant entre le pouce

Et l’index

D’accord, je me tais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Le chien et mes regrets

Lierre

Ma théière refroidie

Plutôt son contenu

A ruisselé

Abreuvant ainsi

Le lierre

Hier,

Devrais-je écrire

Hier encore

Elles n’étaient que des pousses

Rentrées

À temps

Juste avant

L’hiver

Elles ont pris racine

Se sont déployées

Couvrant une colonne de plâtre

Et le dossier d’un fauteuil

Où vont dormir

Le chien et mes regrets.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Du plus bel envol

Je dis

Tu émets l’hypothèse

Il doute

Elle revendique

Nous déclarons

Vous invoquez l’article

Ils pensent que ce texte

S’avère absurde

De baisser les bras si vite

De balancer le torchon

Sans décrire le moindre cercle

Sur le carreau

Elles sont du même avis

J’écris

Tu me mets mal à l’aise

Ou tu me réjouis

Il se calme

Elle exulte

Nous retroussons nos manches

Vous aimez sa robe bleu pervenche

Nous aussi

Reprenons la route

Repartons de nos doutes

Aujourd’hui, faisons de notre mieux

Demain, nos lignes de vie

S’animeront

Du plus bel envol.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Une ligne rose

Vit-on à l’ombre de quelqu’un

Comme une fougère

Pousse à l’ombre d’un chêne

Comme les jeunes filles en fleurs

D’un certain Marcel

 

Vit-on dans l’ombre de quelqu’un

Comme des artistes en devenir

Admirent

Respirent

Les chansons

La poésie

Des grands qui ont arpenté les planches

Des théâtres d’ici et d’ailleurs

 

Mène-t-on nos vies en parallèle

Tels les trains de Termini

Qui filent vers les banlieues

Et les autres villes d’Italie

 

Prolonge ta ligne bleue

Tant que tu veux

Fais-toi tatouer

Une ligne rose

Si tu veux

Dis ce que tu veux

Cela ne changera rien ou si peu

Aux déclarations de l’Académie française

À l’usage langagier du badaud

Sur un quai à Berri-UQAM

D’autres messages suivront…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Juliette vit comme bon lui semble…

Juliette ne passe plus

Sa vie à espérer un Roméo

À son balcon

Elle danse,

Elle peint,

Elle s’expose,

Elle écrit

De Montmartre

Elle surplombe Paris

Elle rit

Des pervers

Qui voient en ses tableaux

De la porno

Alors que tout chez elle

N’est que grâce et beauté

Elle va s’acheter des fleurs,

Sinon c’est son fils

Aussi talentueux que sa mère

Qui fleurit la table

Juliette vit

Ses jours comme bon lui semble

Qu’il en soit ainsi.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

À la frontière

Le souffle se retient,

Se quantifie

Se raréfie

Promenade en apnée

Paysages aquatiques,

Hypnotiques

Quel côté de l’onde occupes-tu ?

Le ciel lumineux

Livré aux oiseaux et aux rêveurs

Les eaux

Pour les noyés et les naïades

À chacun sa baignade

À chacun son envolée

Il me semble que tu goûtes

Ton plaisir

À évoluer à la frontière

De deux univers.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

Trop, jamais assez, encore

SomeReading

Il y a toujours trop de livres, dit-on,

Pour les rêveurs

Les intellos

Les dissidents

Les artistes

 

Il n’y a jamais assez

De poèmes

De déclarations ferventes

D’appels aux réconciliations

Sur les tombes aux chrysanthèmes

 

On souhaite encore

De nouveaux Norman Bethune

De nouvelles Marie Curie

D’effervescents Guillaume Depardieu

D’effervescentes Betty Davis

 

Il y a toujours trop de livres

Il n’y a jamais assez de poèmes

On souhaite encore…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Entre deux brins d’herbe

Geai bleu

Entre deux brins d’herbe

Elle reposait superbe

La plume

Du geai bleu

Magnifique corvidé

Si l’on pouvait évider

Ce bleu et ce noir

D’un quelconque fruit

Les extraire

D’un quelconque regard

Mystère

J’imagine une livrée

Aux reflets moirés

Ou encore une couverture

D’un recueil poétique

Je reste bouche bée

Entre deux brins d’herbe

Elle reposait superbe

La plume

Du geai bleu…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Autoportrait en clair-obscur

Le poète est comme un chocolat

Il peut contenir

Des traces de noix

Il fait gaffe

Au manque d’air(e)

Contrairement à la rumeur,

Le poète ne joue pas d’attitudes

Il n’est pas dans l’ego

Soyez rassuré.e

Le poète est un soda

Parfois en bulles

Tantôt à plat,

Eau plate et dormante

Il sourit peu

Il rit encore moins

Les nouvelles télévisées

Rendent les humoristes de sinistres bouffons

Les causes sociales l’émeuvent

Les artistes le fascinent

Depuis l’enfance

Enclin à se sous-estimer

Il se veut ivre

À fréquenter les livres

Et libre

De toute influence

Car au fond il n’en fait

Qu’à sa tête

Pourquoi lui en vouloir

S’il ne traîne pas dans votre boudoir

 

Dans mon humilité

Même si vous en doutez

Pour certains d’entre vous

Je contiens la plénitude

Et mon anéantissement

La lumière

Et les ténèbres

Je suis un homme en clair-obscur.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Et puis après…

Romancier en devenir,

Le poète écrit

Une page par jour

Parfois deux

Quand les mots viennent

Quand le silence englobe

Cocon libérateur

Des pensées de l’auteur

La trame de l’histoire

Dort dans un carnet fleuri

Les grandes lignes sont tracées d’avance

Mais les aléas

Et les coups de gueule

Des personnages qui font maintenant la moue

Et qui provoquent parfois le scribe dans un alinéa

Dans le cahier Clairefontaine

Les gribouillages, les éléments descriptifs

Et les dialogues

Tombent dans le vif

Du sujet

Et puis après…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Jeux de paume

Tu m’as conté ta vie

Pierre Lapointe, on a écouté

Accent porté

Sur le choix des mots

On a parlé

De Barbara,

Tu as la douce folie de Prévert

Nul besoin de prendre un verre

Un café suffit

Nous étions bien

J’ai retiré ma chemise

Avant de poser

Mes paumes sur ta peau

Nous avons ri

Nous comptons bien

Récidiver

Avec tes paumes sur ma peau.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le crayon bleu de Prusse

J’ai tant écrit

À l’heure

Où on n’attend plus personne

À l’heure

Où ne sonne le téléphone

Les mots se divisent en syllabes,

En sons, puis j’en deviens aphone

Mon crayon bleu de Prusse Staedtler

Trace et griffonne

Comme musique de fond

Des notes de saxophone

Ou encore une gorgée de thé

Qui m’aide à digérer le mutisme

Dans lequel je suis plongé

J’ai tant écrit

À l’heure…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Roman en voie d’écriture…

roman

Voyez mes gribouillages dans un cahier Clairefontaine. Oui, les ratures et les coquilles sont permises à cette étape-ci.

À la maison, ça tourbillonne trop ces temps-ci.  Lorraine Lapointe, une amie comédienne, poète et chanteuse, m’a suggéré d’écrire lors de mes déplacements en transport en commun, quand l’espace le permet. Je commets l’impudeur d’écrire devant les autres et cela m’amuse de voir la tête qu’ils font. Écrire des chansons, des poèmes dans un café, je l’ai fait très souvent au début de la vingtaine. Laisser mes personnages évoluer, au gré de leurs humeurs, ça me convient très bien, même si cela se vit dans le train ou dans le bus.

Fait à noter que mes recueils de poésie biographique sur Félix Leclerc et Barbara furent rédigés dans le train de Deux-Montagnes/Montréal. À la rythmique des wagons passant sur les rails se superposaient leurs voix, leur univers respectif.

À un proche qui me disait que j’étais à l’ancienne d’écrire dans un cahier, ma réponse fut que c’était bien possible, mais que les carnets valent leur pesant d’or pour les archives et les encans, quand l’écrivain devient connu et surtout après sa mort. Donc, je prépare mon trousseau à léguer après mon départ pour l’au-delà.

N’en faisant qu’à ma tête, je poursuis l’écriture de ce roman qui devrait se terminer au début 2020.  D’ici là, je n’en dévoilerai pas plus.   À suivre.

© Image, texte, Denis Morin, 2019

Constamment

Je doute constamment

Malgré mon air frondeur

Mes yeux levés au ciel

Comme en état d’apesanteur

 

Je me questionne constamment

Sur le succès des uns

Sur la déveine des autres

Je me fais spectateur du destin

 

Je dessine constamment

Des points de suspension

À l’image d’idées inachevées,

Œuvres en gestation.

 

Je doute constamment

Et vous ?

 

© Texte, Denis Morin, 2019

De l’écriture et de l’absence

On comble une absence par d’autres présences qui font plaisir, qui rendent ivre momentanément.

On en arrive à comprendre sa propre vie en lisant celles des autres, personnages réels et fictifs. Il n’y a rien de définitif en écriture, si ce n’est le point final, mettant fin au dernier chapitre d’un roman, au dernier vers d’un recueil, à la dernière réplique qui sera rendue par un comédien sur scène.

On comble une absence en tachant sa main d’encre, en levant l’ancre dans sa tête pour s’autoriser l’alignement des phrases sur page et écran, pour gommer le blanc, pour y tracer des mots qui font sens tant pour soi que pour d’autres yeux.

Il va de soi que la roue est inventée et que le bouton orne encore la chemise et la tige florale sur le point d’éclore.  Écrire, c’est justement de se donner le droit d’éclore à notre tour, sans détours ni trop de manières.  Par les mots, comblons les absents, réjouissons-nous des présents.

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Les amours se déclinent…

Les amours se déclinent

À tous les temps

À tous les modes

 

Les amours se relèvent

Et s’inclinent

Arabesques tracées dans l’air

Et à la surface des eaux

 

On y laisse son cœur

Parfois sa peau

Ça trouble l’esprit

À qui ne sait pas

Freiner la passion

 

Les amours se déclinent

Chocolatées

Au jasmin ou à la rose.

 

Les amours de déclinent

Exaltantes,

Tourmentées

Ou avec un soupçon de spleen.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

De l’art et du silence

Les gens qui n’écrivent pas ne conçoivent ni ne comprennent qu’il faut du temps et du silence aux artistes pour créer du beau, célébrer le temps qu’il faut et pour métamorphoser l’ordinaire, le moche en quelque chose de grandiose et de fabuleux.

Le poème s’écrit généralement sur une lancée, un souffle, un jeu de mots saisi dans l’air comme on saisit un insecte en vol. Un mot en appelle un autre, tout comme les images se mettent à défiler comme un film devant nos yeux.

Sur un autre registre, le roman exige un travail assidu et davantage de souffle que l’on écrive avec ou sans plan. Je brosse un plan sommaire, mais je laisse les personnages me mener par le bout du nez. Si le poète se fait musicien et chef d’orchestre, le romancier dans mon cas suit ses personnages à la trace comme un loup ou un chien de chasse. Libérez-moi du temps et je saurai vous le rendre en une enfilade de mots pour vous faire rêver.

De plus, mes collègues vous diront qu’ils ont besoin de temps pour répéter une oeuvre musicale, la chanter, la danser ou bien pour peindre un paysage et transposer en couleurs des humeurs.

Par sécurité et conformisme, les gens apprécient les créateurs décédés en chansons, du cinéma, en peinture. Néanmoins, je les invite à encourager les artistes de leur temps. Respectez-les, même si vous ne saisissez pas toujours leur démarche.

Bonne lecture. Bonne visite à la galerie d’art ou bonne découverte du street art de votre quartier. Bonne écoute de la musique actuelle. Soyez curieux et vous rendrez des artistes heureux.

© Texte, Denis Morin, 2019

Ma petite musique intérieure

Mes livres

Je ne sais pas trop pour qui j’écris… Pour l’instant, j’ai le plaisir de m’exprimer. J’ai commis un polar, deux pièces de théâtre et de la poésie biographique tant d’artistes des variétés que des mystiques. Je suis très éclaté dans mes coups de cœur. Camille Claudel se cache sur un rayon de ma bibliothèque, tandis qu’Auguste R. se promène à Meudon.

Dans les prochains mois, j’annoncerai la sortie de mon recueil de poésie biographique sur la singulière Marguerite Duras. De plus, certains de ces titres seront repris en audio par Adret Web Art, un duo de concepteurs sonores aux belles voix, avec qui j’aime beaucoup travailler à différents projets.

Dans le bleu derrière mes bouquins dorment les premières pages de mon prochain roman que je souhaite avoir terminé à l’aube de 2020 pour parution en 2021.

En fait, je mène mon écriture, selon ma petite musique intérieure. Voilà où j’en suis dans ma vie littéraire.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Au guet

Le poète livre un combat

Entre ce qu’il dit,

Tait,

Omet

Et ce qu’il dévoile

De lui et des autres

Observateur

Évoluant

En périphérie

Pour mieux plonger

Son regard

Le poète dit tout,

Ne raconte que l’essentiel,

Soit des bribes de lui-même

À quoi bon en dire plus

Je suis fils de taiseux

Avec ma barbe aussi blanche

Que le plumage

D’un harfang des neiges

Au guet.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Mise en ligne

Mise en ligne

Des poèmes

Tels des bonbons en vitrine

Pour être lus, relus,

Les commentaires sont bienvenus

Mise en ligne

Pour faire battre des cœurs

Ajouter un brin d’esprit

Sur les réseaux sociaux

Où je perds mon temps

Où je rejoins d’autres solitudes

Tout autour du globe

Mes mots sont fragments de voix,

D’images

le tout est gobé par le flux continu

Une trace de moi

Dort déjà aux archives nationales

À Paris et à Montréal

Trouvez-moi sur YouTube

Vous êtes mes invités,

Lecteurs d’aujourd’hui et de demain.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Aujourd’hui

Aujourd’hui

Je suis ici et là

Avec mes doutes

Avec mes dettes

Comme seule certitude

Être présent

Vivant

Vibrant

Au monde,

À l’environnement

J’ai appris à me détourner

Des emmerdeurs

J’ai compris qu’il faut

Me retourner

Sur les splendeurs du quotidien

Mes peurs,

Je les gère

Par les réflexions,

Parfois des prières

Mais surtout,

En gardant le cœur confiant,

Les pieds ancrés au sol

Respirant

À pleins poumons

Ces moments

Qui s’écoulent,

Mélodies,

Envolées de notes

Je me souviens de tes mains

Sur le piano.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La vie des autres

La vie des autres

Se déroule

Dans les romans

En chapitres

En chansons

Dans les télé-réalités

Aux actualités

Dans le match de Paris

Pour les célébrités

Moi, je l’écris en poésie

Dans mes recueils

Je fais des clins d’œil

À Camille Claudel,

À Rodin,

À Barbara, Félix Leclerc

Et les autres

 

De grâce,

Évitez-moi une biographie

Après ma mort

Je m’amuse

En ce présent

À vous raconter

Tant le parcours des saints,

Tant les enjeux créatifs

D’artistes d’hier

Et de maintenant

 

Ouvert, je demeure

Pour accueillir

L’avis des autres.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

À découvert

Le poète a retrouvé

L’ouïe

À force d’eau saline

Et sous les mains agiles d’un ostéo

Comme la vue se retrouve

La paupière s’ouvre

Et la lumière

Et les sons

Englobent la matière

 

Le poète a découvert

Que lui inspiration lui vient

Tel un songe en équilibre

(Clin d’oeil ici fait à Anne Hébert)

Lors de déplacements

Puisque la vie est dans le mouvement,

Malgré les bruits ambiants

L’inspiration trouve sa voix / sa voie

Dans le mutisme

Du poète

Concentré,

À l’écoute de cette musique intérieure,

Contemplant de nouveaux paysages,

Seul parmi la foule,

Seul parmi d’autres solitudes,

À découvert.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Toujours

Toujours

Se vit dans l’audace

Dans la quête de l’impossible

De l’inaccessible

 

Toujours

Une promesse

Une résolution

À tenir

Surtout devant témoins

Ou en son for intérieur

Pour s’éviter les regrets

Et le sarcasme

 

Toujours

Comme une ambition

Une rime de chanson

Entendue, reconnue

Fredonnée d’hier à aujourd’hui

 

Toujours

Évoque amour

Avec ou sans cérémonie

Porter en son cœur

Le souvenir des êtres

Présents et disparus

 

Toujours

Un mot-velours

Qui défile dans la vie

Comme une habitude

Une certitude

D’être là

À quelques pas

Ou à mille lieues

Tout de même si près.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

À définir

J’aurai des mots de troubadour

Donnant ainsi aux jours

Trop gris

Trop tristounets

Un peu plus d’atours

Comme si les attraits

Du poète

N’étaient ni sa tête

Ni ses yeux

Mais la manière

Dont sa plume

Répand sur une feuille

Écran blanc

La plupart du temps

Des secrets

Espace virtuel

Tout de même concret

Où se livre le combat

Du silence et du dire

Les idées et les dessins

Mots-clefs

Tout reste à confier

Au papier

Tel un visage

Fixant un miroir

En attente d’un sourire,

De soi à soi,

D’un personnage encore

À définir.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Bleu de travail

Le gaucher inspiré tartine l’encre autant sur ses doigts que sur le papier. Voici la main du poète et de l’écrivain en devenir après avoir transcrit des notes pour son deuxième roman.   L’Écosse, la France, le Québec, l’itinéraire est tout tracé, tel un plan de travail dans un carnet…  Pour le reste, c’est secret.

Ça progresse lentement. J’écrirai ce roman au fur et à mesure.  Je n’en sais pas la longueur future.  Est-ce si important de tout contrôler ?  Je ne crois pas.  Je laisse à mes personnages la possibilité de me surprendre et de m’apprendre sur leur vécu.

J’écrirai ce roman dans trois cahiers Claire fontaine… puis je mettrai le tout sur Word. D’une écriture à une transcription, le texte s’affinera, sans compter que les cahiers dormiront dans mes archives personnelles.

doigt d'écrivain

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

L’équilibriste

Sur un fil de fer,

Il déambulait

L’équilibriste

Sans filet

Sa vie il jouait

Au-dessus de lui

Les vents de la vallée

Et le vol des rapaces

En contrebas,

Le lit d’une rivière

Asséchée

Depuis qu’une société minière

Exploitait cette zone

Sur un fil de fer,

Il traversait

Le monde connu, en arrière

Un monde nouveau, devant lui

Et s’il fallait se défaire

D’une chrysalide

Forgée au cours des années

D’habitudes,

D’apparentes certitudes

Et finalement,

S’envoler

Tel le papillon qu’il était

Vraiment.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

La tigresse et le panier d’osier

Indira

Savait ses jours compter

À présent veuve

La belle-famille la chassa

Ce qui doubla son épreuve

Elle plaça ses jumeaux

Dans un panier d’osier

Les jumeaux glissèrent

Sur les eaux du Gange

Pendant ce temps

Un couple stérile

Priait après les ablutions

Aux abords d’un temple

Pour que les divinités vinssent

À leur secours

Soudain une tigresse

Somnolant sur un îlot de joncs

Se réveilla

Saisit la panier

Lui passant au museau

Elle nagea

Vers la rive

Et remit au couple

Leur vœu exaucé.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

L’enfant-soldat

L’enfant-soldat

S’est vu retirer

Famille et terre

Lui, l’aîné

Pour se faire offrir

Bisbille et guerre

Il joue à sauve qui peut

Son enfance, on la blesse

En guise de jeu

Il tire, il tue

En rêve, il revoit

Sa mère, ses frères

Son père l’a-t-il connu

Fut-il reconnu ?

C’est toujours son oncle maternel

Qui veillait sur eux

Il espère semailles

Boustifaille, paix

Sous la chaleur de l’après-midi

Se ferment ses paupières

Entre deux combats…

Mamadou,

Mamadou,

Tu t’es endormi

La classe est finie

Nous sommes à Montréal

Il est 16 heures et demie.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Souffleurs de vers

Lorraine me glisse à l’oreille

« Les poètes sont des souffleurs de vers »

Elle demeure toujours à la fine pointe

Je lui concède raison

Sans l’ombre d’un doute

J’ajouterai sans gêne

« Les poètes sont des souffleurs de rêves »

Naviguant entre grèves

Si familières

Et paysages interstellaires

Leur vision du monde

Vaut la joie de l’écoute

Vous qui n’écrivez

Jamais rien

Soyez au rendez-vous

De nos mots les plus doux

De nos mots les plus fous

Ainsi va la poésie.

 

© Texte, Denis Morin, sauf citation de Lorraine Lapointe, 2018

 

 

 

Sur la pointe des pieds

Elle marchait

Enfant

Sur la pointe des pieds

Toute discrète

Toute secrète

Ne pas éveiller de soupçons

Eviter le moindre bruit

 

Elle marchait

Toute grande

Dans ses escarpins

Sur la pointe des pieds

Raffinée

Tout aussi secrète

Ainsi, elle menait sa vie

 

Elle marchait

Boulot

Courses

Affaires de famille

Évitant les bisbilles

Elle se voyait marchant sur les eaux

Du lac de Tibériade.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Dans un carnet

Il n’était pas au rendez-vous

Fixé depuis deux semaines

Quelle déveine

On esquisse des pieds et des mains

Dans un carnet

On semble fol

On dessine aussi une clef de sol

Inquiet

Deuxième lapin

Posé, je me résigne

Raté le ciné,

L’exposition au musée

Je serais mieux chez moi

Écoutant Barbara

À m’occuper de mes bouquets

À écrire sur les femmes dans l’art

Qu’à espérer

Un appel d’un abonné absent

Qui n’en vaut plus la peine

Désintérêt

« Garçon, l’addition

S’il vous plaît ! »

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Le poète

Il manie

Le stylo et la souris

Pas vraiment la hache

Le couteau

Seuls les mots peuvent

Avoir du mordant,

Un côté incisif

 

En règle générale

Le poète préfère

Les livres

Les vers et la prose qui le rendent ivre

Par tant de beauté partagée

 

Par essence

Le poète écrit

Mais il lui arrive

De déclamer

Mais il lui arrive

De se taire

Selon si on souhaite l’entendre

Ou faire fi de sa compagnie

 

Il est en quête…

Sentiments, choses et mystères

Qui le tourmentent au travail

Qui l’éveillent la nuit

Lui font sortir un calepin,

Amas végétal recyclé, ligné

Anodin

 

À tout prix, il lui faut

Écrire une image

Tout droit, de biais, en marge

Faute de papier,

Au creux de sa main.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Sans aucune rancune

Elle me disait

Têtu, obstiné

Trop dans le mental

Trop dans l’ego

Elle me prodiguait

Des conseils sur les arts et la vie

Par je ne sais trop quel hasard

Ces conseils, elle ne se les appliquait

Pas à elle-même

Je la trouvais talentueuse, brillante

Comme une lanterne sous le boisseau

Flemmarde

Intuitive

Un brin vaniteuse

Elle jouait trop peu du clavier

De l’ordinateur et du piano

Les mots et les notes

Toujours remis à demain

Selon elle, je la méprisais

Pour ma part, ce n’était pas le cas

Je voulais secouer son immobilisme

Avant qu’il ne fût trop tard

Elle en eut marre

Que je lui rappelle

Le fait que n’écrire

Juste par temps inspirés

Par le Ciel ou autres bonnes ondées

Sur le moment, on est bien

Ancré dans le présent

Mais cela ne mène à rien

Sinon qu’à des regrets

De passer à côté de ses talents

Le sablier et l’hiver poussent sur les feuilles

Rageurs, nous nous sommes bloqués

Ici et là, tant dans le réel que sur les réseaux virtuels

Bon vent !

Que la Vie soit sa muse

Je m’en retourne

Justement à mon secrétaire

Mon clavier me tient meilleure compagnie

Tout ceci est écrit sans aucune rancune.

 

Ton piano

Ton souffle parti

Le piano est sorti

De la maison

En présence de tes fils

Tes cendres dorment

Entre tes livres, au salon

Puis d’autres mains

Joueront dès maintenant

Tes partitions,

Chansons de Félix Leclerc,

Partitions de Bach

Après deux ans de deuil

C’est moi qui prépare à présent

Ta soupe saupoudrée de cerfeuil.

 

Le matin

Le matin. En passant.

Rame de métro. Où sont les oiseaux ?  Ils dansent en notes sur MP3 et sur des cellulaires.

Je n’ose regarder les passagers.  Prison de verre et de plastique.  Wagon, tunnel.  Message inaudible à la clientèle.  Certains dorment, baillent, lisent, se lèvent, tiennent à peine debout.

Sortie quatre stations plus loin.  Bousculade d’étudiants.  Dictionnaire à peine acheté, dictionnaire à peine échappé sur les rails.  Interruption de service.  Je n’y suis pour rien ou si peu. « Non, rien de rien… » qu’elle chantait la Piaf.  Elle dort au Père Lachaise.

Prenez donc une bûche et venez me jaser un brin le matin.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

La vie, dans le mouvement

L’écriture se nourrit de temps arraché à la cacophonie de la modernité et de régularité.  Donc, on ne saute pas un jour sans broder quelques lignes, sans confier à l’écran ou au papier un état d’âme, une pensée, un dialogue à intégrer dans un chapitre de roman.

Oui, les états de grâce existent où les muses et les esprits des disparus nous soufflent l’image émouvante et la rime parfaite, mais bien plus souvent qu’autrement il nous faut un brin de fatigue oculaire pour que jaillisse un texte convenable qui saura faire réfléchir ou à tout le moins émouvoir le lecteur en sa chaumière.

Malgré les apparences, je n’ai pas le verbe facile.  Je suis timide.  Je me fais violence, puisqu’écrire m’est nécessaire pour vivre.  Tiens, je vous écris en ce moment dans le silence. Pas de télévision allumée pour distraire le regard, pas de Messenger ouvert, par de musique pour m’éviter le risque de m’envoler sur une mélodie.

Le livre en devenir se forge à coups de phrases prélevées, voire cueillies dans l’air.  Qui de l’imaginaire et de la raison se met au service de l’un ou de l’autre ?  Je ne saurais dire.  Cela importe peu.  Allons de l’avant, la vie étant dans le mouvement, dans le geste, des mots qui défilent et de l’iris qui lit…

À suivre…

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Le parcours de l’artiste

L’artiste vit son parcours

Il inspire l’affection,

La haine ou l’indifférence

Il est ce qu’il est

Il crée, parfois il fait la récréation

Pour le peuple

Ou il éveille les consciences

 

Après son trépas

Le notaire et les ayants droit entrent dans la danse

Question de blé et de fiscalité

Formalités, vous dirais-je

 

L’artiste vit ses beaux jours

Il écrit, crée, crie, décrit

Peint,  danse, filme, pianote, chante,

Tournoie sur lui-même

Et dans son mouvement giratoire,

Veut toucher l’autre

 

Il est capté par le désespoir

La planète tel un navire qui coule

Il doit penser à émouvoir

Si l’ombre d’un journaliste lui tend un micro

Puis à se vendre

Sur les réseaux sociaux,

Promotion oblige

 

L’artiste s’époumone

À chercher la lumière du projecteur

Sur soi

Souvent, ça ne vient pas

Les lampes sont éteintes

Les regards sont détournés

Et l’artiste s’en retourne

À son silence,

À sa tanière

 

Circulez, circulez, les citoyens

Y a rien à voir

 

L’artiste sait qu’il vivra

À titre posthume

Émotion dans la voix

Non, je n’ai pas le rhume

Par ses œuvres

Par l’amour ou son contraire

Qu’on lui vouait

 

S’il est né sous une bonne étoile

Son nom sera dans le Robert

On aura des pistes de recherche

Aux archives nationales

Ou dans une vieille malle familiale.

 

Quant à moi,

Je lirai ma poésie

J’animerai des ateliers

Et j’écrirai des billets tel celui-ci

Comme autant de bouteilles…

Un homme à la mer !

 

© texte, Denis Morin, 2018

 

 

 

Je vais… tu vas…

Je vais

À pas de loup

Tu vas

Parfois à pas de biche

Tantôt à pas de buffle

 

Je cours

Après le temps qui passe

Tandis

Que tu te prélasses

J’accours

 

Tu soupires

Les heures fuient

En retard

En décalage horaire

Pourtant, j’avais tout planifié

Sauf les imprévus

 

Tu rages

Tes doigts tambourinent…

Je suis en nage

Je vais…

Au pas cadencé

Au fond, tu vas…

Bien amusé(e)

De me voir courir.

 

© texte, Denis Morin, 2018

 

Cœur de bitume

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Cœur de bitume

Masqueras-tu les fissures,

Les blessures

Laissées par le gel

Et l’usure ?

 

Cœur-enclume

Écrira-t-on sur ton dos

Des mots doux

Au lieu de marteler des mots amers

Comme venin ?

 

Cœur de bitume

Engloutiras-tu le sablier

Qui incite à la fuite ?

Les passants vont et viennent

Certains séchant leurs larmes.

 

© photo et texte, Denis Morin, 2018

De la reprise de l’écriture

Je passai quelques années sans rien écrire, outre les documents administratifs liés au travail.  Je n’y croyais plus, ne trouvant plus l’envie d’aligner les mots en file indienne sur le papier.

Amer, je devenais au fil des jours, sans trop m’en rendre compte.  L’ennui et la jalousie face au succès des autres m’habitaient…

Puis, un jour, j’ai connu dans le train un coach de vie qui me parla de la nécessité de replonger en écriture pour mieux m’épanouir.  Un matin, au plus fort de mes angoisses existentielles, il me parla des coïncidences et des signes.  Je l’écoutai par politesse tout en souriant… Mais la vie fait bien les choses, puisque trois gares plus tard, une dame entra dans le wagon, s’assit devant moi, sortit un ordinateur portatif.  Étant très curieux de nature, je m’informai de la nature de l’écrit en préparation.  Elle me répondit que c’était un roman, qu’elle écrivait matin et soir durant ses trajets ferroviaires, car à la maison  »ses hommes », en l’occurrence son mari et ses deux fils, nécessitaient sa présence quasi constante.  Mon ami, le coach de vie, me fit un clin d’œil devant ce signe si évident.

Ainsi, le lendemain matin, je reprenais l’écriture et je me remettais à sourire à la vie pour mon plus grand plaisir et peut-être le vôtre aussi…

Depuis ce temps, je persiste et je signe.

 

© texte, Denis Morin, 2018

Juste l’heure

Je me mire

dans la glace

Le passé me suit

à la trace

L’ombre de mon père

me terrasse

Plus je vieillis

plus je lui ressemble,

il me semble

C’est écrit dans le ciel

Inscription dans les gênes

impression irréelle

Les ancêtres se bousculent

dans ma tête

et je me sens ridicule

Nu, je taille ma barbe

replace mes cheveux

en broussaille mes aveux

Contemple les poils

devenus gris,

devenus blancs

Les rides, mes lignes de vie

Me donnent juste l’heure

et le temps qu’il fait

Je m’habille

Je me mire,

au travers mon visage

je salue mon père,

Puis monte dans un taxi.

 

© Texte, Denis Morin, 2018