Catégorie : famille
À l’unisson
Ne pas, ne plus…
Ne pas…
Médire, il/elle est parti.e
Trop cuire le rôti
Saisir ce vase
Juste l’idée de le fracasser
Plutôt
Attraper la clarté
Si discrète en octobre
L’hiver viendra trop vite
Dis-tu / Disais-tu
Je ne sais plus
Où nous en sommes / où nous en étions
L’écho des disparus
Frappe ma mémoire
Ne plus (s’)échapper
Comme un visage estompé
Ne pas oublier
Oui, polir l’argenterie
Relire les lettres
De nos amours (in)fidèles.
© Texte, Denis Morin, 2019
Adagio
Une recette
Me ramène les âmes errantes
Les esprits qui se promènent
À contre-jour
Dans ma mémoire
Un aimait le sucré
Une plutôt le salé
Moi, l’amer
Une chanson
Me ramène les voix anciennes
Qui fredonnaient
Près d’un berceau
Ou à la cuisine
C’est toujours une pointe
D’amour
Qui m’envahit
Un livre
Ouvert
En pleine nuit
J’entends la voix
De l’écrivain
Peinant
À me livrer
Ses confidences, son mal/sa joie de vivre.
© Texte, Denis Morin, 2019
L’ancêtre
Cet arbre mature
Ressemble à un ancêtre
Qui a vu
Courir un enfant
Marcher une maman
Trébucher un mari
Rire des adolescents
Pleurer un mort
S’émouvoir des fleurs ouvertes
Des outardes
En envolées offertes
Juste à la cime de ses branches
Frôlant l’azur.
© Photo, texte, Denis Morin, 2019
Tout à la fois
Il te reste
Des projets à venir
Il te reste
Ma signature
Une recette de confiture
À la groseille
Je sais,
Non la vie ne sera plus pareille
Tu feras comme si
Je rentrais
Plus tard
Il te reste
Mon regard
Dans les yeux des enfants,
Surtout le plus grand
Qui me ressemble
Tellement
Il te reste
L’immensité des souvenirs
L’intimité du soupir
Et les fougères que j’ai plantées
Au fond du jardin
Pour t’apaiser,
Te consoler du chagrin
Souris
Je te vois
Mais de la pièce d’à côté
Je ne suis et je ne serai
Jamais loin
Souris
Car je t’aime
Je sais,
C’est d’une banalité
Je suis tout à la fois
Chez toi et dans l’au-delà.
© Texte, Denis Morin, 2019
De l’écriture et de l’absence
On comble une absence par d’autres présences qui font plaisir, qui rendent ivre momentanément.
On en arrive à comprendre sa propre vie en lisant celles des autres, personnages réels et fictifs. Il n’y a rien de définitif en écriture, si ce n’est le point final, mettant fin au dernier chapitre d’un roman, au dernier vers d’un recueil, à la dernière réplique qui sera rendue par un comédien sur scène.
On comble une absence en tachant sa main d’encre, en levant l’ancre dans sa tête pour s’autoriser l’alignement des phrases sur page et écran, pour gommer le blanc, pour y tracer des mots qui font sens tant pour soi que pour d’autres yeux.
Il va de soi que la roue est inventée et que le bouton orne encore la chemise et la tige florale sur le point d’éclore. Écrire, c’est justement de se donner le droit d’éclore à notre tour, sans détours ni trop de manières. Par les mots, comblons les absents, réjouissons-nous des présents.
© Texte, Denis Morin, 2019
Le rosier grimpant et l’olivier
J’arroserai les plantes
Les petites et les grandes
À l’eau de source
Pas le moindre acide
Ni le moindre calcaire
Apparente neutralité bienfaisante
N’oublie pas de tourner les pots
D’un quart de tour
Favorisant ainsi une juste croissance
Quand j’aurai quitté
Prends bien soin du rosier grimpant
Au jardin
Et de l’olivier grec
À ma fenêtre
Les plantes, tu arroseras…
Peut-être…
© Texte, Denis Morin, 2019
Sang-mêlé
Je suis de sang-mêlé
Avec des patronymes français
Flottant dans les cordages
Pour seul bagage
L’espoir
L’un d’eux avec un titre reçu
Un autre, noble déchu
Appels du vent
Bientôt des histoires anciennes
Saint-Malo et La Rochelle
Échos du large
Chargé d’air salin…
Non loin de l’Écosse
Une aïeule et son tea pot marron
Se glisse dans la généalogie
En devenir
Dans sa cuisine
Ça sent toujours ses bons biscuits
Recettes transmises entre cousines…
Pour les yeux bridés
Et la peau cuivrée de l’enfance
Y a-t-il mal à être Malécite
Par icitte
Sur le bord d’un long fleuve
Piège à peintre, à touristes
Gouffre continuel à tempêtes
Dans ce pays d’hiver
Se conjuguèrent
Misères paysannes
Misères ouvrières
Je veux plus que vos vies d’usure
Je vais mieux
Grâce à vous,
Salutations respectueuses
Aux valeureux ancêtres
En ce poème réunis.
© Photo, texte, Denis Morin, 2019
La tigresse et le panier d’osier
Indira
Savait ses jours compter
À présent veuve
La belle-famille la chassa
Ce qui doubla son épreuve
Elle plaça ses jumeaux
Dans un panier d’osier
Les jumeaux glissèrent
Sur les eaux du Gange
Pendant ce temps
Un couple stérile
Priait après les ablutions
Aux abords d’un temple
Pour que les divinités vinssent
À leur secours
Soudain une tigresse
Somnolant sur un îlot de joncs
Se réveilla
Saisit la panier
Lui passant au museau
Elle nagea
Vers la rive
Et remit au couple
Leur vœu exaucé.
© Texte, Denis Morin, 2018