William et Nelly

Rue Pierce, centre-ville, Mtl

Petite maisonnette

À portes jumelles

Au cœur de la ville

Façade anglo-écossaise

En pierre couleur sable

Corniches, fronton

D’une même teinte délavée

Par les ans et la pluie

Sans négliger du regard

L’ardoise gris souris

Plutôt à la française

Le toit plat, innovation victorienne

Mur latéral en briques brunes

Nulle place pour jardinet

Le charbon livré autrefois

À l’arrière

Ou bien par le portillon anthracite

Sur le côté

Imaginons un pianiste

Prénommé William

Ayant pour voisine une écrivaine

Baptisée Nelly

Se souriant parfois

Et s’invitant rarement

Pour le thé,

Celui de 5 heures

Ou pour un verre de xérès

En soirée

Était-ce la gêne ou par souci

Des convenances,

Frein à l’expression d’une passion

Que l’on percevait

Certains soirs

Où William jouait Brahms ou Chopin

Où Nelly déclamait sa poésie

Fenêtre ouverte

Par la joie secrète du pianiste

Depuis le piano s’est tu

Les partitions ont jauni

Dans l’armoire d’un cousin amnésique

Les livres ont terminé

Leurs courses

J’ose l’espérer

En un quelconque fonds d’archives

Et non pas consumer

Dans l’âtre du salon

Par un nouveau propriétaire

Épris de déco contemporaine

Ayant envoyé valser

Les charmes vieillots d’hier

Comme seule évasion maintenant,

Un immeuble à paroi de verre

Où se mire le ciel

Pierre tombale moderne

Pour oiseaux désorientés

Par les rumeurs de l’été.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La chatte périurbaine

Chatte périurbaine

La chatte périurbaine

Ou de banlieue

Rive nord

N’a que faire

Des mondanités du Plateau,

Notre Montmartre à nous

Elle se fout des voitures

Qui la contournent

Et la klaxonnent

Le matin

Elle effectue sa tournée

Soit quatre maisons

Dont la mienne

Où elle hume les roses

Et le trèfle

Au soir tombé,

Elle entre chez elle

La chatte au pelage

Écaille de tortue

Satisfaite de sa journée

De farniente,

Alors que les humains

S’arrachent les yeux

Sur leur ordinateur

Et que leurs paupières s’écaillent

Sous la lumière artificielle

Des écrans.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Esprit divaguant…

Une même tasse

Pour café, thé, tisane

Le tanin la tache

Et ma main la récure

Avant la cuillère débordante

De miel

Cannelle tout près

Fragments d’écorce

Libérant

Arôme et goût

Sous l’infusion

Rêve de caravane

 

Une même tasse

Sur soucoupe

D’un blanc étincelant

À mon secrétaire,

Pièce de mobilier

Et témoin des rares envolées

 

Parfois, la tasse

Me suit

Sous puits de lumière

Que j’imagine

Mon ficus benjamina

Transformé

Par mon esprit divaguant

En théier.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Castle Building avec vue sur la ville

Castle Building

Il n’a

Ni l’allure d’un hôtel

Quatre étoiles

Ni celle d’un château

Surplombant une forteresse

Et entouré de douves

Au passé, les ponts-levis

L’immeuble en briques brunes

Aurait passé pour une ancienne

Manufacture ou ruche à comptables

Alignés derrière leurs bureaux

Imaginons derrière

La paroi anonyme ou presque

Un restaurant végétarien

Une bibliothèque

Une salle de cinéma

Pour diffusion de documentaires

Ou de lectures publiques de poésie

Avec vue sur la ville.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le clocheton

Tour et clocher-CHUM

L’architecture

En panneaux de verre

A absorbé

Un clocheton

Tout en pierres

De taille

Maintenant David

Contre

Goliath

S’est tu l’airain

Furent ravalées

Les prières

En nos fors intérieurs

La pluie

La neige

La grêle

Heurtent

Érodent

Les surfaces

Mais qui s’en émeut

Gommé le parvis

Vite une rame de métro

Nous convie à un autre tempo

Pendant ce temps,

Psalmodie

En quelque verte campagne

En quelconque monastère.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Éclipse

Main de lune

Main qui tend

La lune

Main qui la reçoit

L’éclipse

Intentions dans ce partage

Ongles ayant gratté

Le sol terreux

Le ciel assombri

Qui soumet

Qui domine

Aucun jeu de pouvoir

En fait

Dans les gestes tendres

Les lignes

De vie et de cœur

Se mirent

Dans les paumes

Qui s’aimantent

Tout en maintenant

Une distance

Appropriée

Mais l’amour

Accepte-t-il

Cette distanciation

Ce retrait

Cet attrait

De l’absence/présence…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les ciels des peintres

Les ciels des peintres

Nous font des yeux doux

Tandis que les cieux

Évoquent pour nous

La Mère-Patrie, le Pays

Et pour vous,

Le Paradis

Les ciels des peintres

Sont des rêves d’enfant

Des remous

De l’écume

Dans une rivière

Suspendue

Sous les étoiles

Et le soleil

Et la lune

Les ciels des peintres

Sont touches de peinture

Nostalgie française

Ligne d’horizon anglaise

Par-delà les falaises

On entend les rugissements

De la mer

S’élèvent les pleurs

Implorent les peureux,

Surtout les malheureux

La Manche engloutit

Les marins dans ses manches

Et les oiseaux crieurs

Réclament leur pitance

Derrière les bateaux

Et les gamins rieurs

Réclament l’errance

Au sortir des berceaux.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Des cornets de gramophone

Rose trémière jaune

Il y des fleurs comme ça

Qui vous figent en mémoire

L’enfance aux trousses

Lilas, glaïeul, rose trémière

Pour cette dernière

J’en cultive des jaunes

Et des noires

Qui bouffent la lumière

Et cultivent le mystère

Cette beauté gracile

Ne se mesure pas à l’aune

Avec ces corolles

En cornets de gramophone

Ce sont des airs anciens

Que l’on croit entendre

Et que l’on méprend

Avec J’ai deux amours

Et J’attendrai.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Prière de ne pas déranger

Flou-rueBleury

De jour comme de nuit

La ville apparaît

Si tranquille

De si haut

On croit entendre

Le vent

Au travers des branches

Rideaux tirés

La plupart du temps

Pour estomper le vertige

Pour gommer

L’appel du vide

Vaux mieux s’asseoir

Que de rester debout

L’eau froide rafraîchit

Les idées

Calme les émotions

Il y a

Tant à faire

Tant à écrire

Tant à dire

Chaque envolée lyrique

Chaque décollage poétique

Me rapproche du ciel

Me rapproche du cœur

À la porte de la chambre

Prière de ne pas déranger.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Un écrivain sur la ville

Poètesurlaville

Hier, je jouais

Au jeu

De l’écrivain sur la ville

Isolé dans une chambre

À transcrire

Des mots

De manuscrit à tapuscrit

Hier, je contemplais

La cité et ses vertiges

Les buildings, les voitures,

Le verre allumé

Devant moi

Et en contrebas

Et moi derrière une glace

Pris entre le silence

Et un besoin de plonger

En écriture

Dans mon cahier

Si plein de ratures

Hier, je jouais

Au jeu

Du poète rêveur sur la ville

Ivre de liberté

Il faisait nuit

Qu’importe les pages

À transcrire

Je finirai bien

Par arriver au port.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

La concordance des temps

FeuillesetombreJuin2020

Toujours en décalage

Le poète se perd

Dans la concordance

Des temps et des saisons

Comme si cette mise à l’arrêt

À des fins administratives et sanitaires

L’avait mis selon toute vraisemblance

Hors-jeu

Hors de piste

Mais c’est justement là

L’enjeu,

Celle de plonger en soi

De transformer la pause en prose

De transmuter la paralysie

En envol créatif,

Écoute en boucle

Du piano de Jean-Michel Blais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Pavot oriental

Pavot

Pavot oriental

Feuillage dentelé

Peau hirsute

Tige élancée

Corolle délicate

Généralement de couleur vive

Pistils noirs

Envoûtement certain

Pétales craignant trop forte pluie

Éclat fané

Comptons une semaine

Pavot

Ma grand-mère cultivait celui d’Islande

Le poète en cultive

Pensant à elle

Mais préfère de loin…

Pavot oriental

Et ses mystères botaniques

Non élucidés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le temps d’une ballade

Boisé-Roger-Lemoine

Au milieu des ombres végétales

Se regagne le souffle

Sous le canopée

Pause de l’été brûlant

Ici, rais lumineux

Esquisse de chemin

Chlorophylle suspendue

Seuls quelques banlieusards

S’y aventurent

À vélo ou à pied

Aucun risque

De s’y perdre

Le temps d’une ballade.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Coccinelle et ombrelle

Cocinelle

Petite coccinelle

Cherche la fraîcheur

Et transforme

Feuillage d’églantier

En ombrelle

Que de mystères

À conserver sous les élytres,

Sorte de livrée

À pois

Pouvant inspirer

L’audacieux couturier

Les pucerons

N’ont qu’à fuir

Cet élégant prédateur

Qui ravit

Enfants et jardiniers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Grâces florales

Pivoine du Japon

En blanc

Pivoine tout court

En rose

Le merle et le cardinal

Accourent

Du fond de la cour

Survolent

Les grâces florales

Endimanchées

Je m’incline

Devant tant de beauté

Fasciné

Suis-je

Par l’éphémérité

Dis-je

Hanté

Par la fragilité

Du jour.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Au sortir d’une corolle

Bourdon

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Acouphène qui s’éveille

Ou prémonition

C’est pareil

Vibrato

La réponse surgira

Dans quelques secondes

À la porte

Ou au sortir

D’une corolle

C’est pareil

Car c’est la vie qui s’éveille

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Ce peut être toi

Que je tire

Du sommeil

Ce peut être toi

Qui s’annonce

Au sortir

D’une corolle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Cognassier fleuri

Cognassier en fleur-1

Mon cognassier du Japon

Se plaît

Au printemps

À jouer

Le cerisier en fleurs

Pour rivaliser en beauté

Avec le pommier,

Celui du voisin

Mon cognassier du Japon

Attire les abeilles

Et les bourdons

Ses épines,

Rappel horticole

De son appartenance

À la famille des rosiers

À chaque année

Je m’écorche

Un bras ou le menton

En cueillant

Ses fruits,

Beauté farouche

Que mon cognassier du Japon.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La tasse blanche

Tasse-livres

Tasse blanche

Pour thé noir

Confinée

En ce fouillis

Livres empilés

Dans ma chambre de poète

Vaisseau de porcelaine

Transport assuré

De l’esprit

Entre les volutes parfumées

Du breuvage

Et les pages

Rien n’est laissé

Au hasard

À proximité du lit

Les écrits

À scruter sous l’iris

En premier

Avant le basculement

Dans le monde des rêves

Les autres

Sont aussi prévus

Au calendrier

Pas d’empressement

Pas de bévue

Car je ne voudrais

Surtout pas

Renverser la tasse blanche.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

L’inventaire de cieux

FicusBenjamina

Par ce puits

De lumière

Je songe

À un inventaire

De cieux

Rien de bien audacieux

Au moins

Si je marchais

Sur la ligne ténue

Entre le clair

Et l’obscur

Par ce puits

De lumière

Le ficus benjamina

Étale son vert

S’embue parfois

Mon imaginaire

Je ne m’éterniserai pas

En détails

Je livre bataille

Avec le réel

Je ne m’éterniserai pas

En rêveries

J’ai trop à faire,

Trop à écrire.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Lichen

Lichen

C’est l’évidence

Que la nature écrit

Des poèmes

Des messages

À même

Le lichen

Sur les troncs

Libérés par l’hiver

C’est l’évidence

Même

Que tu reviendrais

Comme les oies

Comme les outardes

Comme le soleil

Au travers des nuages

C’est l’évidence

Même

Que ton silence confiné

En a marre de ces murs

Que ta pensée

Par tes yeux

Prend son envolée.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les arbres s’agitent

Conifères-Laval

Comme tu vois

Les mots repartent

À la conquête du printemps

Comme rivière en débâcle

Comme spectacle

Remis derrière rideaux fermés

À la fin de l’été

Comme tu le sens

Les paroles se libèrent

Sur la place publique

Même si virtuelle

Même si les trains

Sont vides et ponctuels

Comme tu vois

Les arbres

S’agitent

Dans les courants d’air

Pendant qu’on cogite

À la conquête du printemps

Du moins mentalement.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Nature morte

Secondepeau-Chemise

Nature morte

Le soir venu

Le dos rompu

Je me libère

D’une seconde peau

Nature endormie

Quand je clos

Les volets

Et que le lierre

Rêve déjà

Au jour prochain

Nature morte

Quand s’assèche ma prière

Et que pourtant les mots s’éveillent

En écoutant du piano,

Impression de revivre

Demain,

Je me baladerai au jardin

Y pousse le muguet

En dépit du temps frisquet.

 

 

© Texte, photo, Denis Morin, 2020

Ligne après ligne

Roman en devenir

Il y a

En ce jour confiné

Des personnages

En dialogues,

Des ambiances à décrire

Dans un roman à écrire

Il y a

La fluidité des notes

Qui courent sur un clavier

Piano

Une musique intérieure

Aussi à écouter

Il y a

Le silence tout autour

Et les oiseaux dans ma cour

J’écris

Assis

À la cuisine

Je regarde dehors

Mes personnages me ramènent

Ligne après ligne

À leur destinée

Que je dois révéler

Ligne après ligne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Paysan malgache

Porteur de riz

Le paysan malgache

N’a que son chapeau de paille

Comme parasol

Loin d’être un fainéant

Il bosse de l’aube à la nuit

Ses épaules

Portent des paniers d’osier

Et sa misère

Lui tient compagnie

Le zébu

Ne se plaint jamais

Du labeur

Dans la rizière

Avec une tige de bambou

Le paysan

Touche sa croupe

Le bovin avance

Dans la rizière

Enchâssée

Entre les collines

Naguère, il y avait des forêts

Maintenant, il y des collines érodées

Et un paysan.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les dragons

Les dragons

Hantise

Cauchemar

Œuvre d’art

Souvenir

Sculpture

Dragons,

Danse

Cousins des gargouilles

Notre-Dame confinée

Dans ses échafaudages

Les monstres

Surplombent les vallées

Avec eux,

Risques de chute

Vers les abysses

Divagations

Dans les eaux boueuses

Du Mékong

Le Chat botté

Doit chausser

Ses bottes de sept lieues

Pour éviter

La morsure

De ces créatures

Grotesques.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Un supplément de réconfort

Bouilloire

Périphérie

Courbe

Gouttes d’eau

Sur onde

Métal

Reflets en surface

Énigme contemporaine

Instrument pour le thé

Instrument pour faire durer

Le confinement

Chaleur s’y diffuse

Bulles d’air

Montée en surface

M’aime le thé

M’apprécie le café

Parfois je jette

Tout surplus

Dans une soupe

Dans un évier

Liquide brûlant

Ou volutes de vapeur

Je donne un supplément

De réconfort

En la cuisine.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Imaginaire sans frontières

CoucherdesoleilDMontagnes

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

En une destination

Gare

À toi si tu restes

Immobile

Tu pourrais prendre

Racine

T’incruster

Dans une routine

Obsessionnelle

Voire maladive

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

Retiens bien cela

Car la vie

Ne te le répétera pas

Cent fois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Retailles

Retailles

Retailles

Rébus

Porte ouverte

Sur l’imaginaire

Opportunité créatrice

Retailles

Ébréchure de papier

Origami parti

On ne sait où

Par-delà les murailles

Retailles

Vaisseaux libres

Voguant au radar

Dans les ténèbres

Éclat clair

Phares en mouvance

Ciseaux rangés

Dans un tiroir

Le poète avait écrit

Hier un poème

Et un dessin naïf

Source de joie

Pour les uns

Source d’irritation

Pour quelqu’un d’autre

Retailles

Ne jamais être dans l’unanimité

La plus béate qui soit

D’ailleurs, au jardin

Le poète constate

Que les pousses sortent de terre

Attirées vers le haut

Tout comme ces retailles

À la recherche inespérée

De la lumière du ciel.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Vingt secondes…

 

Le train était vide

Mais ma tête trop pleine

De soucis

Artificiels ou vrais

Qui sait

Deux outardes

Deux colverts

Sur la rive

Dans les wagons

Aucune âme qui vive

Sauf l’esseulé

Le grand dadais

Une fois parvenu

Gare centrale

Quelques clodos

Un vendeur de café

De thés aromatisés

Un agent de sécurité

Qui surveillait

Quoi et qui au juste

Puis corridor

Je m’endors

Il pleut

Lumière bleue

Dehors

Direction métro

Quelques clodos

À qui j’offre

L’ivresse

De l’orangé de mes clémentines

Puis je monte

En surface

Il pleut

Semelle fendillée

Pied gauche mouillé

Prévisible comme ce printemps frisquet

Je me répète semelle fendillée

Non, ce n’est jamais

Mes lèvres qui le sont

Jusqu’aux oreilles

Le sort de l’humanité

Me pèse

Trop

Pour me donner aux facéties

De l’humour

Car trop d’amour

Me font courber les épaules

D’ailleurs, pour celles des autres

Si rares sont-ils

Elles circulent à deux mètres

Consigne réglementaire

Dans la ville

Je vais fébrile

D’arriver à destination

Vite le savon

Les vingt secondes

Je les compte

Avant le café

Et un brin de comptabilité

 

Vingt, dix-neuf, dix-huit

Dix-sept, seize

Quinze, quatorze

Treize

Douze, onze

Dix, neuf

Huit, sept

Six, cinq

Quatre, trois

Deux, un

Zéro.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Bises

LacDMArbres

L’hiver s’en est allé

Ou presque

Le froid commet

Des frasques

On les retourne

À la pelle

Ou du revers

De la main

Se baladent les canards

En bord de lac

Bourgeons et fleurs

Finiront

Par éclore

Pour donner sourire

À la commissure

Des lèvres

Pour donner grâce

À la frontière

Des paupières

Horizon

Proximité

Étreintes reportées

Au calendrier

Ce n’est que partie remise

Courage

Bises.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Émeraude

Emeraude

Se déniche

L’émeraude

Au sud

Colombie, Brésil

Mais elle se terre

Parfois

Dans une station de métro

Gisement insoupçonné

Qui surgit

Entre deux passagers

Obsédés du sodoku et du cellulaire

Ignorant le mètre de distance

Pourtant, il faut du recul

Pour apprécier

La beauté des choses

Et surtout celle des êtres.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les galets

Neige et galets

Fond neige

Au soleil

Galets

Délivrés

Peu à peu

Gangue de glace

Crocus prêt à bondir

Se réchauffe le sol

Bulles d’air

Puis eau absorbée

Par la terre

Sous la pierre

Aménagement minéral

En bordure de route

On imagine

Une mer imaginaire

Ayant poli

La matière

Pour la rendre ronde et lisse

Julia et Patrice

Rangez le bac à recyclage

Allez, les rêveurs

Vous n’êtes pas à la plage…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Carte postale

Cielrose

Il nous faudrait

Egayer le temps

Appliquer au ciel

Touches de gris bleuté

Moutons paisibles

Pré rosé

Tutus de ballerine

Baies sur plateau

Encres diluées

Dans une eau

Songes estompés

Doutes gommés

Ballade en solitaire

Selon si le chien

Dort au salon

Sur canapé

Pas la peine

D’aboyer

Le facteur ne livre plus

Que des circulaires

Au lieu des mots

D’amour

Ta carte postale je l’aurai

Après ton isolement

Les poètes

Naviguent

En ligne

Voix derrière

Masques des écrans.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Quarantaine

Circulez

Circulez

Y a rien à voir

Ou si peu

De piétons

Marchez

Sinon

Une contravention

Ventilez

Évacuez les idées grises

Mais chez vous

Déprime

Ou éclats de rire

Sont à proscrire

Sur la place publique

Détournement

De vos heures

Pour quelques jours

Faites un détour

Circulez

Y a rien à voir

Car le présent…

Ressemble

À une quarantaine.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre deux saisons…

Cèdre-glaçon

Cèdre-glaçon

N’a qu’une seule envie

La fonte

Le recul

Du froid

Et les chauds rayons

Cèdre-glaçon

N’a aucun intérêt

Pour des chansons

Des ballades

Du poète

Balancement du recyclage

Dans les grands bacs

Tout près

Papier, verre, plastique

Gymnastique

Doigts figés

Main de glace

Puis léger silence

Entre deux Saisons de Vivaldi.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le poinsettia

Poinsettia

 

Poinsettia rescapé

Après au moins

Deux Nativités

Il se montre frêle

Cherchant la lumière du dehors

Je lui ai gardé

Sa robe or

Comme élément de décor

Pour ne pas miner son moral

Je lui verse souvent

De la tisane

Du thé

Poinsettia aux rares feuilles

Écarlates

Il tourne plutôt au vert

Je devrai le tailler

En avril ou en mai

Je n’ose me prononcer

Sur sa longévité

Mais je l’aime

En cet aspect indompté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le buffle

Le buffle

La bête docile

Pas du tout agile

Avance dans la vase avec ses lourds sabots

Rizière

À perte de vue

Le maître frappe la croupe

Pour tant de boulot

Le buffle docile

Est pris pour un imbécile servile

Il mène son destin

À peine plus séduisant

Qu’une tortue

Il se veut utile

Et n’a guère le temps

De se démembrer

Puis de s’assembler

En un casse-tête.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La Dame du Lac

MainRivière

Dame du Lac

Main

Qui converse avec Merlin

Excalibur

Est encore

Sur la hanche d’Arthur

Il ne s’en sépare pas

Même quand il dort

Dame du Lac

Ondine

Qui appelle les oies

Qui repousse les glaces

Grâce

Reléguée

Dans le souvenir

Et les livres

Et dans un quelconque musée

Dame du Lac

Apparue

Sous les remous

Son chant nous semble

Aussi doux

Que l’air du printemps.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

 

 

Jonction

Les 3 fils

Les trois connexions

Filiformes

Forment

Croisée des chemins

Croix

Frontière imaginaire

Mon collègue rigole

Se fout de moi

Segment de réalité

Transposition

Le blanc pour le jour

Le noir pour la nuit

Le violet pour les fleurs

Que lit-on dans ces fils

Dans ces branchements

Tout peut devenir

Matière à poésie

Tout peut révéler

Un sens

Au-delà des signes immédiats

Suffit

D’y penser

D’éclater

L’objet

Transmutation

Pour dire le temps qu’il fait

Au combiné

À la jonction

De l’appareil et de l’oreille.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Vers le Haut

GrueCentre-ville

Nous sommes

Nous évoluons

Nos vies parallèles

Nos regards

Obliques

Évités

Face à face

En somme,

Nous évoluons

Dans une mouvance

Constance

Des étoiles

Des itinéraires

Des constellations

Mouvements giratoires

Élévation

Nous sommes

Esprits

Appelés

Vers le Haut

Que l’on le veuille

Ou non

Tandis que le corps

S’enfoncera dans le sol meuble

Sous les immeubles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Fulgurance

TunnelGareCentrale

Fulgurance

Effervescence festive

Échappée

Séquence

Code-barre lumineux

Prenez siège

Départ amorcé

Titre en poche

Destination prévisible

Dans les entrailles

Dans un tunnel

Banlieusards

Observant le poète

En quête de photos,

D’effets visuels

Prochain poème en tête

Pardonnez-lui

Car divagation du propos

Diversion.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Les jardins dorment…

Conifère-Ile Bigras

Par une fenêtre

On devine les êtres

Dehors

On dessine grossièrement

On photographie sommairement

Un arbre agité

Par les intempéries

Ne perds pas patience

Tu as le cœur à l’envers

Mais les jardins dorment

Sous la neige

Le froid

Gerçures

La rafale

Morsure

Joues rougies

En espérant les pommiers fleuris.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Les macarons

LesMacaronsGareCentrale

Assis

En une salle des pas perdus

Photo prise

Œil attiré

Par ce que je croyais

Être un pantalon fleuri

Mais on dirait

Des hamburgers

Ou des macarons

Préférons

De loin

Les macarons

Pour le côté festif

De la pâtisserie

Non pas pour la source

De gras saturé

Causant ainsi un retrait

De la grâce

Remarquons

Ces touristes agiles

Encore dépourvus

D’arthrose

Pour la plupart

Suivant un guide

Ou ne voulant pas

Louper un train

Car après tout,

Nous sommes dans une gare

L’auriez-vous oublié…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Plage horaire

PuitsdelumièreLionelGroulx

Clairière

Verrière

Clarté

Imprimé

Sur béton

Travailleurs sur le quai

Heure de pointe

Lumière du dehors

Projetée

Au-dedans

Effet-surprise

Parfois

Poudroiement

Flocons de poussières

Messages insipides

De la société de transport

Dans ce bunker ferroviaire

Air vicié

Ne pensez plus aux huissiers

Ils vous communiqueront…

Plage horaire

Et ampleur de la saisie.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Histoires en devenir

CharpieCrayon

Poudre anthracite

Le graphite s’effrite

La pointe s’affine

Sous la lame de l’aiguisoir

Et la torsion de la main

Vagues

Le bois se ratatine

Les fibres en charpies

Libèrent

Une fine ligne bleue

Mots retenus

Personnages

Actions

Émotions

Dans l’esprit de son auteur

Tout reste à être libéré

Papier

Désert

Désolation,

Puis lettres

Histoires en devenir…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Sotto voce

Tulipe1

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Tu l’as toujours su

Et moi, j’ai toujours nié

Que les bourgeons d’avril

Les fleurs de mai

Sont engourdis

Au creux des arbres

Au creux de ton cœur

Ça, tu l’as toujours su

 

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Au piano, fais-moi un arpège

J’aurai l’évidence

Je me tairai

J’avouerai

Que tu as raison

Une fois de plus

De ressentir la musique

Et la vie sous une apparente mort

 

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Tu me parles de la poudrerie

Qui soulève les flocons

Je t’écouterai

Je retiendrai tes paroles

Quand tu me déclares

Sotto voce

Che i fiori dormono sempre

Sotto la neve.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

 

Le coyote

Arbre et pont

Défilement

Déchirement de l’onde

L’arbre projette-t-il

Une ombre

Griserie ferroviaire

Grisaille

En contrebas de l’image

Des ouvriers tiennent cisaille

Ou un marteau-piqueur

Qui gomme la musique

Pic-bois en chômage

Souhaitons que les colverts

Échapperont un instant

À la dent

Du renard fauve

Tiens, les ouvriers

Portent des bottes

De la même livrée

Que le coyote

Aperçu

De l’autre côté de la rive.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La vigne

Vigne

Elle sert de perchoir

Aux oiseaux

Elle donne espoir

Par temps beau

Malgré son écorce

En oripeaux

Les raisins mûrs

Sont tombés

Sous le bec des étourneaux

Qui s’en sont régalés

Elle sert de labyrinthe

Aux mulots

Elle sert de passerelle

Aux écureuils

En quête d’arachides

Et les geais bleus sont avides

Veillant sur la vigne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Hors-cadre

Chemin-rue Gagnier

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Brisure temporelle

Hier, c’était

Départ

Mort

Éclats

Sang sur ton visage

Verre en débris

Au bout de ta main

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Blessure refermée

L’existence a repris son cours

Aujourd’hui, c’est

Souvenir

Ton énigmatique sourire

Photo dans un cadre

Ton esprit allant hors-cadre

Je referme tes livres.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Minute

Doigts de la fée

Minute, dis-je !

Minute, fige

Comme l’oiseau sur une corde à linge

Par un matin hivernal

 

Minute, pas le temps

Nul besoin de compter

De me décrire

Les grains de sable

 

Serais-tu trop aimable

Pour retourner le sablier

Sur son pied

Serais-tu trop affable

 

Laissons les contes

De côté, les ogres et les fées

D’ailleurs, ces dernières

S’esquivent sur la neige.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Autoportrait

Auto-portrait

Autoportrait

Du poète

Quasi anonyme

Se déplaçant

À pied

Ou dans le ventre d’un train

Capteur de rêves ambulant

Il glisse et tombe

Par trois fois en janvier-février

Il note

Il photographie

L’air ambiant

Silencieux de nature

Il se met à parler

Passionnément

Si un sujet l’intéresse

Et pour toute autre question

Veuillez vous adresser

Au bureau des abonnés absents.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

La belle Victorienne

Maisonverte2

La belle Victorienne

A perdu ses jardins

Son écrin végétal

Héritage architectural

Anglo-irlandais

Elle a mis

Sa robe

D’un vert de gris

Elle tranche

Tel un livre d’époque

Dans une bibliothèque branchée

Beauté

Faisant pignon sur rue

Mystère suranné

Nous passons

Pour les immeubles bétonnés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Après le tournant…

Lesroses-MétroBeaudry

Se cueillent les roses

Partout

Dans un tableau de maître

Dans un dessin d’atelier

Sur une céramique

Gaffe de l’ouvrier

Du manœuvre

Ravissement

Au-delà de la saleté

Beauté

Juin en hiver

Se cueillent les roses

Partout

Ronsard

Quelque part

Près de Chambord

Dans un poème

Sous une tonnelle

Attention à l’échafaudage

Escalier

Au bout du pied

Après le tournant…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Un parfum

Vue du train

Bruine

Devenue frimas

Perles

Cristaux-frontières

Entre le paysage qui s’effiloche

Et un passager par un matin

Moche

Du moins, le perçoit-il ainsi

Pourtant, lumière

Au rendez-vous

Entre point A et point B

Entre lieu de départ

Et lieu d’arrivée

Surprise dans une boîte de réception

Surprise tel un oiseau qui se pavane

Un parfum dans l’allée

Qui ramène à l’été.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

L’ordre du jour

Arbreetcielrose

Encore et toujours

Un ciel rosé

Un arbre

Une maison

Le tout éclairé

Au petit matin

J’aime autant l’aurore que le crépuscule

Tout cela peut sembler ridicule

On dirait

Cette maison

Édicule

Entrée

Sur jardin céleste

Branches à gravir

Pour atteindre les nuées

Où la félicité est notée

À l’ordre du jour.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Il se fait tard

rueGagnierDM

Il se fait tard

Plus de train

Juste un bus express

Reliant le métro

À une ville de banlieue nord

L’œil fatigué

Et la main qui tremble…

Lampadaires flous,

Fous

Étoiles filantes

Le passager marche

Lentement

Pieds sur glace noire

Crainte de tomber

Fascination

Pour cette lumière jaune

Rehauts éclatants

Sur fond de nuit.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Assiéger

Arbre-chaise

La chaise

Finit à l’envers

Sur le tronc

Sur une souche

D’un érable

D’un frêne

Centenaire

Calcul impossible

Des anneaux

Mais on voit bien

Aussi vieux était-il

Que l’immeuble derrière

La chaise

Indique

Fin de récréation

Fin de parloir

Une vie finie, aux rebuts

Économe d’espace

La souche

Et la chaise-siège

Auraient pu finir

Ailleurs

Mobilier possible

Dans une bibliothèque

Vintage déclassé

Courez les soldes

Si tous ces vieux objets

Pouvaient nous assiéger…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Une fois de plus

Entrelac

Miroir d’inox

Archipel de glace

Objet non identifié

Sur quai de gare

Hiver poétique

Malgré tout

Les yeux s’ouvrent

Je boirais bien

Un verre d’absinthe

Je sais, je sais

Un verre d’absinthe

Danger avec usage

Je naviguerais

Ici, à gauche

Là, à droite

Déplacez-vous dans ces entrelacs

Sans billet

Sans filet

Vos ongles élaboreraient

Le tracé

Je sais, je sais

Nous avons loupé le train

Une fois de plus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Toutes nos dérives…

Baleine

Baleine échouée

Sur macadam

De centre-ville

Ou béluga au foie

Saturé

Bleu pétrole

Les passants

Ne remarquent plus

Repoussent le cétacé

De la pointe du pied

Déchet industriel

Matériel intéressant

Aux yeux du recycleur

Un sculpteur

Pourrait l’intégrer

Dans une installation

Dénonciation

Baleine échouée

Ou béluga intoxiqué

Par toutes nos dérives.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Bécaud

Rue Bellevue

Matin

Lever

Tôt

Trop tôt

Mais juste l’heure

Pour goûter ce rosé

À l’iris offert

L’un se dirige

Au boulot

L’autre à l’école

Le jour n’a pas tout à fait

Pris son envol

Moment en équilibre

Sur ma rue

Quittant le seuil

De chez moi

Direction la gare

J’ai un air

À l’esprit

Du Bécaud

Avec son train

Pour quelque part…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Ces chaises

Sculpture-chaises

Les artistes

Auraient pu occuper

Ces chaises

Invitation ratée ou reportée

Les poètes

Auraient pu déclamer

Réclamer

Voix sur place publique

Les musiciens

Auraient pu jouer

Enjouer

Sortez violons, accordéons

Les comédiens

Auraient pu

Vous faire une scène

En cet espace enneigé

Le public

Se terre

Ignare

Dans les abris-bus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Sous bulle de verre

Flocon-rueSte-Catherine

Champ de pissenlit

En janvier

Étoiles de mer égarées

Modernité

Empruntant aux temps anciens

Des symboles

Pour se les approprier

Flocons de neige

Grésil fragmenté

Nos rêves éclatés

En parcelles

Je suis le Petit Poucet

Arpentant la grande ville

Je compte les feux

Je contemple les jeux

De lumières

Pareil à un enfant

Entrant dans un magasin

De confiserie

Le sablier se vide

Et moi je glisse

Avec les grains de sable

Sous bulle de verre.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Comme tortue…

Boule&bol

Bol à café

Bol à soupe

Bol à pâtes

Renversé

Pour former

La carapace d’une tortue

Sur laquelle le monde

Évolue

En couches multiples

Le poète imagine

Ce que d’autres ne voient pas

Cosmogonie

De cuisine

Vestiges de Chine,

De l’Inde

D’un savoir amérindien

Le poète s’incline

Face aux méridiens

Aux fuseaux horaires

Il bat retraite

Ou va son chemin

Si lentement

Qu’on ne prête guère attention

Aux tortues

En voie de disparition.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre le pourquoi et le comment…

Encre

 

Dans sa tête c’est la tourmente

Le vent qui gonfle les voiles

La maison qui se transporte

Les poètes que l’on déporte

Ces nouvelles notions qu’il faut retenir

Au travail, nouvelle routine

Derrière soi, le spleen

Ces nouveaux visages qui s’apprivoisent

Les mots voyagent tout comme lui

Entre la marche, le train, le métro

Dans sa tête, ce sont les feuillus

Pris au dépourvu

Par l’hiver trop brusque,

Par la cadence soudaine

De la vie moderne

Tout défile, le futur tracé du REM et les paysages

Guère le temps de déguster un sauternes

Ce rythme intense se digère

S’ingère en écrivant des poèmes

Au fil des stations

Entre le dedans et le dehors

Entre le pourquoi et le comment.

 

© Encre tourmentée, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

Effervescence

Mur de pierre

On écrit

Pour exprimer

Sa lourdeur

Sa torpeur

On écrit

Pour des envies

D’effervescence

De bulles qui éclatent

Dans un verre

Sous les poumons

Du souffleur

On écrit

Pour abattre les frontières

Gravir les murs

Qui t’encerclent

Te confinent

On écrit

Pour se dire

Que rien n’est impossible

Pour croire

Aux miracles

Pour la transmutation

Des choses et des êtres

Pour réveiller le meilleur

Gommer ou dénoncer le pire

On écrit

Pour t’ouvrir ma ligne de vie,

Ma ligne de cœur

On écrit

Pendant des heures

Pendant des journées

De ciel gris

Pour aujourd’hui

Pour un futur

Pour des verbes

Qui emmêlent

Faire et être

On écrit

Tout simplement

Parce que la tête

Ne contient plus

La tourmente

Les personnages

Les voix

Les histoires

Les confidences

Les regards

Les plongées en soi

Les remontées vers le dehors

Les vies

On écrit

Sans se prendre la tête

Pour faire la fête

Pour faire table rase

Pour faire la paix

On écrit

Des kilomètres

De mots

Ligne blanche

Pointillé jaune

Bornes

À bas les barrières

J’écris…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Résolution

Plume jaune

Une résolution

C’est une révolution

Attribuée

À soi-même

Non pas une punition

À proprement parler

Mais une évolution

Une marche à suivre

Vers un mieux-être

Tiens, depuis quand

Les poètes se déguisent-ils

En coachs de vie

Je ne saurais dire

Qu’importe

Soyons nous-mêmes

Laissons les étiquettes

Les préjugés

À d’autres

Qui ne lisent

Pas plus loin que leurs cils.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entends-moi bien…

Ecorce

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En bruit / en son / en silence

En bénédiction

En mal / en bien

En offense / en pardon

Je reste sur ma faim

Tu restes sur ta fin

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En musique / en louange

En souhaits / en prière

En obstination / en compromis

En bonne entente

Il suffit d’un mot

Tracé sur l’écorce

En des nuances mousse et lichen

Pour que tout se change…

Que les ténèbres cèdent à la lumière

Entends-moi bien…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

 

Lierre et scarabée

Le lierre

Grimpe sur le minéral

Il en oublie

L’hiver et ses galères

Le lierre

S’agrippe

À l’orée des panneaux

De verre

Vigne urbaine

Parfois

L’émerveillement

Des passants

Chargés de leurs soucis

De leurs regrets

Est au rendez-vous

Je suis l’un d’eux

Mais il m’arrive

Même dénicher

Les antennes

D’un scarabée

Sur un toit.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Me fondre dans le bleu…

Je veux

Me fondre

Dans le bleu

Sur table

Pour mettre

Cartes sur tables

Je veux

Toucher

Ce bleu

Dans les arbres

Me brûler

Les doigts

Me tacher

Les doigts

Métamorphoser

L’ordinaire

En extra

Saupoudrer

Du zeste de beauté

Sur les restes

Du quotidien entamé

Que l’encre

Soit mon sang

Que les courbes et lignes

Des lettres

Émergent

Que les pulsions destructrices

Soient

Pulsions créatrices

Je veux

Me fondre

Dans le bleu…

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Au beau milieu d’une forêt

Rue Cherrier

Le poète était absorbé

Par cette étrange clarté

Dans l’arbre effeuillé

C’était la nuit

Rue Cherrier, coin Saint-Denis

Pourtant,

Tout semblait reluire

Lampadaire suspendu

Derrière le tronc dégarni

Jouant à l’astre endormi

Ses yeux d’enfant

Fixaient

Cet éclat

Comme le loup, le lynx, le cerf

Les lueurs d’un feu

Au beau milieu

D’une forêt.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Feuilles captives

Feuilles givrées

L’eau devenue glace

Les feuilles furent prises

Captives de l’eau gelée

Évocation du temps qui défile

Seuls la chaleur

Et le sel peuvent raviver

La course des feuilles

Qui auraient bien aimé

S’envoler vers d’autres cieux

Comme le firent

Les oies blanches

Et les outardes

En survolant à temps

Les forêts embrasées d’octobre.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

La main sur le cœur

Auberosée

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on prête serment

Que l’on jure fidélité

Et que l’on paie chèrement

Souvent de sa vie pour la patrie

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on déclare

Son amour le plus fou

Que l’on déraisonne

Que l’on se passionne

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que je conserverai

Nos plus intimes secrets

Nos jeux dans la forêt

Ce feu qui ne cherche qu’à s’éveiller.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Gustave Doré

ITHQ

Cavalcade

Bousculade

Soir de kermesse

Pas trop le temps

D’observer la façade

Et ses éclairages

Ses riches coloris

Trajets à effectuer

Traverser les rues

Le temps le tue

À petits feux

Et il le sait

Conscient

Des cheveux blancs

Des kilos en trop

De la surabondance

Des vanités en Occident

Souvent,

Trop souvent

Il lui semble

Ne pas appartenir

À cette époque

Comme s’il s’était

Échappé

D’un livre illustré

Par Gustave Doré.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Si jamais…

Si jamais

À se perdre on en venait

Comme s’éloignent

Parfois

Les amants

Je veux te dire,

T’écrire

Que tes mots

Seront nos corps enlacés

Au cœur

De mon être

 

Si jamais

À se détester on en venait

Comme il arrive

Parfois

Aux amants

Je veux te dire

T’écrire

Que ta colère

Ne gommera

Aucunement

Nos plus beaux moments.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Nature morte

Les étourneaux

Et autres migrateurs

Les avaient oubliés,

Les fleurs de mai

Les fruits de l’été

 

Le gel avait capturé

Les sucs, les parfums

Nature morte

À qui sait regarder

La beauté offerte

Même en hiver

 

Le propriétaire

Les oiseaux locataires

Étaient passés tout près

Sans porter attention

À une denrée gelée

Toujours aussi sucrée.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Solitude

Elle marche

Boulevard Raspail

Aucun rendez-vous

N’est prévu

Elle file

À pas lents

Menée par sa solitude

 

Il marche

Le long des murailles

Dans le Vieux-Québec

Il aimerait bien des becs

En fait, son agenda est vide

Les cases toutes blanches

Pour sa solitude

 

Elles/ils marchent

Par les escaliers de Montmartre

Chanter des airs de Piaf

Sur une place pour quelques centimes

Réjouissez-vous, réchauffez-vous

À la galerie de Juliette Bart,

Le meilleur remède contre votre solitude.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Bio poésie en tubes ou en vrac

 

Camille et Auguste-AWA

Je vous invite tous et toutes à en découvrir davantage sur une nouvelle façon de transporter les mots via des clés et des tubes d’artistes. Il s’agit de bio poésie, la mienne sur d’autres vies hautement plus palpitantes. Parfois, j’écris aussi des catalogues d’artiste. Le minimalisme de mon écriture s’y prête très bien.

Nous débutons cette fois-ci avec un hommage aux sculpteurs : Camille Claudel, Auguste Rodin. Plus tard, ce sera un hommage à la chanson d’expression française avec Barbara, Félix Leclerc, Édith Piaf.

Allez consulter le lien ci-dessous pour en apprendre un peu plus. Bonne découverte.

Allez consulter le lien ci-dessous pour en apprendre un peu plus. Bonne découverte.

http://www.adret-webart.fr/article-140937-bio-poesie-en-tubes-ou-en-vrac.html

 

 

 

Les beautés endormies

FeuillesBassindeau

Les beautés immobiles

Gisent sous un couvert

De glace

Ne s’aventureront plus le héron gris

Et les oiseaux

Prenant bain de sable

Puis bain d’eau

Battements d’ailes

En juillet

Je m’en rappelle

Au bassin gelé

Et cette faune s’envolait

À la vue des chats

Qui circulaient

Au fond du jardin

Les écureuils regagnaient

Les haies

Maintenant la neige

Et le frimas

Prendront soin

Des beautés endormies.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Fabien

Le poète Fabien

Fabien Boily

Vêtu de noir,

De blanc

Le soir

Sur une scène minuscule

Aucun mot ridicule

Tout est sensé

Pesé

Le choix des mots

Précis,

Soupesé

Aucune virgule

En trop

Aucun soupir

Faux

Il se livre

Vêtu de noir,

De blanc

Le soir

Sur une scène minuscule

Il nous étreint

De sa voix

Ce sont ses paroles

Que j’emporte avec moi

En sortant du théâtre

Dans le soir.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Hiéroglyphes en pixels

Sur son portable

Il se montre affable

Elle amorce une conversation amicale,

Très agréable

Il se met à table

Disposé à partager

Projets artistiques

Pensées philosophiques

Mais soudain

Pile faible

Toujours au mauvais moment

Conversation à poursuivre

Quand le rouge

De la dame aimable

Et la gêne du pote

Passeront au vert

Précisément quand le niveau énergétique

De la pile

Aura meilleur effet

Sur l’échange culturel

Foutu monde virtuel

Toujours à bâtons rompus

Autant d’émoticônes

Pour marquer (l’in)satisfaction,

La joie, la peine,

L’exaltation, l’éphémérité

Ère des hiéroglyphes en pixels.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Le dos tourné

Oui, je l’aurai

Dans la mémoire

Longtemps

Cet air

Chanté par ma grand-mère

Filant la laine

Et tissant une couverture

Pour les temps froids,

Pour les temps durs

 

Oui, je l’aurai

Dans la mémoire

Longtemps

Ce texte

Appris par cœur

Sous prétexte

De mériter les qualités et les vertus

D’une enfance docile

Du citoyen modèle

 

Oui, je les aurai

Dans la mémoire

Longtemps

Les Fables de La Fontaine,

À vrai dire

Je ne peux pas lancer

(La) Fontaine, je ne boirai

Pas de ton eau,

Puisque l’on ne sait jamais

Ce qui peut arriver

Quand j’aurai le dos tourné.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Sur quel pied danser

Théière de fonte

La théière provenait

Du Japon

De cette extrême limite

Aux abords de l’océan

Elle servait

Pour la décoration

Et pour le thé vert

Aucun autre thé

Ne touchait son intérieur

En fonte

Pour l’instant,

Elle gardait le cœur

Au chaud

Les mains

Du poète

Elle pourrait héberger

Le parfum du thé au jasmin,

Seul compromis possible

Afin de pas altérer les thés subséquents

Elle me voit cuisiner,

Tempêter, fredonner un air

En lavant la vaisselle

Elle ne dit rien

Elle observe,

Elle retient tout

De mes humeurs

Qu’elle m’aide à digérer,

Toujours fidèle au rendez-vous

Elle ne déçoit pas

Elle n’est jamais en retard

Il lui arrive parfois

De me bouder,

Quand je lui préfère un bol de café

Ainsi sont les artistes

On ne sait

Jamais

Sur quel pied danser

Avec eux

Avec elles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La feuille cuivrée

FeuilleCuivrée

Feuille cuivrée

Donnée

Par le chêne

Haut de sa dizaine d’années

Remède contre la morosité

Chant des fées

Si on sait bien écouter

Le souffle entre les branches

Surtout un dimanche

Elle est tombée

Au sol

Et c’est sur l’herbe jaunie,

Flétrie

Qu’elle me fût remise

Comme présent

Comme gage d’un printemps

Promis d’avance

Rien d’autre à ajouter

Si ce n’est que l’arbre

Conserve sous l’écorce

La sève

Des nouveaux bourgeons

D’une nouvelle feuillaison.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Oblivion

J’irai au bout

De la rue

De ta vue

De moi-même

Des aveux freinés

À la frontière de mes lèvres

Endormies

Endolories

Effrayées

De dire l’inavouable,

L’inexcusable,

L’émouvant,

Le beau

Comme si les mots

Ne suffisaient pas

À décrire

Les choses,

Les sentiments,

Les moments,

Le silence,

Comme si ce tango

De Piazzolla,

Oblivion,

Archets glissant sur les cordes d’un violoncelle

Et des altos, des violons,

Cet oubli-néant musical,

Révélait

Ma mélancolie constante.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La vie, c’est comment ?

La vie est dans le mouvement,

Dans le voyage

Dans l’errance

Dans le cycle des saisons

Dans tes rides

Se dessinant

Sur ton front

Au coin de tes yeux

À la commissure de tes lèvres

 

La vie est dans l’instant

Selon les moines et les philosophes

Hier, c’était ta main

Laissée

Que je ne peux rattraper

Demain, c’est une illusion,

Un mirage

Une fête à laquelle nous ne sommes pas encore

Conviés

 

La vie est dans le mouvement

La vie est dans l’instant

Selon toi, la vie, c’est comment ?

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Les histoires…

Les histoires de succès

Et d’échec

Se croisent

Sur les grands boulevards,

Dans les regards hagards

 

Les histoires d’amour

Pour toujours

S’écoutent à la radio

Et en fichiers MP3

Retour en mode pause

Tôt ou tard

 

Les histoires absurdes

Se content sur scène

Est-il obscène

De s’évader par le rire

Quand tout fout le camp

Quand mon voisin se meurt

 

Les histoires à venir

Dorment dans mes cahiers

À la claire fontaine…

Bleu, rouge, noir

Je donnerais ma vie…

Ah ! Devenir

Prévert, Hugo, Flaubert !

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Des soupçons de beauté

Lichen et mousse

L’arbre se trouvait moche

Sans ses fleurs

Absence d’odeurs

Sans les passants pour vanter

La beauté

De son ramage végétal

Tout portait à croire

Que cet arbre finirait

Dans l’oubli

Et sous les dents d’une scie

Or, un peintre aux aguets

Avait entendu la plainte

De l’arbre

Il s’approcha et proposa

De lui restaurer son allure

Il sortit ses tubes,

Sa palette,

Puis projeta des éclats

De peintre

Sur le tronc

Marquant ici et là

Un relief,

Des parcours

Pour distraire des passagers

Admiratifs

En attente de l’autobus

Ou du train

Nul besoin d’aller trop loin

Pour contempler

Des soupçons de beauté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019