Le train était vide
Mais ma tête trop pleine
De soucis
Artificiels ou vrais
Qui sait
Deux outardes
Deux colverts
Sur la rive
Dans les wagons
Aucune âme qui vive
Sauf l’esseulé
Le grand dadais
Une fois parvenu
Gare centrale
Quelques clodos
Un vendeur de café
De thés aromatisés
Un agent de sécurité
Qui surveillait
Quoi et qui au juste
Puis corridor
Je m’endors
Il pleut
Lumière bleue
Dehors
Direction métro
Quelques clodos
À qui j’offre
L’ivresse
De l’orangé de mes clémentines
Puis je monte
En surface
Il pleut
Semelle fendillée
Pied gauche mouillé
Prévisible comme ce printemps frisquet
Je me répète semelle fendillée
Non, ce n’est jamais
Mes lèvres qui le sont
Jusqu’aux oreilles
Le sort de l’humanité
Me pèse
Trop
Pour me donner aux facéties
De l’humour
Car trop d’amour
Me font courber les épaules
D’ailleurs, pour celles des autres
Si rares sont-ils
Elles circulent à deux mètres
Consigne réglementaire
Dans la ville
Je vais fébrile
D’arriver à destination
Vite le savon
Les vingt secondes
Je les compte
Avant le café
Et un brin de comptabilité
Vingt, dix-neuf, dix-huit
Dix-sept, seize
Quinze, quatorze
Treize
Douze, onze
Dix, neuf
Huit, sept
Six, cinq
Quatre, trois
Deux, un
Zéro.
© Photos, texte, Denis Morin, 2020