Petite maisonnette
À portes jumelles
Au cœur de la ville
Façade anglo-écossaise
En pierre couleur sable
Corniches, fronton
D’une même teinte délavée
Par les ans et la pluie
Sans négliger du regard
L’ardoise gris souris
Plutôt à la française
Le toit plat, innovation victorienne
Mur latéral en briques brunes
Nulle place pour jardinet
Le charbon livré autrefois
À l’arrière
Ou bien par le portillon anthracite
Sur le côté
Imaginons un pianiste
Prénommé William
Ayant pour voisine une écrivaine
Baptisée Nelly
Se souriant parfois
Et s’invitant rarement
Pour le thé,
Celui de 5 heures
Ou pour un verre de xérès
En soirée
Était-ce la gêne ou par souci
Des convenances,
Frein à l’expression d’une passion
Que l’on percevait
Certains soirs
Où William jouait Brahms ou Chopin
Où Nelly déclamait sa poésie
Fenêtre ouverte
Par la joie secrète du pianiste
Depuis le piano s’est tu
Les partitions ont jauni
Dans l’armoire d’un cousin amnésique
Les livres ont terminé
Leurs courses
J’ose l’espérer
En un quelconque fonds d’archives
Et non pas consumer
Dans l’âtre du salon
Par un nouveau propriétaire
Épris de déco contemporaine
Ayant envoyé valser
Les charmes vieillots d’hier
Comme seule évasion maintenant,
Un immeuble à paroi de verre
Où se mire le ciel
Pierre tombale moderne
Pour oiseaux désorientés
Par les rumeurs de l’été.
© Photo, texte, Denis Morin, 2020