L’eau récoltée

Nous avons récolté l’eau

Nos pas glissants dans la boue

En toute hâte

Avant la tombée de la pluie annoncée

Il devait y avoir

Une perdrix, une biche,

Un ours

Qui nous observaient à distance,

Humant l’air frais du printemps

Chez les humains, nous étions trois

Le premier

Dispensait consignes et savoir-faire

Le deuxième

Prenait des photos de mousse et de lichen

Sur des arbres remués par les vents

Le troisième vidait content

En silence

Les seaux de fer blanc dans des chaudières bleu Méditerranée,

En marchant, on évitait la glace qui fondait paresseusement

Puis, hop dans la cuve !

Retour à l’érablière

À l’arrivée, nous avons nourri le feu généreusement,

Mené l’eau à ébullition

Extrait le sirop de ces remous

Et pour le reste,

Libre à vous de vous créer

Votre propre scénario

Grâce à ces éclats cuivrés.

À ton âge

Maman, maman

Est-ce que le monde est réel

Vivons-nous dans la même dimension

Maman

Avais-tu les mêmes rêves que moi

Durant ton enfance

Ma douce et belle Sophie

À ton âge, je courais dans les champs

Après les papillons

J’aimais voir défiler les nuages

Et je contemplais les nénuphars

En bordure des rivières

Comme ça, maman

Nous ne vivons plus maintenant dans le réel.

Le billet

Ce bout de papier

Plié comme une voile

Pour navire amarré,

Une écharpe

Pour passant trop préoccupé,

Repose sur le sol

Sur des cristaux de glace

Tu me dis

Que je lis trop vite

En diagonale

En pente glissante

Que je dois lire mieux les intentions

Des gens comme un acteur le fait avec les personnages

La réalité s’entremêle à la fiction

Pourtant c’est mon âme que je livre

Dans les paragraphes et les strophes

Je l’ai remarqué

Ce bout de papier

J’aurais pu le froisser,

Le recycler, le jeter dans une corbeille

Peut-être y avait-il

Un numéro de téléphone inscrit

Un mot d’adieu ou de retrouvailles

Moi, j’y écrirais un mot d’amour,

Le nôtre,

En peu de lettres

Le reste se dessinera

Au fur et à mesure

Ce fragment de page blanche,

C’est aussi notre traversée à venir.

Le saumon fumé et le bagel

Mon esprit vogue

Mon œil suit d’abord le mouvement

Des vagues

Puis, la tête levée

Je divague

Sur les projets d’avenir

Tu me ramènes

Sur terre

Et me décris l’écume

La force des eaux

Tu me dis, vois

Le pélican qui plonge

L’urubu à tête rouge qui plane

Le jardinier qui nettoie

Et désherbe

Sous les haies d’hibiscus fleuris

Mon esprit vogue

Ta main se balance

Dans les airs

Mouvance

Capture de mon attention

Puis tu me parles de la rivière

Qui nous attendra

Dégelée le printemps venu

Au pied de la montagne noire

Pour l’instant

Mon esprit vogue

Et tu me ramènes

Sur terre

Nous ne sommes d’aucun intérêt

Pour le pélican

Mais l’urubu lorgne déjà

Les tranches odorantes de saumon fumé

Et le bagel abandonné

Là-bas sur une table offerte

À même une assiette

À peinte touchée

Par un quelconque touriste mécontent

D’une mer trop agitée

Et qui s’éloigne en maugréant.

Le cheval de mer

Un instant de trêve

Il veut

Loin de la cohue des villes

De l’inflation vertigineuse

De la compétition venimeuse

Du branding à tout prix

Juste un instant de trêve

C’est ce qu’il me dit

Une fois, cueillis les débris

De plastique

Sur le rivage

Il cherche la lumière

Rien de moins

Un instant de trêve

Il veut se transformer

De cheval de trait

En cheval de mer,

Les sabots gravissant le corail.

Ce paysage

Tu déambules sur la plage

Au loin

Silhouette fine et pensive

En pause de créations

Même si tu crées toujours

Dans ton esprit

C’est ton essence,

Projeter des couleurs

Sur le gris des jours

Je reste là

Étendu sur une chaise longue

Blanche et bleue

Mon regard se perd au lointain

Je me prélasse

Et je pense aux guerres,

Aux injustices,

Aux résidus de plastique

Me distraient la plongée des pélicans

Et un bernard-l’hermite sous sa conque,

Abri de fortune

Il y a ce paysage

En strates horizontales

Il y a la terre, sable et pierre

Il y a l’eau, mouvance salée

L’air chargé de sel, d’embruns

Et le feu de notre amour.

Libre comme toi

Il est comme toi

Libre

De parcourir les distances

De s’éloigner

De s’approcher

De humer le temps qu’il fait

Du haut de ses longues pattes

Il est comme toi

Fier

Intrépide

Préférant le silence de la forêt

À la cohue des villes

Il veut regagner cette rive chérie

Où poussent ces nénuphars,

Tu sais au pied de la montagne noire

Couverte de conifères,

Sur ce bras de rivière

Où tu pagaies en juillet

Ton kayak jaune soleil

Pourfend les eaux tranquilles

Un héron et des canards te jaugent,

Nullement intimidés par ta présence

Si pacifique

Tu te dis

Que cette sauvagine sera filmée

Il est comme toi

Libre

Il dissipe mes brumes.

D’un certain art de vivre

Faut-il être poète

Troubadour et chanteur

Pour terminer sa vie

Et obtenir une reconnaissance posthume

Sur une boîte postale

Être le témoin fantôme

De sa propre renommée

Faut-il être tombeur

Voyageur

Posséder une île grecque

Devenir bouddhiste

Se libérant de ses dépendances

Faut-il repartir sa carrière

Après une chute financière

Faut-il être poète

Troubadour et chanteur

Parcourir le monde

Arpenter les planches

Sous d’aveuglants éclairages

Se savoir inévitablement

Ambassadeur

D’un certain art de vivre.

Bleu-nuage

Il est de ces jours

Où l’azur se fond

Dans ces nuages

Prêts à déverser la pluie

Il est de ces jours

Où le ciel se morfond

De l’été si vite écoulé

Des corolles envolées

Il est de ces jours

Où ton corps s’enroule

Dans les draps, dans mes bras

En un lever tardif

Il est de ces jours

Où tu es pensif

Où je suis méditatif

Tout de même unis

Dans la mouvance

De ce bleu-nuage.

Après la lecture du soir

Je te donne rendez-vous à cette gare

De peur que l’on s’égare

Entre le trop-faire

Et les eaux montantes d’une rivière

Enfin, je parle pour moi

Toi, tu restes immuable

Dans tes convictions,

Ta vision des choses

Je te donne rendez-vous à cette gare

Aux allures d’autrefois

Colonnes aux frises sculptées

Dans le calcaire de Rosemont

Portes au bois verni

Poignées de cuivre terni

Touchées par tant de passagers

Avant nous

Je te donne rendez-vous à cette gare

Comblé de joies certaines

Le doute furtif quitte le quai

Dans un vrombissement assourdissant

Mais vu ma surdité progressive

S’estompe le frottis des roues sur les rails

Mon imaginaire déraille

Sur les contraintes et les horaires

Malgré tout, je t’apaise

Et tu t’endors au creux de mon épaule

Après la lecture du soir.

La grâce de l’oubli

Elle est arrivée

À son rendez-vous

La tête pleine

De rêves inavoués

Et de soucis envahissants

Perturbant sa quiétude

Elle s’est assise

Confiante tout de même

Résolue à chasser

Les ennuis

De son côté, le coiffeur

Tatoué tel un Maori

Du nouveau millénaire

Aux mains agiles

Telles des ailes de libellule

S’est mis à danser

Au-dessus de sa tête

Encombrée de pensées

Plus ou moins obscures

Puis, elle s’est regardée

Dans le miroir

Et à l’instant s’est revue

À 17 ans

Prête pour la venue du nouvel amour

Quant aux soucis du quotidien

Le coiffeur lui souffle à l’oreille

Que la grâce de l’oubli soit !

Gargouille

Gargouille

En sa verte campagne

Bien méditative

Souhaitant demain

Déjà maintenant

Anxieuse à souhait,

C’est le mal du siècle, pense-t-elle

Il lui faudra

Le pas lent de l’ours

L’envol gracieux du héron

Devant son regard

Pour la calmer

Pour l’apaiser

Apprécier le rythme décalé

Gargouille

Où vis-tu

Où vas-tu

Reverras-tu la lointaine Norvège

Et ses forêts

Et toute cette neige

Et si toute la chlorophylle des arbres

S’endormait maintenant,

Dès à présent

Sous l’envoûtement

D’une blancheur étalée.

Suite au roman  »Et cétéra »

Un livre, ça s’écrit au compte-gouttes, une page à la fois. La perle d’encre se dissout dans l’eau. Les mots se forment et les personnages s’animent et les paysages s’esquissent, sans qu’on ne sache trop pourquoi.

Dans le bus du matin, j’ai écrit de mai à hier, le 8 septembre, la suite à mon roman Et cétéra, dans un cahier à feuilles lignées. Les personnages revenaient me parler en rêve à l’occasion. À l’aube, je me disais parfois qu’ils voulaient continuer à s’exprimer et à évoluer à mes côtés. Je n’avais qu’à ouvrir la couverture d’un cahier, à saisir un stylo, puis à débuter.

Et cétéra est paru en 2021 chez JDH Éditions.

En moyenne, j’écris deux, trois pages par jour. Il m’arrive de terminer une section, puis d’écrire une ligne que je laisse en suspens qui servira d’amorce pour un nouveau chapitre. Ainsi, le lendemain, je recueille les dires des uns et des autres. Les images et les émotions surgissent en ne forçant rien comme une plante qui absorbe l’eau par capillarité.

Le manuscrit sera en dormance pour un certain temps avant de s’incarner autrement via le traitement de texte, etc.

Ta voix

Soir de fin d’été

À la campagne

Tu es habile et agile

Je suis presqu’île

Aux gestes lents

Posé là suis-je,

Devant la porte patio

L’objectif saisit ton atelier

Et toi, à la cuisine

Qui s’affaire

Nous discutons de tout et de rien,

Rien ne nous pèse

Soir de fin d’été

À la campagne

La forêt nous surplombe

De l’autre côté des eaux,

Domaine de l’ourse en sa grotte

Des corneilles, d’une chouette

Toutes perchées

En cette nuit qui s’éveille

Une biche viendra se désaltérer

Près des roseaux

Et des nénuphars

Aux blanches corolles repliées

Soir de fin d’été

À la campagne

Tu me racontes

Tes histoires

Je t’écoute

Attentivement

Ta voix m’est musique.

Vue sur la rivière

Je transcris des lettres anciennes

À l’heure où tu lis

Tablette posée sur tes genoux

Tête inclinée

À décoder les enjeux et les secrets

De cette actualité si éphémère

Je transcris des lettres anciennes

En retrait

Une demi-cloison nous sépare

Mais la chaleur du feu nous lie

À mes côtés,

Sur le mur lambrissé

Le portrait de ta mère

Vêtue d’une ample robe de bal

En attente de son prince charmant

Le portrait de ton père,

Gamin sage

Assis sur une barque,

Son futur amoureux

Je transcris des lettres anciennes,

Vue sur la rivière

Les nénuphars frémissent

En cette fin d’été si peu banal

Une buche tu ajoutes au foyer

Les mots défilent sous mes doigts

Comme l’eau

Poussée par le courant

Je transcris des lettres anciennes

Entre l’écriture de mon roman épistolaire

Et notre histoire moderne.

Cerises et roman en cours

Une semaine de vacances, c’est parfait pour refaire le plein d’énergie à la campagne, dormir, rêver, préparer mentalement son automne, espérer de bons jours. Ainsi, une suite du roman Et cétéra est en cours d’écriture avec d’anciens personnages qui ont invité de nouveaux à se joindre à nous. Je dis ‘’nous’’, parce que je leur laisse toute la place. C’est comme si de vieux amis sonnaient à la porte, que je les recevais et qu’ils venaient me raconter les dernières nouvelles et où ils/elles en sont dans leur vie. Je les écoute. Je me fais humblement leur intermédiaire auprès de mon lectorat.

Je vous préviendrai lors de sa parution en 2024. D’ici là, vous pouvez toujours me lire en me cherchant dans la section des auteurs chez @JDH Éditions.

À suivre.

Maintenant

Il s’assied là

En terrasse

À portée de bras

Les miens

Et ceux de la rivière

Il s’assied là

Pour lire

Chantonner

Gribouiller

Écrire

Concevoir

Des univers

Constitués d’images et de sons

Il recrée la magie,

Celle de l’enfance

Bien que rendu grand

Il construit toujours

À partir d’une infinité

De maintenant.

S’inscrire dans la tendresse

J’apprends

À croître à tes côtés

Comme ces cèdres presque centenaires,

Hôtes à l’écorce moite

Hébergeant des mousses et des lichens

Je consens

À suivre les courbes

Le rythme de ta danse

Tes repères deviennent peu à peu

Les miens

Comme toi, je tends vers cet azur

Si lumineux

Nos têtes formeront la canopée

De notre imaginaire

J’apprends

À marcher à ton rythme

Nous trouvons notre cadence propre

À l’unisson nous sommes

Dans nos mots

Nos silences

Nos gestes

Tout s’inscrit dans la tendresse.

Le ravissement

Doit-on se lasser

Des fleurs

Que l’on offre

Que l’on reçoit

De cet envoûtement olfactif

Évanescence du doute

J’ai la certitude

De vivre

Une période de ravissement

Les marguerites

Et le lys si blanc

En sont les témoins silencieux

Les corolles s’ouvrent

Et nous nous découvrons

L’un l’autre

Nous écrivons

Au fur et à mesure

Ce nous qui nous ressemble.

Le fou de Bassan

C’était une affiche

Un message

Une publicité

Le tout délavé par la pluie

Et l’indifférence des passants

C’était une parole

Un cri

Lancé à l’oreille des badauds

C’était un envol raté

Une déconfiture

Une itinérance livresque

Une déchéance grotesque

Marchez, circulez, roulez

Car seul le poète voit

Dans ce papier défraîchi

Un fou

De Bassan

Plongeant dans un mer de bitume,

Amertume.

Farniente

Pensée, pétale de rose

Et lavande

Ployée hier par la pluie,

Têtes chercheuses de soleil

Pensée, vagabonde prose

Enclose en mon cahier

Nous sommes si bien en terrasse

Entre tes doigts une coupe de rosé

Pensée, la douceur s’étale

À demi-mots

Une abeille nous distrait

Le temps de son déjeuner sur l’herbe

Pensée, pétale de rose

Finies les heures moroses

Nous causons de tout et de rien

Le farniente nous va si bien.

Par le bruissement de sa ramure

Se propagent le vert

Chlorophylle et fibres,

Sève et textures diverses

Du tendre au rugueux

Végétation qui tend vers le haut

Vers le beau

Un oiseau y chante

Un tamia s’y terre

Une couleuvre s’y faufile,

Discrète et agile

Se propagent le vert,

Chlorophylle et fibres

Cet arbre ancien

Contient

Des années de croissance

Et des histoires,

Les tiennes,

Celles des gens d’avant

Je lui ai murmuré ton nom

Il m’a répondu

Par le bruissement de sa ramure

Qu’il te connaissait et te reconnaissait,

Qu’il t’aimait

Et t’aime encore

Comme moi.

Ici et maintenant

Il s’assied

Las

Le cueilleur de rêves

Il y boit son thé

Au lait d’amande

Il m’attend

Le penseur

Qui, la nuit venue, marche

Parmi les lucioles

Fasciné par la lune

Pleine ou nouvelle

Il s’assied

Le contemplatif de la rivière

Aux nénuphars blancs

Et de la montagne noire

Juste devant

À quelques coups de pagaie

Philosophant

Sur la nécessité

Du nous,

Ici et maintenant.

Ce bleu de scène

Ce bleu de scène

M’est apparu si merveilleux

Alors que je déambulais

En coulisses

Ce bleu n’avait rien d’obscène

J’y devenais derrière

Des champs de lavande

Et la clarté de 15 heures

Toi, portant casquette

Ou chapeau de paille

Envie d’un déjeuner tardif sur l’herbe

Les poètes allaient entrer

En scène

Il fallait me concentrer

Les interroger sur leurs motivations

Leurs intentions

Dans leur univers créatif

Ambiance festive

Ah, cet acte d’écrire

Qui nous obsède jour et nuit,

Ça ressemble drôlement à l’amour.

Une suite à Et cétéra…

Il m’arrive parfois de recevoir des visites en rêve. Il s’agit de membres de ma famille, d’un amour ou bien ce sont des personnages qui me soufflent des répliques. Alors, un dialogue s’entend, me réveille. Parfois, je note. Tantôt, je laisse ces mêmes personnages poursuivre leur entretien d’un songe à un autre. S’ils persistent, je m’incline bien volontairement à leur volonté d’expression. Par la suite, j’ouvre un cahier neuf, je griffonne, ce qui deviendra un roman, une nouvelle.

Après la rédaction du roman épistolaire Et cétéra, j’avais pris une pause littéraire en me permettant l’écriture de Wasabi pour Cassandra qui est un polar aux couleurs LGBT. Je me suis plongé en eaux troubles. Le résultat est très bien. Les presses sont encore chaudes. Il est au catalogue en ligne chez JDH Éditions.

Maintenant, étrangement, j’avais besoin d’eaux plus calmes. Le lectorat d’Et cétéra m’avait confié s’être attaché au couple Julien et Neige et être fasciné par James et Blanche, les amants réunis. Et c’est par Christophe et Simone, les enfants de Julien et Neige, que les répliques me sont revenues. Le titre est déjà trouvé. C’est un secret ou presque pour l’instant.

Les personnages m’interpellent, me hantent et me demandent de leur offrir mes mains pour qu’ils puissent avoir le dernier mot. Au jeu de l’écriture, j’y consens.

J’aime lire…

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Ces cieux incertains

Ces instants crépusculaires

Ces gens qui vont et viennent

Au pas hésitant

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Tes humeurs

Tes impatiences

Face à l’attente

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Ton souffle

Tes soubresauts

Puis ton corps qui s’apaise

Le flux de ta jugulaire

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Cette route

Cet itinéraire

Qui s’inscrit dans le présent.

Les fleurs-cello

Les fleurs-cello

Sont une végétale tournure

Une confiture

Pour les yeux

Parfum en devenir

Sous les reflets

Miroir

De mes pensées

Mémoire

De ses intentions

Les fleurs-cello

Croissent

En bout de comptoir

Au regard des passants

Il suffit de les cueillir

À la sortie du métro

Station Mont-Royal

Arrondissement Le Plateau

Pour être plus précis

Vous ne pouvez pas les manquer

Elles seront si radieuses

Dans un vase à la cuisine

Ou à la terrasse

Les corolles exposées

Au soleil

Aux vents chauds

Dépourvues de ce manteau

Translucide

De cette peau-cello

Dégustation maintenant

En charmante compagnie

De ce quelqu’un

Un verre de kombucha

Une autre fois, on passera

Au limoncello.

Il y a de l’am… dans tout ça

Il y a de l’am…

Dans ces draps qui se meuvent

Sous la gravité du désir

Par ces oreillers

Qui ne savent plus donner

De la tête

Sous les ébats

Les jeux de paumes

Il y a de l’am…

Observons ces rides

Ces plis

Dans les replis

De nous-mêmes

Vestiges en quelque sorte

De nos amours mortes

Traces

De notre renaissance

Le cœur pulse le sang

Et la fougue nouvelle

Il y a de l’am…

De nuit comme d’après-midi

Le rosé est au frais

Ta peau est au chaud

Entre mes bras

Il y a de l’am…

Dans tout ce fouillis apparent,

Puis tu t’es endormi là

À portée de murmures

Et je n’ose plus trop bouger

Cultivant avec toi

La quiétude et la tendresse

Il y a de l’am… dans tout cela.

Au jardin

Il s’est promené

Au jardin

L’amour

Sur ses deux pieds

Le visage amusé

Derrière ses verres

Étaient-ils mauves ou bleus

Cela importe peu

Il s’est promené

Au jardin

Mille questions

En tête

Derrière le sourire

Derrière le soupir

Une envie de conquête

Juste

Le souhait d’être heureux,

Passant du je au nous

Il s’est promené

Au jardin

L’amour

Avant de reprendre la route.

Au petit marché

Au petit marché

Des fleurs il achète

Il ne sait pourquoi

En lui monte cette joie

Au petit marché

Des corolles l’enjôlent

Du blanc, du rouge

Du mauve, de l’oranger

Au petit marché

Il opte pour ce lys d’Asie

Si vibrant de vie

Il le dépose dans un sac bleu

Ça ravira ce quelqu’un

Qu’il apprivoise

Les couleurs sont du baume

Sur la solitude

Les fleurs parlent

D’elles-mêmes

Un léger sourire,

Un conseil d’arrosage

Au petit marché

Des fleurs il achète

Pour ce quelqu’un

Qu’il apprivoise.

Comme rivière

Brouillard dehors

Brume en dedans

J’ai versé du Baileys

Dans le bol à café

Un nuage de plus

Pour égayer mon naufrage

Brouillard dehors

Brume en dedans

Vers qui, vers quoi

Iras-tu

Les bras tendus

Les ailes du cœur ballantes

Brouillard dehors

Brume en dedans

Nous dégelons

Du si long hiver

Avec l’envie de vivre

Comme rivière.

Travestie de bonheur

Elle est où

Cette folle

De Chaillot ou d’ailleurs

Perdue rue Berri

Rue du Cherche-Midi

Arrivée là

Par de multiples détours

Égarée rue de la Commune

Elle est où

Cette trouvère ignorée

Aux droits bafoués

Cette passagère

D’étranges métros

Travestie de bonheur

À minuit

Elle est où

Cette survoltée

Cette disjonctée…

Mais là-haut

Assise

Perchée

Sur un rayon

De la roue bleue.

Sur cette terre

Rose en son cloître de pierre

Qui ne compte plus les heures

Entre sa création

Et son érosion

Pour le feuillage l’entourant

On hésite à définir

Feuillage de pissenlit

Fleurs de lys stylisé

Pointes de hallebardes

Symboles militaires

Ou héraldiques

Dont on perd le sens

Le nord

Rose en son cloître de pierre

Nous y marchions autrefois

Confession

Prières

Ayant les nuages et la rosée du matin

Comme objets de méditation

Rose en son cloître de pierre

Aux pourtours

Je devine ton nom

Ton souffle

De passant

De pèlerin

Sur cette terre.

Comme une chanson de Françoise Hardy

Lettre morte

Retirée

De l’enveloppe

Blanche et bleue

C’était pour tes yeux

Froissée en son milieu

Jetée aux oubliettes

La missive

La consigne

Le conseil

Le mot d’humour

Le mot d’amour

Pour qui

Pourquoi

L’auras-tu jamais su

Plus que moi

Ce qu’il faut dire

Ou taire

Ou laisser braire

Elle était là

Cette enveloppe ouverte

Offerte

Dans cette entre-saison québécoise

Comme une chanson

De Françoise Hardy

Comment te dire adieu.

Le long corridor

Long corridor

Menant vers qui

Vers quoi

Isidore

Miranda

Estelle

William

Et tant d’autres encore

Y marchèrent

En quête d’une destination

En recherche d’une réponse

Long corridor

Où le clair et l’obscur

Y cohabitent

Les ombres et la lumière

Long corridor

Emprunté

Entre deux points

Trait d’union architectural

Entre l’ancien et le nouveau

Maria allait se marier

Gustave se séparer

Le temps d’un regard

Et si on jouait avec le destin

Comme on recueille

Dans une paume

Comme on repousse

Du revers de la main

Long corridor

Jean-Pierre traîne sa misère

Sous ses haillons

Dans ses sacs percés

Julie mène maintenant

Ses petits à la garderie

Ses chéri.e.s tant espéré.e.s

Dans les yeux du mendiant

Elle reconnaît son frère

Retrouvailles de gare ferroviaire

Nous sommes maintenant

Mais que savons-nous vraiment

D’hier

Et c’est d’autrefois vers demain

Que se tendent des mains.

Les pissenlits

Déjeuner sur l’herbe

En différé

Nous savons croire

En juillet qui sommeille

Et aux fleurs

Sous gangue de glace

Déjeuner sur l’herbe

La limonade

Les salades

La sangria

Les brochettes

Sont pour l’instant

Conceptuels

Ah, la pelouse verte !

S’il n’en tenait qu’à moi

On procéderait

De ce pas

À un détournement

Du Golf Stream

Marre de geler

Pour les autres

Marre de ces heures

Qui défilent

Sans moi,

Sans toi,

Sans nous

Sans vous

Déjeuner sur l’herbe

Poème inutile

Écrit un dimanche

Presqu’à l’aube d’avril

Sous les lourds manteaux

Y a des corps qui s’animent

Des poumons qui ventilent

Et des esprits

Prêts dès maintenant

À remplacer flocons

Par une nuée jaune de pissenlits.

Staccato

Au café

Des illusions

Tu me faisais miroiter

Londres, Berlin, L.A.

Au café

Des impressions furtives

Du bout des doigts

Glissement

Effleurement

Des veines du marbre froid

Au café des discussions

Ton ancêtre au tableau

Nous regardait

Sur époque, arrêt

Douceur du sépia

Au café

Des évasions

Sur table, pianotement

Mon cœur bat

Staccato

De l’absence/présence

Et je t’espère

Vaine prière

Et je croque

Croissant aux amandes

Et je bois

Capuccino

Moustache à la cannelle

De me voir ainsi

Seul, tu rirais

Au café

Des impressions

Madeleines de Proust

Me reviennent

À l’esprit

Les promesses

Les oublis

Le déni

Qui a fui qui ?

Dis, on se revoit ?

Une pluie bienfaisante

Une nuit

Des étoiles

Une toile improvisée

On détourne la tête

Et puis

On ne sait trop pourquoi

Ni comment

La magie opère

Les fées et les mages sont au rendez-vous

Une pluie bienfaisante

Une nuit

Cristal aérien

Pour qui sait regarder

Pour qui sait danser

On allonge le pas

S’ouvrent les bras

Sur le possible

Une main

Un stylo

Recherche d’un bout de papier

Un tantinet défroissé

À l’ancienne

Un portable qui s’allume

Un numéro noté

Au carnet

À la moderne

Dis, on se revoit ?

Chacun.e de son côté de la glace

Les passagers

Sont ceux/celles

Qui nous regardent

Et traversent nos vies

Trajet semblable

Ou à contresens

Pour une raison ou une autre

On se vautre

Souvent derrière

Une première impression

Pas toujours exacte

Comme une boussole

Ayant perdu le nord

Les passagers

Sont ceux/celles

Qui nous observent

Nous créent

Des vies

Amitié-amour imaginaire

À quelques stations

Souffle retenu

L’écran du portable

Les pages d’un livre

Servent tels des points de fuite

Les lignes d’un texto

D’un rapport à fournir

Un personnage

Maintiennent la distance

Chacun.e de son côté de la glace.

Vert samba

Moche et terne il se trouve

En cet hiver

Qui s’éternise

Rend blafard l’écorce grise

Le plus radieux des visages

Si proche il se tient

Étirant les bras

Au coin de la rue

Comme les mendiants

À midi, à minuit

Pour quelques pièces

La marchande d’en face lui conçoit

Un air de fête

Avec des lumières

Touche d’espérance dans la nuit

D’un vert samba.

Sur la véranda

Scène d’hiver

Écrin/écrin pour peintre aveuglé.e

Par tant de blancheur

Et de froid

Se crispent les doigts

Sur le pinceau

Se réchauffe le regard

À tant de cristaux

Et que dire de ce bois

Lui aussi si blanc

Véranda

Pour dames anglaises

Éprises de grand air

En bordure de bordure de lac

Parfois, une biche

Ou un coyote

Le traversait

Errance, tâche d’encre

Sur toile vide

Rentrons si tu veux

As-tu du thé noir

Pour nous deux

S’il était aromatisé aux fruits

Ce serait encore mieux

Parle-moi de ta mère,

De ton père,

De celle qui habitait ce lieu

Avant toi,

Avant ton arrivée avec ton briard

Silencieux

Grugeant son os

Sur la véranda.

Mais je rêve

Mobilité réduite

Voire coincée

Les roues prises en étau

Neige et glace

Je vais au ralenti

Mais je rêve

Aux femmes

Qui jacassent en mai

Sur terrasse

Katy, Alice, Geneviève

Et les autres

À la main, une coupe de rosé

En story

Mais je rêve

Tancrède déploie

Sa musculature

Il souffle sous l’effort

Demain, il rejouera Sisyphe

Au gym à la lumière tamisée

Mais je rêve

Aux fleurs portées aux narines

Aux gouttes d’huile essentielle

Qui roulent sur une jugulaire

Mobilité réduite

Pour qui ne sait pas conduire

Le volant de son imaginaire.

Calendes grecques

Tisane fruitée

L’arôme encore à ma narine

Le goût à l’orée des lèvres

Le rouge de l’hibiscus escalade la cordelette

Pourtours du sachet

Cernes de la tasse

Excès de café

Ayant cédé momentanément

La place

Au pourpre plutôt violacé

Presque floral en relais

Le chocolat au zeste d’orange peut attendre

Car les quinze heures n’ont pas sonné

Tout comme

Moi remis par toi

Aux calendes grecques.

Tapuscrit

Un jour

Peut-être une nuit

Je disparaîtrai

Rehauts de craie

Volutes fantomatiques

Lettres forgées par une main autre

Qui aura tôt fait

De tout gommer

Sur l’ardoise

Mon parcours

Un jour

Peut-être une nuit

On indiquera

Absent

Sous mon nom

Je serai alors bon

Pour les oubliettes

Ou pour le domaine public

Un jour

Peut-être une nuit

Des doigts me dessineront

Une fleur

Une étoile

En guise de points de suspension

Pour l’instant,

Le poète transforme

Manuscrit en tapuscrit

Les personnages d’un roman l’y pressent.

Malgré tout

Un roman

Dort

Manuscrit

Dans deux cahiers

L’un tacheté

L’autre nacré

Projet de transcription

Pour l’an prochain

Je remets

À demain

Ma main

Gauche

Sur le clavier

Ma main

Droite

Sur le papier,

Celui des livres

À écrire

Des nouvelles

Des contes

À lire

Des souvenirs à échanger

Aves les ami.e.s Outre-Atlantique

Ma vie,

Bateau de givre

Naviguant

Déjà en novembre

Sur vitre de février,

Malgré tout,

Figure de proue allumée.

Bleu nuage

Il y a ce bleu nuage

Constitué de pluie, d’humeurs ténébreuses,

De la mélancolie envahissante de novembre

Il y a ce bleu nuage

Au-dessus des toits, des maisons tranquilles

Des chats qui rodent dans les jardins

Aux fleurs éteintes

Il y a ce bleu nuage

Cette encre diluée

Ces mots sous-entendus

Dans tes missives trop brèves, trop sèches

Il y a ce bleu nuage

À tes lèvres presque pourpres

Faute d’oxygénation

Au cœur

Il y a ce bleu nuage

Une tempête sévit

Quelque part sur une carte

S’agite la boussole

Il y a ce bleu nuage

Entre les pages

Du livre

Que tu voudrais écrire

En marge du monde.

© Photo, texte, Denis Morin, 2022

La silhouette esquintée

Elle se sait

Condamnée

À la casse

À la case départ

La chaise

Plus personne n’en veut

Il peut

Bien pleuvoir, grêler,

Neiger

Qu’importe

Son sort est joué

À moins

D’un revers du destin

D’un bricoleur du dimanche

Qui pourrait

Par amour des choses anciennes

Lui ajouter un barreau

Lui redonner son lustre d’antan

Souhaitons-lui

Bonne fortune

Miracle inattendu

Qui sait

Sur cette rue,

Cette grande allée

Bordés d’arbres centenaires

Détrempée par novembre

Elle se sait

Photographiée

Mise dans une casse,

Celle d’un cellulaire

Par un poète au pas égaré

Il lui trouve un charme suranné

Un je-ne-sais-quoi déjanté

Malgré sa silhouette esquintée.

Si prévisible

Frissons givrés

Sur l’herbe

Au printemps

Nous (nous) étendrons

À nouveau

Nappe à carreaux

Vin

Fruits

Fromage

La bordure de tissu

Sera notre rivage

Rêvons d’ici là

De retrouvailles

De boustifailles

De bouteilles ambrées

Et d’un chapeau

Tressé de paille

Et d’une casquette si coquette

Te souviens-tu

Des discussions animées

Des divergences

Parfois, de nos convergences

Ton pied pointait vers le sud

Je tentais

De décoder ton attitude

Désemparé.e, tu étais

Face à mes habitudes

Je sais

Que j’étais

En dépit de mon imaginaire foisonnant

Si prévisible.

 

Cadavres écrits et À l’encre de l’esprit

Un poète, ça écrit des choses gentilles comme la pluie, les roses, les papillons et les abeilles. Toutefois, il arrive de temps à autre que l’artiste est invité à sortir de ses gonds, à casser la baraque, à chahuter pour se surprendre lui-même et le lectorat. Yoann Laurent-Rouault, notre directeur de collections et aussi peintre-illustrateur, et Jean-David Haddad, éditeur, savent provoquer la création avec le consentement des plumes invitées.

Pour le collectif de nouvelles Cadavres écrits, j’avais soumis la nouvelle En toute impunité où un homme d’affaires narcissique au maximum abuse de son entourage, jusqu’au jour où une redoutable adversaire croise sa destinée.

Maintenant, je récidive dans le collectif de nouvelles À l’encre de l’esprit avec un texte intitulé Kaddish au Trastavere. J’y raconte un épisode surnaturel alors que je me baladais jadis sur un rive du Tibre à Rome, alors qu’une famille juive aperçue se préparait pour Auschwitz-Birkenau.

Dans ces deux livres, je suis entouré par de nombreuses plumes fort talentueuses de la maison JDH Éditions. J’unis ma voix à celles des autres bien humblement.

Je vous invite à découvrir ces recueils aux histoires fictives pour Cadavres écrits et aux phénomènes vécus pour À l’encre de l’esprit qui viendront hanter vos nuits. Bref, ça décoiffe !

À lire évidemment si le mystère et les ambiances troubles vous fascinent.

Ces ouvrages sont toujours disponibles via Amazon.fr, la FNAC, etc. ou bien à la boutique en ligne de chez JDH Éditions, en impression à la demande.

Selon toute vraisemblance

Robert, Jacques,

Michael, Zachary

Un prénom gommé

Partout ou presque

Parti sans laisser d’adresse

Appels à l’abonné absent

Parcours du West Island

Ou d’Homa vers le centre-ville

Désabusement

Exclusion

Faim

Besoin de soins

Besoin de regard bienveillant

Sur lui

Vêtements

Ajours de tissu abîmé

Passe l’air vicié du métro

Besoin de consommer

Besoin d’un toit

Besoin de toi

Par où commencer

Par où clore

Une destinée

Une estime

À regagner

Pour soi

Selon toute vraisemblance.

Tes joues

Il y a tout ce rose

De la coupe aux lèvres

Dans ce vertige

De l’étreinte

De l’atteinte

Aux sentiments

Il y a tout ce rose

Dans les voix sur YouTube

Dans ces souhaits échangés

Dans ces J’aime et J’adore

Il y a tout ce rose

Ces cristaux de sel et de sucre

Ces strates

Cette montée et cette chute

De l’effervescence

Il y a tout ce rose

Qui te monte aux joues.

La chevauchée des vélos-citrons

Vélo-citron

Papillon monarque urbain

Le plus démocrate qui soit

On le pose sur les quais du métro

Où nos semelles poussiéreuses

Ou boueuses

S’accrochent à ses rayons

Éclat vif

Dans la grisaille souterraine

Les humains décrivent dans la ville

Des itinéraires

À peu de choses près

Font de même les rats

À Montréal, discrets sont-ils

Pas de cavale à dents acérées comme à Paris

Quai d’Austerlitz

Sous l’armature industrielle du 19e siècle

J’image des mômes d’avant-guerre

D’avant-garde

Chevauchant des vélos-citrons.

Gommer le banal

Je voudrais

Partir

Ne plus revenir

Ne plus retenir

Libérer

De tout boulet

De toute blessante expérience

De tout goulot d’étranglement

Tu voudrais

Fuir

T’anéantir

Glisser

Comme une eau de pluie

Sur les surfaces

Sur les glaces

Il/elle voudrait

Pianoter

Par le toucher

Inventer ces sons

Cette musique,

Invitation à la fête,

À la danse,

À la transe

Si l’existence était carnaval

Si l’existence gommait le banal.

Des promesses d’avenir

À l’ombre des tours

La victorienne maison en pierre,

Écrin de secrets

Eleanor pleurait

Entre deux tasses d’Earl Grey

C’était hier,

Édinbourg, Londres et Paris

Puis Montréal

Et James divaguait

À bâbord et à tribord

Entre deux verres à ras bord

De whisky ambré

Roulèrent leurs joncs

Guettent toujours leurs ombres

Aux fenêtres

Pensons à leur unique enfant disparu

Couché sous une stèle

Quelque part, sur la montage

Aux amours mortes

On remplace les troncs tombés

Par des promesses d’avenir.

À sa mélancolie

Sur la pierre

Figure d’enfant

Visage d’antan

Le sculpteur a déposé

En terre

Son marteau

Et ses fers

Cette pierre

Frise de colonnade

Les colonels ont défilé

Les dignitaires ont gravé

Leurs noms

Sur plaques cuivrées

Pour la postérité

Cette pierre

Figure d’enfant

Me souffle à l’oreille

Que toute vanité

N’est que du vent

Expression tranquille

En toute apparence

Bien des gens ont trépassé

Comme bien d’autres passeront

À Londres, à Paris

À Berlin, à Rome

À Vancouver, à Montréal

Bref, bien des hommes et des femmes

Marchant flamme éteinte,

À vive cadence

Indifférent.e.s à sa mélancolie.

À plus

À la terrasse, on m’y trouve près de la tonnelle et de la vigne aux raisins amers dont les oiseaux se régalent l’automne venu. Je préfère ceux du fond de la cour que je transforme en gelée si délicieuse.

Je disais que je prends place sur cette chaise de bois quand il ne pleut pas et quand la lumière n’est pas trop aveuglante non plus. Manque la tasse de café ou une coupe de rosé, mais je ne picole pas avant l’heure de l’apéro.

Assis à cette minuscule table, débute l’écriture d’un deuxième cahier. Les idées se mettent en place et les personnages jouent du coude. Qui dira la première réplique et surtout qui donnera la réplique assassine ?

Au hasard, le poème inattendu s’invite. Une feuille à part reçoit alors le bruit d’avant la mise en page finale. En fait, un texte est-il une œuvre figée condamnée par son cadre ou vit-il justement par l’iris du lectorat ? J’ai mis telle ou telle intention, mais les mots possèdent une charge émotive et évocatrice qui me dépasse bien largement. Je ne suis que le valet de mes textes passés, actuels et futurs. Qu’on se le tienne pour dit !

Par conséquent, je n’ai pas dit mon dernier mot. À plus.

D’une certaine émotion

Mots

Aveux

Coincés dans la tourmente

Chiffonnement

Expéditeur il y eut

Message freiné

Dans sa transmission

Destinataire inconnu

Papier ligné

Devoir ou amour

Leçon ou amitié

Non, je n’ai pas osé

Défroisser

Les fibres

Et lire

Décoder

Pour ainsi dire

Cet estompement

De l’intention

Ça restera un secret

La pluie

Le piétinement

Feront le reste

Et moi, je reste

Fasciné

Par cette sphère,

Fruit d’une certaine émotion.

Comment

Entrée dans une vieille gare

Désertée

Ce matin

Des anciens combattants

Cet ange / Cette victoire ailée

Soutenant le blessé

Le soldat mourant

Le poète déroule dans sa caboche

Une bobine

Il se fait du cinoche…

C’était du vrai

Pourtant

Les images défilent

Les trains sifflent

Dans l’aube

Sur le quai, elle pleure

Sur les marches du wagon

Le brave a tout de même peur

Enfants à l’école

Rêveurs

Du père

Du grand frère

Parti

Vers les lointains pays

Devant l’ange / Cette victoire ailée

Le poète écoute

Les souffles anciens

Imprégnés dans la pierre

Et ces voix de femmes

Tantôt cris

Tantôt murmures

Comment

Me reviendras-tu

De Verdun, de Vimy

De ce débarquement en Normandie

Comment

Dans quel état

De corps

D’esprit

Déconfit

Déconstruit

Me reviendras-tu

La guerre brûle

Autant les munitions

Que les hommes

Comment

Entendras-tu

L’appel du retour

Si les canons

T’auront rendu

Sourd ou fou

Comment

Te souviendras-tu

Des gens d’avant

Le chaos

Le conflit

La propagande

L’économie

Dis-moi

Tout simplement

Comment

À portée de pas

Eau

Émanation de la terre

Le minéral se fissure

S’y abreuvent les oiseaux

Un bourdon

La survole

Une libellule

L’agrémente

Par sa grâce

Mon œil y plonge

Eau

La fleur l’effleure

Comme le bout

De tes doigts

Je ne serai

Jamais tout à fait moi

En l’absence

De cette nature

De cette verdure

À portée de pas.

© Photo, texte, Denis Morin, 2022

Jusqu’à la fin août

C’est (dé)veine

Papillon

Espèce protégée

Pour espace saccagé

C’est parade

Annulée

Paillettes rangées

Ce pantalon de cuir te va si bien

Applique un peu plus

De fard à joue

Jeter ombrage

Le vernis à ongles en spécial

À la pharmacie du coin

C’est Yourcenar

Du plus bel effet

En opéra

Livret à quatre mains

Du Québec vers la France

Vers le Maine

Il n’y a qu’à suivre le fleuve

Se jetant dans la mer

C’est retrouvailles

Victuailles

Une bière de chez nous

Du pain, du fromage,

Des fruits,

Du poulet rôti

De la salade de chou

Tu resteras bien

Jusqu’à la fin août.

© Photo, texte, Denis Morin, 2022

Inséparables

Tu m’ignores

Aujourd’hui

Pourtant

Hier

Nous étions

Inséparables

Nous parlions

Chanson

Poésie

Nous rêvions

De France

De Paris

Et d’Avignon

Sur ce petit pont

Dansé nous aurions

Je porte

Sur mon dos

L’étoile du parfait inconnu

À quoi bon se plaindre

De ce qui n’est plus

Que le passé se creuse

Au fond de la mémoire

Le temps s’illusionne

À faire du passé

Un présent.

Juste avant Netflix

La girafe forme

Un T

Majuscule

Sur centre-ville

Vue imprenable

Le fleuve

Les bretelles d’accès

Aux autoroutes

Économie en déroute

Le cousin à Beyrouth

Allume sa lampe,

Pas celle d’Aladin

La girafe forme

Une étrange exclamation

J’entends

Les détonations

Via les vidéos

Et les topos

Une ville tombe

Un village se relève

Hécatombe

Au lointain

Dont on se lasse si vite

Changez de chaînes

Vous êtes les mêmes

Qui épandez vos pesticides

Sur ce terrain de golf

Mais ne me parlez pas

De la nostalgie du papillon monarque

De votre adolescence

Virevoltant

En toute insouciance

C’était autrefois, hier

Juste avant Netflix.

Et si le verbe

Et si le verbe, je veux dire par cela l’expression artistique, est le supplément d’âme qui distingue l’Homme des autres espèces animales. Pourtant, cela ne signifie que l’on puisse asservir et détruire allégrement la nature comme nous l’avons fait depuis la révolution industrielle.

Et si le verbe était ce qui nous permettait de mieux faire ressentir l’expérience humaine à nos concitoyens, en toute solidarité, dans le sens le plus noble du terme, sans nécessité de passer par les jeux de la séduction, la cupidité maladive et la soif de domination.

Et si le verbe s’avère la meilleure façon de rejoindre l’autre, de l’émouvoir, de lui donner des ailes, tout en s’ancrant, racines plongées dans le terreau fertile de nos ancêtres.

Le temps fragmenté

Le temps fragmenté

Aimerait

Faire d’un lundi

Un dimanche

L’écorce dégagée

Du cep

A pour précepte

De croire en les fruits à venir,

Grappes au bout des doigts

Ou à portée de bec

Les étourneaux réclament

Leur portion

Le temps fragmenté

Ne se compte pas

En regrets

En ‘’si j’avais pu’’

Le temps fragmenté

S’arrime

Aux visages à découvrir

Aux livres à lire

Aux êtres à étreindre

À la clarté du jour.

Commentaire pour La petite goutte d’eau

La petite goutte d’eau de Denis Morin

                        Offert sous une présentation soignée et attrayante aux Éditions Le Baladin, le conte La petite goutte d’eau de l’écrivain Denis Morin s’adresse à tout enfant qui sommeille en chacun, chacune de nous, ainsi qu’à l’âme sage et innocente des plus jeunes.

            Dans un langage riche, fluide et un style impeccable, l’auteur nous fait entrer dans un univers à la fois simple et enchanteur, en plein accord avec l’ordre du monde. Il y a dans ce très joli conte quelque chose d’apaisant, de rassurant, à propos de cette fabuleuse aventure de la vie et qui lui donne sens. Un peu à la manière du Petit prince de Saint-Exupéry, la petite goutte d’eau explore, voyage dans cet univers, fait des rencontres, expérimente, apprend…

            Cycle de l’eau, cycle de vie… et la boucle se boucle. Moment de lecture douce et bienfaisante.

                                                                                   Diane Boudreau, écrivaine,

                                                                                                          le 7 juillet 2022

Égarement

Flèche ployée

Par le poids des pas

Des directions à suivre

Des décisions possibles

Un choix

Hors du carquois

Étrange accent circonflexe

Laissant perplexe

Et que dire de ces pointes

Recherche de la cible

Atteindre les pourtours

Mais miser le cœur

Une seconde fois

Du guide

Qui dit

‘’Cette gare fut construite

Dans un contexte…’’

En français, en anglais,

En cantonnais

Offre d’options

L’égarement est-il permis ?

Pourquoi et pour qui écrire ?

Je viens de discuter avec Diane Boudreau, peintre et poète, sur le pourquoi de l’écriture et le lectorat. Nous nous disions que nous écrivons pour laisser une trace de soi, d’une expérience humaine. Par l’intermédiaire du livre-objet, c’est le partage qui se vit de soi vers l’autre.

À la blague, je dis souvent que l’écrivain conçoit un trousseau pour sa succession en termes de textes, pas juste de droits à percevoir.

Sans aucun doute, la joie de s’exprimer s’ajoute à celle de créer. L’écrivain endosse l’habit de l’artisan semeur de mots. Dans ce monde où tout va si vite, il est bon de savoir se poser de temps à autre sur un pourtour d’horizon pour savoir savourer les heures et tenter d’apprécier le présent si (im)parfait soit-il.

Et puis, tout s’entremêle, son vécu personnel, des personnages inventés plus ou moins loin de soi, des impressions, des ressentis, des fulgurances créatrices. Dans le chaudron de l’imaginaire, on touille à gauche et à droite. Le résultat donne un tout sucré, salé, acidulé, doux-amer, selon les ingrédients mis et les émotions versées.

Somme toute, chaque texte est une aventure et une traversée, peu importe sa longueur et sa teneur. La littérature s’avère plus qu’une histoire de genres prédéfinis : conte, poésie, théâtre, nouvelle, roman, essai, biographie.

Parfois, souvent même

Chorégraphie

Ramage

Chatouilles du ciel

À l’heure bleue

Les conifères s’imposent

Les feuillus si discrets

N’osent livrer bataille

Chorégraphie

Mots que l’on gribouille

Sur un bout de papier

Le bus ne saurait tarder

Toi non plus d’ailleurs

Je t’aurai si longtemps…

Espérer

Ce verbe chargé de joies,

De déception, d’incertitudes

Contenir l’attente

Comme toutes ces hirondelles

Perdues

Dans les remous de l’azur

Chorégraphie

Ma tête

Se balade

Entre le poème

Et la recension du dernier livre lu

Et le polar qui gît impatient

Dans ma serviette

Encre bleue

Ratures

Lettres grossières

Répétitions inutiles

Passages en points de suspension

En transcrivant

Je peaufinerai

Pas le choix

Et les documents et rapports

En retard

Ma synchronicité déraille

Parfois

Souvent même

Je pense à toi.

Prière de ne pas arracher

Asclépiade

Plante indigène

Pétales

En myriades

Les bourdons et les monarques

S’éclateront

Profusion

Le nectar

À ramasser à la pelle

À la trompe

Avec les pattes

D’ici là, chenilles

En livrée brun chocolat

Et noir encre de Chine

Grignoteront les feuilles

En pâture

Pour elles, pas si indigestes

Sève toxique

Si protectrice

Les oiseaux n’ont qu’à bien

Se tenir

Avis aux intéressés ailés

Prière de ne pas arracher

Avis aux humains,

Spécialistes en pesticides

Et terrain de golf artificiels

La Nature vous en remercie.

Le chemin se prolonge

Marcher sous une coupole

De vert

Camaïeu de chlorophylle

Casse-tête

Faut-il se concentrer

Sur les trouées

Ou sur la superposition

De feuilles étalées

Par où commencer

Ce dédale

Ce découpage

Partir à la nage

Et n’en sortir qu’à bout de souffle

Goût de menthe

De verveine

Sur le bout de la langue

Passé le temps des sucres

Ayant effrayé un lièvre timoré

Une buse projette

Ses cris

Et une fiente en supplément

De reconnaissance

Je souris

Par parti pris

Pour la proie

Devant moi

Le chemin se prolonge.

Ligne de faille

Thé

Les ouragans du Mississipi

Montent vers le nord,

Celui que s’égare

Incline son axe

Éloigne les phoques des ours blancs

Les forêts du Sud

Vidées

De leurs minéraux

Et bois précieux

Exsangues

Les opposants indigènes

Abattus

Ou coincés en des villages

Le cinéma,

Outil de propagande

D’une maison si blanche

Que l’on soit à l’ouest

À l’est

Chacun ment comme il peut

Pour se défendre

Envahir

Occuper

Ligne de faille

Entre le raisonnable et l’avidité

Éclatent les ponts

Entre les nations

Pour l’instant, mon thé

Ne contient

Aucun polonium

Dis-je à mon géranium.

Par un code QR

Signet pour promotion-A

Bonjour, bonsoir,

Imaginez si tout un monde se contenait en un signe, presque un hiéroglyphe d’un modernisme visionnaire, soit un code QR.

Imaginez si cet univers passait ce code QR qui vous donnerait accès à une équipe d’artisans et de concepteurs. Vous auriez accès à de la poésie, à l’évocation de lieux (le Mont Saint-Michel, la Bresse) et de personnages, à des voix enregistrées, à des parcours en immersive 3D, à des commandes possibles de cartes postales et de support en bois pour mettre en valeur toute cette beauté. Ce sont les arts qui viennent vers vous.

Imaginez d’accéder aux vies et aux œuvres de femmes dans l’art (peintres, sculptrices, écrivaines) en une box ou via des catalogues, de puiser à la genèse de leurs créations et de connaître leur quotidien.

À titre de parutions récentes, nous avons des cartes postales multimédias intitulées AMOURS, sur Félix LECLERC (Félix Leclerc, l’homme et la poésie), d’autres sur Marguerite DURAS (Les amours-solitudes) ou bien à propos de l’aquarelliste Marie-Claude GUILLEMOT.

Quant aux femmes dans l’art, qui sera la nouvelle invitée ?

Je vous invite à consulter assez régulièrement le site d’Adret Web Art pour connaître davantage notre offre culturelle à la fois traditionnelle et novatrice.

Voici pour vous donner le lien pour accéder au marque-page avec QR Code de la Box offerte : https://www.adret-webart.fr/catalogue-box-femmes-dans-lart.php

Merci de bien vouloir nous découvrir. Pour toute question, n’hésitez pas à nous aborder sur Twitter, Facebook ou LinkedIn pour moi dans ce 3e cas.

À l’oeil du monde

Muguet dit

Au liseron

Gracile parasite

Que déclares-tu

Pour ta défense ?

Liseron répond

Rien qui mérite

La peine

De représailles

Je m’accroche

Comme je peux

À la vie

Aux autres plantes

Aux murets

L’élégant je fais

Muguet méprise-moi

Tant que tu voudras

Ma future floraison mauve

Vaudra bien tes clochettes blanches

Si éphémères

Ta beauté

Par ton mépris

Se ternit

Muguet dit

Liseron, mille pardons

À présent, vivons amis

Notre délicatesse commune

Montrons-la

À l’œil du monde.

Un écho de Rose Meredith

Mercredi dernier, j’animais le Café littéraire, un atelier de poésie dans le Vieux-Saint-Eustache, quand une participante d’un grand sac rouge cerise cette peinture. Je lui demande le pourquoi. Elle me répond par un « C’est un cadeau pour consoler les fantômes dans ton roman. »

Oui, il est vrai que dans ce roman, une dame du lac apparaît à certains moments et que des personnages périront par les eaux tumultueuses. J’éprouve de la tendresse pour les âmes errantes, à la fois anges gardiens et entités prisonnières de notre monde que l’on tarde à quitter définitivement.

Mais je trouve tout de même ce table apaisant comme il m’arrive parfois de causer en apparence seul dans ma maison à mes proches disparus. En guise de réponse, une forme se profile ou bien des cognements sur un meuble se font entendre.

Une lectrice de ma région m’a confié que mes romans Rose Meredith et Et cétéra l’ont aidée à vivre sereinement le deuil de son époux.

Une amie comédienne m’avais déjà mis sur la piste d’une reproduction de la toile choisie pour la couverture de Rose Meredith. En ajoutant cette nouvelle peinture  »fantomatique », mon minuscule scriptorium tourne en galerie où les images et les mots font bon ménage pour ma plus grande joie.

Avouons-le, outre la partie créative, l’écriture est le reflet de nos expériences humaines partagées. On se fait du bien à soi, tout comme aux autres.

Duras, box Femmes dans l’art

CartesDURAS

Quand Duras chez @AdretWebArt se présente pour sa box Femmes dans l’Art en poésie, en photo, en audio, en immersive 3D et en doc numériques sur clé ou via code QR.

Nous sommes une équipe dans ce projet et nous unissons les mots, les voix, les lieux. À notre façon, nous jouons avec le concept de la carte postale qui devient pour ainsi dire multiforme tout en lui ajoutant la dimension biographique.

À découvrir évidemment.

Annonce printanière

Dans mon grand sac en bandoulière, j’apporte souvent avec moi un livre pour une future recension, un cahier pour des écrits divers, des stylos, etc.

Hier soir, j’y ai rangé un cahier à couverture tachetée. Que du noir et du blanc. Mes couleurs préférées, outre le bleu et le vert. Dans le bus direction Montréal, je me suis mis à relire mes notes de janvier dernier, puis mes personnages m’ont repris par la main. J’ai griffonné quelques répliques et développé une description.

À la maison, je peine à me concentrer. Il y a des courriels à répondre, du ménage à faire, la lessive, tant de choses pour me délier de ma pièce d’écriture. J’y arrive, si j’écoute du piano, ça m’apaise, ou bien si j’écris dans un lieu public. Je me crée une bulle et je déconne/je décolle grave.

Par le passé, j’ai déjà écrit presque trois recueils de poésie ainsi. Des nouvelles ont été retravaillées entre ma banlieue, presque la campagne, et le centre-ville bruyant de Montréal. Dans le métro, des flashes poétiques m’assaillent, je dois tout noter. Cet après-midi, je causais avec une collègue et j’ai commis un lapsus en nommant quelqu’un. Elle m’a répondu qu’il y avait là un nom de personnage.

Donc, si la tendance se maintient et les matinées suivantes, je serai en mesure de poursuivre le fil de ce nouveau polar où j’invite des personnages présentés dans mon polar L’ours et la ruche.

En outre, j’ai l’intention d’écrire une suite à mon roman Et cétéra.

Le printemps me donne des ailes, semble-t-il.

Votre tableau est prêt

Ange replet

En corniche

Au-dessus d’un livre

On le dirait ivre

De connaissances

Et de secrets

Il en a connu

Des saisons

Et des élèves inquiets

Notes

Bulletins

Remontrances

Coups de règle

Sur les doigts

Façon d’apprendre

À calculer, à écrire, à réciter

Surtout à ne pas trop se tromper

Sinon c’était aussi la ceinture

Ou la fessée

De retour à la maison

Enfant, j’évitais

La cour et les récréations

En rêverie

Je déambulais

Sur les stries et les coups de craie

Que je gommais

Brosse de feutre

Rectangle d’éponge

Eau blanchie par les signes,

Chiffres et lettres

« Sœur Aline, votre tableau est prêt ».

Voici que…

Tête de chat

Voici que…

L’orage s’annonce

La panne électrique 

Se prolonge

Il faut sortir les bougies

Lire si cela est possible

À la lumière vacillante

Rire un peu 

Pour dédramatiser

Allumer le feu

Dans l’âtre

On se sentira bien mieux

À l’aube

Tout sera oublié

Le chat s’étirera

Après ses rêves de chasse

Et de souris vaincues

Le bel amour préparera le café

Du matin

Les draps auront

Encore le parfum

De la nuit

Dehors, un cumulo-nimbus

Broutera lentement

Son pré d’azur.

Que voyez-vous ?

Sable du désert

Rose des sables

Cercle de verre

Tout se contient

En son centre

Sucre d’érable

Cire d’abeille

Côte sablonneuse

Érosion

Pain de savon

De Marseille

Copaux ramollis

À l’eau

Pourquoi faut-il

Une étiquette

Une définition

Circonscrire

Est-ce si important

Tout est plausible

Tout est possible

Que voyez-vous ?

Emily D.

Boutons blancs

Nacre et ivoire

Industrialisés

Prélèvement

Sur chemise aux manches élimées

Ma mère les ramassait

On ne sait jamais

Ça pouvait toujours servir

Remplacement requis

Je fais de même

Dans un grand pot de confiture

Vide

Je l’ai rempli

De ces particules trouées

Ajours

Pour fil

Boutons blancs

Ornement ancien

Étrange perlage

Serrures pour vêtement

Préserver le corps

Du froid

De la lumière

De l’œil voyeur des autres

Boutons blancs

Fleurs des champs

Confinées en herbier

Les ciels et les horizons

Contenus

Dans le cloître d’une chambre

Comme les poèmes

D’Emily Dickinson.

Et cétéra – genèse

La genèse de ce roman fut un rêve étrange dans lequel une écrivaine québécoise ouvrait un courrier en provenance de France pour y lire sur un papier au couleur et au parfum de lavande : « Je vous aimerai toujours. » Au réveil, j’ai noté l’idée sur papier.

Ensuite, je lui ai associé un notaire de mari, ennuyant comme la pluie, aux racines polonaises. Les prémices m’intriguaient. Un très bref canevas fut établi par la recherche de prénoms et de noms de famille. Le puzzle prenait forme.

En quelques jours, je me suis retrouvé avec des personnages du Québec, de France, de Pologne et d’Écosse. Cela m’a permis de me promener aussi dans le temps entre la Deuxième Guerre mondiale et 2021.

Contrairement à bien des artistes paralysés par le confinement, mon esprit était libre de créer à sa guise. Dans ce roman épistolaire écrit au printemps 2020, j’ai pu traiter aussi des dons musicaux et visuels qui se transmettent d’une génération à une autre. La génétique, c’est bien plus qu’une histoire de couleur de cheveux ou d’iris, il me semble. Nous sommes le fruit des générations précédentes et nous réinterprétons le monde dans notre siècle comme l’ont fait nos devanciers en leur temps.

Toute cette histoire s’est développée en écoutant la musique de Jean-Michel Blais, pianiste et compositeur de trames sonores pour le cinéaste Xavier Dolan. Si vous aimez la musique ou si vous souhaitez redécouvrir le roman épistolaire, un genre littéraire relégué aux oubliettes, je vous invite à lire Et cétéra qui reçoit jusqu’à présent des avis très favorables.

Extrait :

Elle prend la tête de Julien et l’appuie contre son ventre d’épouse et de mère. Elle lui murmure…

— L’amour, ça ne meurt jamais. C’est un bulbe qui tombe en dormance, mais qui se réveille et livre une fleur, grâce à un peu de chaleur.

Julien reprend son souffle à ce moment précis, embrasse la photo, pose le cadre sur son bureau avant de chuchoter sa gratitude.

— Merci d’être la femme de ma vie. Je ne te mérite pas.

Les lucioles

Au haut de la fenêtre

Rectangle sous néon

Un billet

Plié,

Un propos replié

Sur lui-même

Une confidence

Figée

Dans le temps et l’espace

Don anonyme

Aux passagers

Au loin,

Des lampadaires

Qui se la jouent lucioles

N’allez pas croire

Que ces mouches sylvestres

Avec abdomen lumineux

Ne circulent qu’en forêt

Le poète les décèle

Sur son itinéraire

Suffit de porter le regard

Au loin

Et d’imaginer

Le possible

Dans l’inaccessible.

Les mots qui libèrent

Il y a six mois environ Denis-Martin Chabot, écrivain et directeur général de Fierté littéraire, lançait un concours de nouvelles sur le thème Les mots qui libèrent afin de dénoncer la violence dans les rapports amoureux et intimes des personnes 2LGBTQIA.

J’ai participé dans l’optique d’ajouter mon grain de sel avec ma nouvelle Jérémiades. Des textes retenus en provenance du Québec et de la francophonie, il en a résulté le beau collectif Les mots qui libèrent. Je suis ravi d’être de la partie. La superbe couverture est l’œuvre du comédien et artiste visuel Jean-Benoit Archambault.

Le Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie du ministère de la Justice du Québec soutient ce projet.

La vente de ce recueil aidera aux activités de Fierté littéraire. Il est possible de vous en procurer un exemplaire en contactant Fierté littéraire ou en passant par les Éditions TNT.

Bonne lecture !

La poésie, un art particulier

Fulgurance

La poésie est un art particulier dans la mesure où c’est le plus libre des genres littéraires. On peut rimer ou s’en balancer. On peut à sa guise emprunter divers sentiers, déambuler, courir, s’arrêter, contempler et l’air de rien défier le monde et ses conventions séculaires.

La poésie joue avec le lectorat et l’auditoire. Elle se découvre en solo, en duo, en groupe, tant en privé que sur la place publique. Elle se révèle au cours des festivals, sur les murs et les places publiques. Elle se lit au coin du feu ou en plein midi. Elle n’a ni d’heure, ni de lieu pour s’écrire, se dire, s’entendre et se vivre.

La poésie s’amuse avec les concepts, défie les clichés, éloigne les limites du convenu, défriche une clairière dans l’imaginaire. Elle repousse du revers de la main les certitudes d’hier pour mieux inventer le présent et tracer les pourtours du futur.

La poésie crée des images et des impressions. L’esprit de l’artiste émet ces ondes nomades que l’oreille et l’iris des badauds de passage sur cette terre saisissent, interprètent, décodent, selon un ressenti propre à chacun, chacune. En ce sens, elle est unique par sa compréhension.

La poésie effleure la peau, parfume l’ordinaire d’un brin de folie. La sensualité et les émotions sont au rendez-vous des êtres en osmose et de leurs témoins. On s’y trempe le gros orteil ou on y plonge. Tout devient possible et les éléments tangibles se métamorphosent en fulgurances dignes des lumières fractales d’un kaléidoscope ou du plus somptueux mandala. À vous de choisir.

Pour l’instant, laissez-vous porter.

Les humeurs

Copaux de bois

Crayon aiguisé

Après le tranchant

Récits qui me livrent

Bataille

Dans ma tête

S’écrit le plan

Souvent en songe

Fil d’Ariane se déroule

Et se révèlent

Personnages

En requête d’existence

Par où commencer

Par où finir

Élaguer

Développer

Mettre le papier à la corbeille

Ratures

La gomme, tout près

Parfois, une coquille par exprès

Un alinéa

Par ci, par là

Comme un soupir

Suis-je le seul

À comprendre

L’histoire

Le vécu

La trame

Les intentions

Les actes manqués

Tout ce vécu

Abandonné en marges

Larges ou étroites,

Selon les humeurs

De l’auteur.

Même la pierre s’effrite

Alphabet

Éclairant le mur de béton

Formes géométriques

Propagande médiatique

Les pour et les contre

S’affrontent

Sur le quai, les citoyens

S’impatientent

Un nouveau train

Ne saurait tarder

L’imminence du chaos

Accès aux mers

Noire, Baltique

À tout prix

Les vies valent si peu

Toute déclaration est à saveur patriotique

Un président s’exprime

À l’ennemi en russe

Un autre se confine

Dans sa maison blanche

Ou dans un bunker dans l’Oural

Un premier ministre se dandine

En visite

À l’Élysée

Nous ne savons plus trop quoi

Penser

Des gamins de onze ans

Progressent vers la Pologne

La République Tchèque

À pied

Semelles trouées

La peur dans les yeux

La faim au ventre

Faites vos jeux

Messieurs les politiciens

Que l’on remette une province

Un port

À l’occupant

Au jeu des empires

On verse toujours le sang

Des autres

On retrace les cartes

On les brasse

S’embrouillent les alliances

Les appuis ne sont plus

Même la pierre s’effrite.

Les cadres vides

Les cadres vides

Font piètre exposition

À moins que le peintre

Au teint livide

N’ait subi

La censure

D’un dictateur hautain

Je demanderais

Aux enfants de Moscou et de Kiev

Des dessins à la craie

Sur ce mur de béton

Refuge de métro

Un soleil citron

Un chien, un chat

Des fleurs

Des gamins qui jouent

À se créer des lendemains

De leurs petites mains

Entre ces pourtours d’aluminium

Laissons aux grands

Aux puissants

Le soin de se déchirer

Que les petits remplissent

Le silence

Des cadres vides.

La morsure du froid

S’illuminait la ville

En cette nuit froide et humide

De rares badauds

Hélaient un taxi

Ou vérifiaient

L’horaire d’un bus

Sur leur cellulaire

Dans un clocher

Une antenne transmettait

Signaux et messages

L’autre bus, ils l’avaient loupé

Comme on rate

Une rencontre

Comme un souper

Au restaurant

Tourne à désastre

Pour un propos

Mal interprété

Un plat

Mal assaisonné

Sur YouTube

Des balades

Au haut d’une tour à condos

On écoutait

Pour défier

La morsure du froid.

Tranquille

Fixation vraiment

Sur le bleu

Par les temps qui courent

Des ronds multiples

Dansent

Fond d’arrière-scène

Visage énigmatique

Mystère concentrique

Je tente de me concentrer

Sur nouvelle à écrire

Je n’y parviens pas

À résoudre

Ce qu’il faut éclairer

Dans le texte

Ce que tu dois noter

Dans la clarté de la marge

Ce que je devrai gommer

Réviser

Mise en scène

Mise en bouche

Mise en forme

Voix, mots appris,

Depuis la nuit des temps

Depuis l’enfance

Récités

Comme prière

Comme incantation

Comme réplique au théâtre

Tout recommencer

Tout répéter

Seul l’auteur sait

Le pourquoi de ces lignes

Inutiles

N’ayant de sens

Que pour lui-même

Le lectorat

Comprendra

À sa manière

L’envoûtement du bleu

Pour l’instant,

Je reste là,

Tranquille.

Si floral

Qu’en est-il

De ce bleu

Si floral

Pervenche

Lavande

Si intense

On s’y perdrait

Dans cette forêt

Où feuillage et branches

En un chaos

Apparemment desséché

Dans l’attente

D’une onde chaude,

Voire bouillante

Pour libérer

Effluves et couleurs,

Ici, arômes d’agrume et bleuet

Ça vous dirait du thé ?

Fumant à souhait

Chatouillant les narines

Séduisant les papilles

Qu’en est-il

De ce bleu

Si floral ?

À même la neige

Feuille-chene

Feuille

Récolte tardive

À même la neige

L’écureuil et le lièvre

Évitèrent

La dentelle végétale

Ajourée

Ciselée

Sève transformée en cuivre

Nul doute

Qu’une main finirait

Bien

Par la ramasser

Nostalgie du poète

Visualisant

Les fleurs

Sous couvert glacé

Des traces, des pistes

Indices

De la corneille

Passée par là

Pour déguster les restes

D’un merle

Un temps prisonnier sous les serres

D’une buse

Mort assurée

De leurs becs montaient

Des notes de cornemuse

Feuille

Récolte tardive

À même la neige

Le poète vous écrira

Sous peu

Des histoires divertissantes

Pour que cela vous amuse.