La clairière

ClairièreMtl130919

Il est de ces balades

Inoubliables

De ces trouvailles inattendues

On tourne la tête

On papote

On fouille dans un sac

À la recherche de bonbons,

De pastilles en papillote

Oh ! Surprise !

De la cité aux masses immenses

Une clairière surgit

Là où on ne s’y attendait pas

La clarté diurne passe au travers,

Tout comme les nuées,

La fumée,

Les propos entendus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Le verre ambré

VitrailAmbreHB

Les passagers entrent

Le pas pressé

En silence

Malgré les bousculades

Dans ce temple

De la modernité,

Lieu de vie

Et mode de transport

Les passagers sont fatigués

Et la journée au travail

N’est même pas commencée

Ça promet

Au prochain arrêt

Remarquez à la sortie

Une sculpture

En bronze

Ou en verrière colorée

Justement,

Voyez ici ce verre ambré,

Touche chaleureuse

Dans ce lieu emprunté

Par les passagers anonymes

Contre la paroi

Au-dessus des rails

Balayage du regard

Des passagers blasés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Le bruissement des feuilles

Monarque

Avant la migration,

Les premiers gels

Le papillon monarque

Se délectait du nectar

De corolles colorées

Tout y passait

Le mauve, le bleu,

Le rouge, le jaune

Le bruissement des feuilles

Ramenait l’insecte

Qui se délectait

Avant son départ

Vers le sud

À la logistique

De l’envol

Partirait-il seul

Ou avec ses congénères

En un nuage cuivré

Défiant les vents

Les averses soudaines

Qui plombent les ailes…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Le rouge

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J’ai vu dans ce rouge

L’Angleterre

La tête d’Anne Boleyn

Coupée au col,

Puis la chevelure d’Elisabeth, sa fille, enflammée

 

J’ai vu dans ce feuillage panaché

Un élan

Freiné par une meute de loups affamés

Sur le pourtour d’un hiver

Aux confins de la forêt

 

J’ai vu dans ce rouge

L’habit d’un soldat anglo-écossais

Je l’avais baptisé James

Il avait dessiné son visage sur une vitre embuée

Il hantait en douce ma maison

 

J’ai vu dans ce rouge

Les splendeurs de Byzance

Rome en feu sous Néron

Les sols du Nord en fonte

Et Greta telle une Jeanne d’Arc

 

J’ai vu dans ce rouge

Ta peur en sortant du Bataclan

Ta ferveur face à Notre-Dame en fumée

Ta volonté de vivre en paix

Malgré les rumeurs de guerre.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Qui porte qui ?

Que faites-vous

Des moments passés ensemble

En classe,

Au studio

Pareils à nos danses

Transmises par des académies

 

Je vous cause

Et je revois encore vos ronds de jambe,

Vos bras allongés

Vos sauts aériens

Votre pied gauche pointé

Votre corps qui se contorsionne

Pour me livrer une histoire

Ou des interprétations multiples,

Reste à savoir

Qui possède un imaginaire débordant,

Fertile,

Féerique,

Métaphysique

 

Qui porte qui

L’homme ou sa partenaire en transe

Qui emporte qui

Les danseurs en sueurs

Ou le spectateur chamboulé

De l’intérieur.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

 

 

Éperdument

Éperdument

On s’aime

On se déteste

On se balance

Des injures

À la figure

Éperdument

À coups de mots-torture

Mon ordure

 

Éperdument

Tu ne perds rien pour attendre

Attendre quoi au fond

Si ce n’est la défaite

La déconfiture

Éperdument

Tout était écrit d’avance

Histoire banale

Plus de cartes postales

À envoyer comme preuves

De sentiments illusoires

Aux amis et à nos familles

Maintenant que c’est la bisbille

Et que la bisbille dure

Il pleut des hallebardes

Je t’avais prévenu.e

 

Bof, tu t’en fous

Éperdument.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Ne pas, ne plus…

Ne pas…

Médire, il/elle est parti.e

Trop cuire le rôti

Saisir ce vase

Juste l’idée de le fracasser

 

Plutôt

Attraper la clarté

Si discrète en octobre

L’hiver viendra trop vite

Dis-tu / Disais-tu

Je ne sais plus

Où nous en sommes / où nous en étions

 

L’écho des disparus

Frappe ma mémoire

Ne plus (s’)échapper

Comme un visage estompé

Ne pas oublier

Oui, polir l’argenterie

Relire les lettres

De nos amours (in)fidèles.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Entre chien et loup

Jongler avec les (in)certitudes

Comme si elles étaient des quilles,

Des balles colorées

Allant du plus clair au plus sombre

 

(S’)incliner la tête

L’arbre sait ployer une branche ou deux

Laissant filer le vent, l’oiseau, la pluie drue

S’envole la casquette

 

Puis entre chien et loup

Penser à rentrer au chaud à la maison

Ou bien rêvasser dans un café du Plateau

Entre deux chapitres à écrire

Entre deux livres lus, deux recensions.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Le bal musette

AvionExo

Que l’on habite

Une banlieue

L’un de ces lieux

Dont on part

Et où on revient

Par RER

Métro

Bus

On rêve toujours

D’ailleurs

Il nous faut partir

Vers le point B d’une carte

Pour comprendre

Pour entendre

La voix de sa mère

Dire qu’on est bien ici

N’excluons pas

Le facteur et ses cartes postales

Plus sympa tout de même

Que des factures papier

Ou en version électronique

N’excluons pas

La rêverie

Qui gomme

Le temps d’une rose

Les conneries

Les coups bas

La trahison

Oui, chante-moi une chanson

Du style

Padam, padam, padam

Pour que mes yeux

Quittent le macadam

Pour transformer la routine

En bal musette.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Notre petitesse dans l’univers

Baleine

Baleine échouée

Taureau de corrida

Saigné à blanc

Personne au banc

Des accusés

Épave

Rien de trop grave

Retournez à Netflix

Forêt en miniature

Fragment de nature

Le lichen s’agrippe

Encore

À l’écorce, sa monture

Actualités en déconfiture

On prédit une guerre

Le cours de l’or

À la hausse

Les hydrocarbures

Auquel on devra renoncer

Dauphin retourné

À la mer

Celui-là aura échappé

Au massacre

Des militants sur une place

Rappel de notre petitesse

Dans l’univers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Prière de ne pas déranger

Chêne automne

Ce siècle sera-t-il

Essentiel

Ou futile

À la bonne course des étoiles

Et de l’humanité

Sommes-nous

Parvenus

Au bronze, à l’argent

À l’or

Or, devrions-nous être

Indifférents

À cette course à l’argent

Au blé

Qui flambe

Entre le pouce et l’index

Pour que l’on cesse

D’exploiter/D’abuser

De nous entretuer

Ce siècle sera-t-il

Essentiel

Ou futile

Pour l’instant,

Je lève les voiles

Prière de ne pas déranger…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

La tête à l’envers

ParcNicolas-Viel

L’arbre est dans ses feuilles

Comme le chante Zachary

L’arbre est dans un cri

Celui de l’oiseau

Qui cherche où se percher

En attendant la lente croissance

D’une forêt en devenir

L’arbre est dans ton dessin,

Celui de ton enfance

Pourtant pas si lointaine

Où tu glissais en pleine insouciance

Parfois la tête à l’envers…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Les poètes sont des nomades

Poeteetsacs130919

Les poètes sont des nomades

Ils transportent avec eux

Des œufs

De Pâques

Elles transportent avec elles

Des mots pour rendre heureux

Ou pour dénoncer

Les tyrans

Les poètes sont des nomades

Qui jouent et bordent

Les vers de rimes ou non

En fait, les poètes défient

Souvent les conventions

Nul besoin de faire-part

Comme invitation

Puisque les poètes

Sont partout

Chez eux et chez elles

Naviguant entre deux lignes

En marge ou au cœur des villes

Et des villages

Tout leur semble possible

Imaginable

L’inatteignable

N’est qu’un pas de plus

Dans leur imaginaire

Car les poètes sont des nomades…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Les cailloux

La vie trace des cycles

Comme un gamin

Dessine des ronds

Dans l’eau

D’une mare

En lançant des cailloux

Justement façonnés

Par le gel et le dégel

Par les vents et par l’eau

Tout (se) meurt

Puis s’agite

En soubresauts

Puis dans ces ronds concentriques

Se mirent

Le ciel, les oiseaux

Le soleil timide

Face à la témérité de l’enfant

Qui navigue

Entre ses rêves et son avenir

La vie trace des cycles

J’étais hier ce gamin

Et toi, lançais-tu aussi des cailloux ?

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Écriture, il, elle

Il écrivait

Des romans de cape et d’épée

Les mousquetaires

Se battaient

Défendaient

Réparaient l’outrage

 

Elle écrivait

Des romans

À l’eau de rose

Derrière sa tasse

De thé parfumé

Sa devise, la nostalgie

 

Il écrit

Maintenant

Des poèmes,

Des histoires

Sans trop savoir

Où il ira

 

Elle écrit

Depuis hier

Une longue lettre

Débutée par une enluminure

Créée spécialement

Par son fils, le peintre

 

Il écrira

Demain

C’est ce qu’on peut lui souhaiter

Puisse-t-il

Cesser

De douter

 

Elle écrira

Un journal intime

Elle établira sa correspondance

Sa vie étant une saga

Puisse-t-elle

Continuer

Par les mots à s’envoler.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Toujours dit, toujours écrit

Quand ce soleil,

Ce ciel,

Ces nuages,

Cette plage,

Cette mer,

Ces montagnes

Ne seront plus

Je serai de l’autre côté,

Au verso

Des photos

En noir et blanc

Qui s’oxydent

À l’air ambiant,

Couvertes de poussières

 

Quand ta voix

Quand tes cris

Quand tes pleurs

Et tes rires,

Tes supplications,

Tes injures,

Tes murmures,

Ne me rejoindront plus

Je (me) serai

Égaré dans ta pensée

J’aurai laissé une trace

Virtuelle

Ou réelle

Dans une quelconque bibliothèque

Du Québec

Et de France

Je suis d’ici et d’ailleurs

Tu me l’as toujours dit,

Toujours écrit.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Les persiennes

Persiennes130919

Les persiennes

Ont écouté des secrets d’alcôve,

Des recettes de cuisine,

Les adieux des amants,

Les pleurs d’un enfant,

Les souvenirs d’une touriste triste

 

Les persiennes

Ont défié le temps,

Déjoué les modes,

N’en ont fait qu’à leur tête,

S’ouvrant sur le jour,

Retenant les lumières

Du restaurant

Et préservant les visages des invités

Du regard des passants.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La saveur du mois

Lignes rouge et verte

Nos vies défilent

À une vitesse vertigineuse

En Occident

Clics de souris

Claquement de doigts

On se catapulte

Soi-même

Du matin au soir

Lignes de vie

Fuyantes,

Fulgurantes,

Moches,

Éphémères,

Flamboyantes,

Douces-amères,

Sinueuses,

Tordues,

Lisses,

Un jet de shampoing

Sur un panneau-réclame

En fait, qui nous acclame

Quand nous ne sommes plus

La saveur du mois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Amazonie

Pendant que l’Amazonie flambait,

Nous partagions un pichet de bière

Sur la rue Saint-Denis ou sur Mont-Royal…

Pendant qu’il faisait un temps idéal

On ne devait pas se soucier de septembre

Et des obligations sociétales…

Pendant que se tenait la Mostra de Venise

Sur l’Atlantique, une jeune Suédoise traversait

Pour convaincre d’une urgence mondiale…

Pendant que l’Amazonie flambait

À Londres, du Brexit on parlait

Bientôt, il n’y aura plus de carnaval.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Adagio

Une recette

Me ramène les âmes errantes

Les esprits qui se promènent

À contre-jour

Dans ma mémoire

Un aimait le sucré

Une plutôt le salé

Moi, l’amer

 

Une chanson

Me ramène les voix anciennes

Qui fredonnaient

Près d’un berceau

Ou à la cuisine

C’est toujours une pointe

D’amour

Qui m’envahit

 

Un livre

Ouvert

En pleine nuit

J’entends la voix

De l’écrivain

Peinant

À me livrer

Ses confidences, son mal/sa joie de vivre.

 

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le guépard

Immeuble clair-obscur

Ce jour-là

Mon œil fut attiré

Vers cette façade

Hésitant

Entre l’ombre et la lumière

Cela va de soi

Que des nuages

Formaient l’arrière-scène

Et que les rayons solaires

Perçaient où ils le pouvaient

Çà et là

Donnant à l’architecture

Du lieu

Une livrée mouchetée

Le guépard se terrait

Prêt à débusquer

Une gazelle

Un zèbre,

Tous deux perdus

Dans la cité.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Enseigne et ecstasy

Archambault

L’immeuble art déco

A connu ses heures de gloire

On y achetait des partitions

Pour piano classique

Mais aussi des guitares électriques

Les 33-tours en vinyle

Ont laissé place

Aux disques compacts

À l’heure des réseaux sociaux

On écoute des extraits

Au magasin avec un casque

On se dandine

On rêve

On s’évade

Prière de ne pas déranger

Chacun dans sa bulle

L’enseigne délogée

A été de nouveau hissée

On ne peut pas toujours

Reléguer aux oubliettes

Le patrimoine

Vaut plus qu’un rave

Et le mirage de l’ecstasy.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Les madeleines

Fer à cheval

Bicyclettes

Toutes fluettes

Ou robustes

Sur des fers à cheval

Quand on pense

Qu’ils servaient

De semelles

Aux sabots

Des chevaux

Courant, tirant, traînant

Pour les courses

Des charges

Des carrioles

C’était avant le cheval-vapeur

Des moteurs

Ici, un usage moderne

D’une forme assignée

À une autre réalité

Ma pensée et mon oeil aiment beaucoup

Les madeleines

Tout autant que Proust

Avec un bon thé parfumé.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

D’accord, je me tais

Fougère

Je ne l’ai

Ni semée

Ni transplantée

Ni regardée

De face

Ou de travers

Elle a surgi

Au sortir de l’hiver

Au pied du chêne

Tout aussi surpris

Que moi de sa venue

Le vent s’en est chargé

Sans aucun doute

Sinon des spores

Ont adhéré

Un jardin plus loin

Aux ailes d’un oiseau

Survolant le bassin d’eau

Puis se sont détachées

Des plumes,

Je t’imagine très bien

En train d’écrire

Ton roman

Avec une plume-fougère

Évoluant entre le pouce

Et l’index

D’accord, je me tais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Le chien et mes regrets

Lierre

Ma théière refroidie

Plutôt son contenu

A ruisselé

Abreuvant ainsi

Le lierre

Hier,

Devrais-je écrire

Hier encore

Elles n’étaient que des pousses

Rentrées

À temps

Juste avant

L’hiver

Elles ont pris racine

Se sont déployées

Couvrant une colonne de plâtre

Et le dossier d’un fauteuil

Où vont dormir

Le chien et mes regrets.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Céleste

NuagesHB

Parti le sfumato

Du peintre et génie

Qui dort à Amboise,

Loin de nous

L’humour de Magritte

Et son surréalisme

Gommées les cages suspendues

 

Au jardin céleste

Planent les oiseaux

Et les rêves

Et vos disparus

Puis s’évadent les clichés

Et les anges

S’invitent mes quêtes

D’absolu

Depuis longtemps inassouvies

 

Saviez-vous

Que la gouvernante et confidente

De l’auteur d’À la recherche du temps perdu

Se prénommait Céleste ?

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La main gantée

Doigts-arbre

En contemplant cet arbre,

J’y ai vu une main

Et des doigts larges

Comme des troncs d’arbre,

Singulière métaphore

 

Là, une paume ouverte

Soutenant

Avec un effort titanesque

Le temps qui passe

Et qui fissure

Tôt ou tard

Les fibres de notre être

 

L’écorce

Rugueuse

Se glisse

Sur le bois

À la manière

D’un gant

Muni d’écailles

Pas de torture

Pour concevoir

Une telle pièce

De vêtement.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Du plus bel envol

Je dis

Tu émets l’hypothèse

Il doute

Elle revendique

Nous déclarons

Vous invoquez l’article

Ils pensent que ce texte

S’avère absurde

De baisser les bras si vite

De balancer le torchon

Sans décrire le moindre cercle

Sur le carreau

Elles sont du même avis

J’écris

Tu me mets mal à l’aise

Ou tu me réjouis

Il se calme

Elle exulte

Nous retroussons nos manches

Vous aimez sa robe bleu pervenche

Nous aussi

Reprenons la route

Repartons de nos doutes

Aujourd’hui, faisons de notre mieux

Demain, nos lignes de vie

S’animeront

Du plus bel envol.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Verte chenille et cassis

Chenille-cassis

C’est la mi-août

Cueillette de baies

Au jardin,

Le cassis est mûr

On rêve à la confiture

Ou aux tartes

Par anticipation

On s’en délecte

Nul doute

Que cela tournera

En souvenirs

L’été se résume en saveurs…

Fraise, framboise,

Bleuet, cassis

Après la cueillette

Le poète

Pense aux papillons

Quand apparaît une verte chenille

Il la photographie

Parmi les baies

Avant de la déposer

Sur feuille de vigne

Elle sera passée ainsi du potager

À la tonnelle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Ancrage

Racine

La racine

Enfouie

En majeure partie

Sous terre

S’imagine

N’être rien

Qui vaille

Pourtant, elle abreuve

L’arbre

Le nourrit

Le retient

Au sol

Ancrage végétal

 

La racine

Soutient l’arbre

Et cherche la source

Et les nutriments

Elle ne sait mentir

Et va son chemin

Sinueuse

Noueuse

Fibreuse

Souvent en courbes

Telle une bretelle d’accès.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

L’îlot

Ilot

Cet îlot

Au milieu de nulle part

Unique parmi les îles

Sur cette rivière

En comptant mille

Ou presque…

Doit abriter un héron gris,

Un couple d’outardes

Et des corneilles

 

Cet îlot

M’est apparu

Longeant à pied

Traversant une autre rivière

À proximité d’un cimetière

Où dorment les gens d’avant

 

Cet îlot

Si discret

Passe inaperçu

Quand on file à toute allure

Devant l’église

Et l’ancien presbytère

Et l’ancien couvent

Transformé en mairie

 

Je me réjouis

À la vue de cet îlot

Émanant des eaux.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Une ligne rose

Vit-on à l’ombre de quelqu’un

Comme une fougère

Pousse à l’ombre d’un chêne

Comme les jeunes filles en fleurs

D’un certain Marcel

 

Vit-on dans l’ombre de quelqu’un

Comme des artistes en devenir

Admirent

Respirent

Les chansons

La poésie

Des grands qui ont arpenté les planches

Des théâtres d’ici et d’ailleurs

 

Mène-t-on nos vies en parallèle

Tels les trains de Termini

Qui filent vers les banlieues

Et les autres villes d’Italie

 

Prolonge ta ligne bleue

Tant que tu veux

Fais-toi tatouer

Une ligne rose

Si tu veux

Dis ce que tu veux

Cela ne changera rien ou si peu

Aux déclarations de l’Académie française

À l’usage langagier du badaud

Sur un quai à Berri-UQAM

D’autres messages suivront…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

La cigale et les touristes…

Cigale

Cigale immobile

En cette canicule record

Elle ne plaindra plus

Des touristes mal attriqués

Dans les paysages de Provence

Van Gogh, Cézanne et Modigliani

Les auraient fuis

Comme la peste

Du reste,

Ils font tache dans le paysage

Cigale sage

Nous te remercions

Pour avoir su mettre de l’ambiance

En ton honneur,

Je boirai du Pernod,

Tout en lisant Giono.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La rêveuse

Elle lâche

Tellement prise

Qu’elle ne fout rien de sa vie

Le Ciel y pourvoira

On veut bien

Mais que fait-elle

De ses dix doigts ?

 

Elle rêve

Aux aigrettes blanches

À long cou

Des estampes japonaises

Elle ne boit que du thé vert matcha

Elle mène une vie bio certifiée

 

Elle passe

Ses jours en état d’apesanteur

Le consumérisme

Ou le militantisme

Des autres

L’épuise

Moi, elle me trouve trop affairé,

Trop ambitieux

Mais au fond

À petit feu, elle crève

D’ennui

Le cul sur son tatami.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Le piano vert

Fontaine et pianoPiano vert

Là, dans cet ancien village

S’élève une fontaine

En jets d’eau rafraîchissante

Et se dresse un piano public

Pour y jouer de la musique,

Celle qui nous plaît

À entendre

 

Le village d’antan

Fut peint,

Fresque naïve,

Rappel du passé

Conjuration contre le présent

Qui va trop vite

 

Arrêtez-vous le temps de fredonner

Dans tout ce vert,

Réfugiez-vous

Si minime soit le concert

Si brève soit la mélodie.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

À la frontière

Le souffle se retient,

Se quantifie

Se raréfie

Promenade en apnée

Paysages aquatiques,

Hypnotiques

Quel côté de l’onde occupes-tu ?

Le ciel lumineux

Livré aux oiseaux et aux rêveurs

Les eaux

Pour les noyés et les naïades

À chacun sa baignade

À chacun son envolée

Il me semble que tu goûtes

Ton plaisir

À évoluer à la frontière

De deux univers.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

Nature morte

Branche

Nature morte

Branche à la sève vive

Arrachée à un tronc

La nature morte

Consiste normalement

En un plateau de fruits

Et / ou d’un animal chassé,

Le tout saisi

Par l’œil du peintre

Mais dans ce cas-ci

La nature morte

Réside

En la main du con

Qui a détruit

Ce fragment de vie

Sur le point de se dessécher.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Le temps fuit

Terrasse

Sous le feuillage

Ton ombrage

À peine perceptible

Pour qui ne te connaît pas

Mais je te sais là

Assis

Comme autrefois

C’est-à-dire hier

 

Sous le feuillage

Je m’assieds

Évitant la morsure vive

De la lumière

Que je laisse aux plantes,

Aux pierres de rivière,

Aux fleurs

 

Sous le feuillage

La vie me semble mirage

De l’aube au crépuscule

De la tombée de la nuit à l’aube

Le temps fuit.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Ici et là

Au Café Cherrier

Au Café de Flore

Elle texte

Prétexte

Aux aveux

Une maille au bas droit

Un bleu au cœur,

À gauche

 

Rêves de midinette

Starlette

Télé-réalité

Hors studio

Pour qui et pourquoi

Se veut-elle

Si belle

 

Aux yeux,

Croissante nébulosité

Atmosphère

Elle vient de larguer

La première

Honneur sauvé,

Pense-t-elle,

Scénario prévu au contrat,

Signez ici et là.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Renaissance

FicusBenjamina

Ce ficus benjamina

N’était que chicot desséché

Sur le point de passer à la corbeille

Le poète l’a tailladé

Jusqu’au vert tendre

De son tronc,

Il a retiré

Tout le bois mort

Il ne restait que cinq centimètres hors terre

Il l’a bichonné,

Mis en évidence

Sur un coin de céramique désert

Dans la salle d’eau

La lumière,

L’humidité,

L’engrais

Le poète a cru en son arbre

Et l’arbre a crû

Et ne cesse de croître encore…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Trop, jamais assez, encore

SomeReading

Il y a toujours trop de livres, dit-on,

Pour les rêveurs

Les intellos

Les dissidents

Les artistes

 

Il n’y a jamais assez

De poèmes

De déclarations ferventes

D’appels aux réconciliations

Sur les tombes aux chrysanthèmes

 

On souhaite encore

De nouveaux Norman Bethune

De nouvelles Marie Curie

D’effervescents Guillaume Depardieu

D’effervescentes Betty Davis

 

Il y a toujours trop de livres

Il n’y a jamais assez de poèmes

On souhaite encore…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Entre deux brins d’herbe

Geai bleu

Entre deux brins d’herbe

Elle reposait superbe

La plume

Du geai bleu

Magnifique corvidé

Si l’on pouvait évider

Ce bleu et ce noir

D’un quelconque fruit

Les extraire

D’un quelconque regard

Mystère

J’imagine une livrée

Aux reflets moirés

Ou encore une couverture

D’un recueil poétique

Je reste bouche bée

Entre deux brins d’herbe

Elle reposait superbe

La plume

Du geai bleu…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Embrasement

L’espace de l’étreinte

Embrassement

Embrasement

Quel en fut l’élément déclencheur ?

Un sourire

Un parfum

Une goutte de sueur

On ne saurait dire

Exactement

Ni le pourquoi

Ni le comment

Comment

Naît le désir

Pas besoin de décrire

L’itinéraire

Entre le tissu et l’épiderme.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Si j’étais… la fluidité de l’été

 

 

Si j’étais fleur

À tes lèvres

À ton corsage

À ton veston

Si j’étais feuillage

Camouflant

Toute indiscrétion

Toute dérision

Si j’étais brouillard

Si j’étais nénuphar

Si j’étais lys ou pivoine

Quenouille ou hydrangée

Épongeant, absorbant

La fluidité de l’été…

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Le drapé des pétales

Le poète préfère de loin

La compagnie des végétaux

À celle des humains

Parfois si méprisables,

Si détestables

Le monde végétal étale

Sa vitalité,

Ses couleurs,

Ses parfums

En toute gratuité

Le poète savoure de près

Le drapé des pétales

Et la danse des insectes

Venant collecter l’essence

Même de la beauté.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

Le crayon bleu de Prusse

J’ai tant écrit

À l’heure

Où on n’attend plus personne

À l’heure

Où ne sonne le téléphone

Les mots se divisent en syllabes,

En sons, puis j’en deviens aphone

Mon crayon bleu de Prusse Staedtler

Trace et griffonne

Comme musique de fond

Des notes de saxophone

Ou encore une gorgée de thé

Qui m’aide à digérer le mutisme

Dans lequel je suis plongé

J’ai tant écrit

À l’heure…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Narcisse, Juliette et la poète…

Narcisse se contemplait

Dans la glace du gymnase

Les muscles en sueur

Juliette dansait sur la plage

Le mouvement la transportant en extase

Son fils photographe ne tenait pas en place

Une mystérieuse poète écrivait en vers et en prose

Seule, elle rêvait d’un monde meilleur

La rebelle fredonnait parfois La vie en rose

Au fond, apprécions

Du premier, la ténacité

De la deuxième, la grâce

De la troisième, l’audace.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Avec ou sans

Avec ou sans

Amertume

Avec ou sans

Nostalgie

Avec ou sans

Ta présence

Avec ou sans

Ton absence

Avec ou sans

Ton errance

Avec ou sans

Nos jours qui défilent

Avec ou sans

Le goût de te revoir

Avec ou sans

La joie de te ravoir

Avec ou sans

Ta voix

Avec ou sans

Le souvenir

Avec ou sans

Poésie

Avec ou sans

Joie

Avec ou sans

Ténèbres

Avec ou sans

Lumières

Pour me rendre

Chez toi.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Les semelles

Le chat botté

Bat la campagne

Avec ses bottes de mille lieues

Son iris capture déjà

L’horizon bleuté

Et le soleil flamboyant de l’été

Et les brebis célestes

Qui broutent des prés d’azur

 

Des souris grises

Lui passent entre les pattes

À l’heure où il se grise

À coup sûr

Du parfum du trèfle

Et de l’herbe tendre

Collant à ses semelles.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Constamment

Je doute constamment

Malgré mon air frondeur

Mes yeux levés au ciel

Comme en état d’apesanteur

 

Je me questionne constamment

Sur le succès des uns

Sur la déveine des autres

Je me fais spectateur du destin

 

Je dessine constamment

Des points de suspension

À l’image d’idées inachevées,

Œuvres en gestation.

 

Je doute constamment

Et vous ?

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Les amours se déclinent…

Les amours se déclinent

À tous les temps

À tous les modes

 

Les amours se relèvent

Et s’inclinent

Arabesques tracées dans l’air

Et à la surface des eaux

 

On y laisse son cœur

Parfois sa peau

Ça trouble l’esprit

À qui ne sait pas

Freiner la passion

 

Les amours se déclinent

Chocolatées

Au jasmin ou à la rose.

 

Les amours de déclinent

Exaltantes,

Tourmentées

Ou avec un soupçon de spleen.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le rosier grimpant et l’olivier

J’arroserai les plantes

Les petites et les grandes

À l’eau de source

Pas le moindre acide

Ni le moindre calcaire

Apparente neutralité bienfaisante

N’oublie pas de tourner les pots

D’un quart de tour

Favorisant ainsi une juste croissance

Quand j’aurai quitté

Prends bien soin du rosier grimpant

Au jardin

Et de l’olivier grec

À ma fenêtre

Les plantes, tu arroseras…

Peut-être…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

De l’art et du silence

Les gens qui n’écrivent pas ne conçoivent ni ne comprennent qu’il faut du temps et du silence aux artistes pour créer du beau, célébrer le temps qu’il faut et pour métamorphoser l’ordinaire, le moche en quelque chose de grandiose et de fabuleux.

Le poème s’écrit généralement sur une lancée, un souffle, un jeu de mots saisi dans l’air comme on saisit un insecte en vol. Un mot en appelle un autre, tout comme les images se mettent à défiler comme un film devant nos yeux.

Sur un autre registre, le roman exige un travail assidu et davantage de souffle que l’on écrive avec ou sans plan. Je brosse un plan sommaire, mais je laisse les personnages me mener par le bout du nez. Si le poète se fait musicien et chef d’orchestre, le romancier dans mon cas suit ses personnages à la trace comme un loup ou un chien de chasse. Libérez-moi du temps et je saurai vous le rendre en une enfilade de mots pour vous faire rêver.

De plus, mes collègues vous diront qu’ils ont besoin de temps pour répéter une oeuvre musicale, la chanter, la danser ou bien pour peindre un paysage et transposer en couleurs des humeurs.

Par sécurité et conformisme, les gens apprécient les créateurs décédés en chansons, du cinéma, en peinture. Néanmoins, je les invite à encourager les artistes de leur temps. Respectez-les, même si vous ne saisissez pas toujours leur démarche.

Bonne lecture. Bonne visite à la galerie d’art ou bonne découverte du street art de votre quartier. Bonne écoute de la musique actuelle. Soyez curieux et vous rendrez des artistes heureux.

© Texte, Denis Morin, 2019

Le petit prince, le renard et la rose

Le petit prince dit

Cette rose je la veux

En mon jardin

Pour moi seul

 

Le renard lui répond

Cette rose je te la volerai

Pour en faire la joie

De mon museau

Elle sera à moi seul

 

La rose clôt la dispute

Non, mais c’est quoi ces manières !

Laissez-moi être votre amie

Laissez-moi offrir

Aux passants, aux quatre vents,

À la lune,

Au soleil,

À la lumière

Mon parfum et ma beauté !

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Ce poème est, vous vous en serez douté, un clin d’oeil à St-Ex.

Orange sanguine

Sanguine

Orange sanguine

Savoureux fruit

Doux-amer

Jus pourpre

Soleil couchant emprisonné

En des quartiers

Sous zeste

 

Espagne

À peler

À déguster

Salade d’agrume

Cubes de fêta

Sel, poivre

Feuilles de menthe

Si vous en avez

À portée de main

Huile d’olive

En filet

 

C’est ton visage

Qui s’enjolive

D’un sourire

Le contentement

N’est jamais loin

Pour ce fruit

Venu du lointain.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Rouge grenat

Elle marche

La jeune fille en fleur

Portant vase transparent,

Eau translucide,

Regard trop lucide

Justement

Des gerberas

D’un rouge grenat

Complètent la scène

 

Elle marche

La fleuriste

Comme si elle livrait

Une pizza

Sans oignon

Ni anchois

À un bureau

Elle revient

Air livide

Vase vide

 

Bien naïf suis-je

Ayant toujours cru

Que les fleurs

Donnaient de l’éclat

Aux êtres les plus ternes.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Au guet

Le poète livre un combat

Entre ce qu’il dit,

Tait,

Omet

Et ce qu’il dévoile

De lui et des autres

Observateur

Évoluant

En périphérie

Pour mieux plonger

Son regard

Le poète dit tout,

Ne raconte que l’essentiel,

Soit des bribes de lui-même

À quoi bon en dire plus

Je suis fils de taiseux

Avec ma barbe aussi blanche

Que le plumage

D’un harfang des neiges

Au guet.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Achille

Vélo métro HB

Achille se pète le genou

Se masse le tendon

Lance son chapeau

Remonte ses bretelles

Déchire son foulard

Tellement il en a assez

De faire du surplace

Dites les badauds

Que feriez-vous à sa place ?

Madame la mairesse

Se la joue cigale

Pendant que les cols bleus

Se la jouent fourmis

Achille referme son manteau

Met ses crampons

Le printemps saura bien revenir

Tout comme son vélo

Pris dans un étau de glace…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Mise en ligne

Mise en ligne

Des poèmes

Tels des bonbons en vitrine

Pour être lus, relus,

Les commentaires sont bienvenus

Mise en ligne

Pour faire battre des cœurs

Ajouter un brin d’esprit

Sur les réseaux sociaux

Où je perds mon temps

Où je rejoins d’autres solitudes

Tout autour du globe

Mes mots sont fragments de voix,

D’images

le tout est gobé par le flux continu

Une trace de moi

Dort déjà aux archives nationales

À Paris et à Montréal

Trouvez-moi sur YouTube

Vous êtes mes invités,

Lecteurs d’aujourd’hui et de demain.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Instants de grâce

S’est posée la neige

Sur ses paupières

Puis non loin de sa bouche

Étrange fard à joue

Ces cristaux à géométrie variable

Sur le point de fondre

Aux actualités

Des indices boursiers s’effondrent

Laissons là les vanités

Du monde

Et revenons aux instants de grâce

Elle regarde

Les enfants jouer

Ce soir, elle devra étudier

Des partitions de la savante Bénédictine,

Une certaine Hildegarde.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Aujourd’hui

Aujourd’hui

Je suis ici et là

Avec mes doutes

Avec mes dettes

Comme seule certitude

Être présent

Vivant

Vibrant

Au monde,

À l’environnement

J’ai appris à me détourner

Des emmerdeurs

J’ai compris qu’il faut

Me retourner

Sur les splendeurs du quotidien

Mes peurs,

Je les gère

Par les réflexions,

Parfois des prières

Mais surtout,

En gardant le cœur confiant,

Les pieds ancrés au sol

Respirant

À pleins poumons

Ces moments

Qui s’écoulent,

Mélodies,

Envolées de notes

Je me souviens de tes mains

Sur le piano.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La vie des autres

La vie des autres

Se déroule

Dans les romans

En chapitres

En chansons

Dans les télé-réalités

Aux actualités

Dans le match de Paris

Pour les célébrités

Moi, je l’écris en poésie

Dans mes recueils

Je fais des clins d’œil

À Camille Claudel,

À Rodin,

À Barbara, Félix Leclerc

Et les autres

 

De grâce,

Évitez-moi une biographie

Après ma mort

Je m’amuse

En ce présent

À vous raconter

Tant le parcours des saints,

Tant les enjeux créatifs

D’artistes d’hier

Et de maintenant

 

Ouvert, je demeure

Pour accueillir

L’avis des autres.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

De la cloche à la biche

La cloche de grès

Ne porte pas de regrets,

Sons qui s’envolent

 

Gâteau de fête,

Il contient des arômes

Et des mots si doux

 

Sculpture de bois

L’artisan y a gravé

Impressions passées

 

Au jardin de mai

Le lilas j’ai respiré

Envol de l’oiseau

 

Soulier verni

Pas de danse oubliée

Mais lumière luit

 

Pistes sur neige

Lumière dans le sous-bois

Une biche attend

 

 

© Textes, Denis Morin, 2019

À définir

J’aurai des mots de troubadour

Donnant ainsi aux jours

Trop gris

Trop tristounets

Un peu plus d’atours

Comme si les attraits

Du poète

N’étaient ni sa tête

Ni ses yeux

Mais la manière

Dont sa plume

Répand sur une feuille

Écran blanc

La plupart du temps

Des secrets

Espace virtuel

Tout de même concret

Où se livre le combat

Du silence et du dire

Les idées et les dessins

Mots-clefs

Tout reste à confier

Au papier

Tel un visage

Fixant un miroir

En attente d’un sourire,

De soi à soi,

D’un personnage encore

À définir.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

L’équilibriste

Sur un fil de fer,

Il déambulait

L’équilibriste

Sans filet

Sa vie il jouait

Au-dessus de lui

Les vents de la vallée

Et le vol des rapaces

En contrebas,

Le lit d’une rivière

Asséchée

Depuis qu’une société minière

Exploitait cette zone

Sur un fil de fer,

Il traversait

Le monde connu, en arrière

Un monde nouveau, devant lui

Et s’il fallait se défaire

D’une chrysalide

Forgée au cours des années

D’habitudes,

D’apparentes certitudes

Et finalement,

S’envoler

Tel le papillon qu’il était

Vraiment.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Kim Nguyên

Kim Nguyên

Elle est, était, fut

Boat people

Nguyên, patronyme

Hyper commun

Comme Tremblay au Québec

Et Dupont en France

 

Errance

Elle a vogué sa galère

Entre la Mer de Chine

Vancouver, Montréal, Paris et Berlin

Elle n’est pas d’ici

Elle n’est plus d’ailleurs

 

Naturalisée ?

Paralysée

Par les démarches administratives

Et les conventions internationales

 

Apatride

Fait divers des médias

Tache d’encre

Algorithme

Donnée statistique

Pièce d’identité

Futur document d’archives

Kim Nguyên

Elle est, était, fut…

 

© Texte, Denis Morin, 2018

L’enfant-soldat

L’enfant-soldat

S’est vu retirer

Famille et terre

Lui, l’aîné

Pour se faire offrir

Bisbille et guerre

Il joue à sauve qui peut

Son enfance, on la blesse

En guise de jeu

Il tire, il tue

En rêve, il revoit

Sa mère, ses frères

Son père l’a-t-il connu

Fut-il reconnu ?

C’est toujours son oncle maternel

Qui veillait sur eux

Il espère semailles

Boustifaille, paix

Sous la chaleur de l’après-midi

Se ferment ses paupières

Entre deux combats…

Mamadou,

Mamadou,

Tu t’es endormi

La classe est finie

Nous sommes à Montréal

Il est 16 heures et demie.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Souffleurs de vers

Lorraine me glisse à l’oreille

« Les poètes sont des souffleurs de vers »

Elle demeure toujours à la fine pointe

Je lui concède raison

Sans l’ombre d’un doute

J’ajouterai sans gêne

« Les poètes sont des souffleurs de rêves »

Naviguant entre grèves

Si familières

Et paysages interstellaires

Leur vision du monde

Vaut la joie de l’écoute

Vous qui n’écrivez

Jamais rien

Soyez au rendez-vous

De nos mots les plus doux

De nos mots les plus fous

Ainsi va la poésie.

 

© Texte, Denis Morin, sauf citation de Lorraine Lapointe, 2018

 

 

 

Sur la pointe des pieds

Elle marchait

Enfant

Sur la pointe des pieds

Toute discrète

Toute secrète

Ne pas éveiller de soupçons

Eviter le moindre bruit

 

Elle marchait

Toute grande

Dans ses escarpins

Sur la pointe des pieds

Raffinée

Tout aussi secrète

Ainsi, elle menait sa vie

 

Elle marchait

Boulot

Courses

Affaires de famille

Évitant les bisbilles

Elle se voyait marchant sur les eaux

Du lac de Tibériade.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Dans un carnet

Il n’était pas au rendez-vous

Fixé depuis deux semaines

Quelle déveine

On esquisse des pieds et des mains

Dans un carnet

On semble fol

On dessine aussi une clef de sol

Inquiet

Deuxième lapin

Posé, je me résigne

Raté le ciné,

L’exposition au musée

Je serais mieux chez moi

Écoutant Barbara

À m’occuper de mes bouquets

À écrire sur les femmes dans l’art

Qu’à espérer

Un appel d’un abonné absent

Qui n’en vaut plus la peine

Désintérêt

« Garçon, l’addition

S’il vous plaît ! »

 

© Texte, Denis Morin, 2018