Grâces florales

Pivoine du Japon

En blanc

Pivoine tout court

En rose

Le merle et le cardinal

Accourent

Du fond de la cour

Survolent

Les grâces florales

Endimanchées

Je m’incline

Devant tant de beauté

Fasciné

Suis-je

Par l’éphémérité

Dis-je

Hanté

Par la fragilité

Du jour.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

L’inventaire de cieux

FicusBenjamina

Par ce puits

De lumière

Je songe

À un inventaire

De cieux

Rien de bien audacieux

Au moins

Si je marchais

Sur la ligne ténue

Entre le clair

Et l’obscur

Par ce puits

De lumière

Le ficus benjamina

Étale son vert

S’embue parfois

Mon imaginaire

Je ne m’éterniserai pas

En détails

Je livre bataille

Avec le réel

Je ne m’éterniserai pas

En rêveries

J’ai trop à faire,

Trop à écrire.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les arbres s’agitent

Conifères-Laval

Comme tu vois

Les mots repartent

À la conquête du printemps

Comme rivière en débâcle

Comme spectacle

Remis derrière rideaux fermés

À la fin de l’été

Comme tu le sens

Les paroles se libèrent

Sur la place publique

Même si virtuelle

Même si les trains

Sont vides et ponctuels

Comme tu vois

Les arbres

S’agitent

Dans les courants d’air

Pendant qu’on cogite

À la conquête du printemps

Du moins mentalement.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Nature morte

Secondepeau-Chemise

Nature morte

Le soir venu

Le dos rompu

Je me libère

D’une seconde peau

Nature endormie

Quand je clos

Les volets

Et que le lierre

Rêve déjà

Au jour prochain

Nature morte

Quand s’assèche ma prière

Et que pourtant les mots s’éveillent

En écoutant du piano,

Impression de revivre

Demain,

Je me baladerai au jardin

Y pousse le muguet

En dépit du temps frisquet.

 

 

© Texte, photo, Denis Morin, 2020

Ligne après ligne

Roman en devenir

Il y a

En ce jour confiné

Des personnages

En dialogues,

Des ambiances à décrire

Dans un roman à écrire

Il y a

La fluidité des notes

Qui courent sur un clavier

Piano

Une musique intérieure

Aussi à écouter

Il y a

Le silence tout autour

Et les oiseaux dans ma cour

J’écris

Assis

À la cuisine

Je regarde dehors

Mes personnages me ramènent

Ligne après ligne

À leur destinée

Que je dois révéler

Ligne après ligne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Vingt secondes…

 

Le train était vide

Mais ma tête trop pleine

De soucis

Artificiels ou vrais

Qui sait

Deux outardes

Deux colverts

Sur la rive

Dans les wagons

Aucune âme qui vive

Sauf l’esseulé

Le grand dadais

Une fois parvenu

Gare centrale

Quelques clodos

Un vendeur de café

De thés aromatisés

Un agent de sécurité

Qui surveillait

Quoi et qui au juste

Puis corridor

Je m’endors

Il pleut

Lumière bleue

Dehors

Direction métro

Quelques clodos

À qui j’offre

L’ivresse

De l’orangé de mes clémentines

Puis je monte

En surface

Il pleut

Semelle fendillée

Pied gauche mouillé

Prévisible comme ce printemps frisquet

Je me répète semelle fendillée

Non, ce n’est jamais

Mes lèvres qui le sont

Jusqu’aux oreilles

Le sort de l’humanité

Me pèse

Trop

Pour me donner aux facéties

De l’humour

Car trop d’amour

Me font courber les épaules

D’ailleurs, pour celles des autres

Si rares sont-ils

Elles circulent à deux mètres

Consigne réglementaire

Dans la ville

Je vais fébrile

D’arriver à destination

Vite le savon

Les vingt secondes

Je les compte

Avant le café

Et un brin de comptabilité

 

Vingt, dix-neuf, dix-huit

Dix-sept, seize

Quinze, quatorze

Treize

Douze, onze

Dix, neuf

Huit, sept

Six, cinq

Quatre, trois

Deux, un

Zéro.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Bises

LacDMArbres

L’hiver s’en est allé

Ou presque

Le froid commet

Des frasques

On les retourne

À la pelle

Ou du revers

De la main

Se baladent les canards

En bord de lac

Bourgeons et fleurs

Finiront

Par éclore

Pour donner sourire

À la commissure

Des lèvres

Pour donner grâce

À la frontière

Des paupières

Horizon

Proximité

Étreintes reportées

Au calendrier

Ce n’est que partie remise

Courage

Bises.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Quarantaine

Circulez

Circulez

Y a rien à voir

Ou si peu

De piétons

Marchez

Sinon

Une contravention

Ventilez

Évacuez les idées grises

Mais chez vous

Déprime

Ou éclats de rire

Sont à proscrire

Sur la place publique

Détournement

De vos heures

Pour quelques jours

Faites un détour

Circulez

Y a rien à voir

Car le présent…

Ressemble

À une quarantaine.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Perles d’eau

Rosée

Gouttelettes de pluie

S’accrochant

Filet pour la vigne de mai

Miroitement

Perles d’eau

Broderie

D’une fée cristalline

Mars déçoit,

Trop pris à la guerre

Pandémie dans l’air

Je range mes notes

D’impatience je pianote

Sur un clavier

Portée de mots

Plutôt que de notes

La musique se vit en moi

Celle des gouttelettes

Tombant contre le bois

Ruissellement

Neige en fonte

Floraison de pommier

En rêve

Je suis un voyageur en grève

Devant la gravité…

Des actualités.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Le poinsettia

Poinsettia

 

Poinsettia rescapé

Après au moins

Deux Nativités

Il se montre frêle

Cherchant la lumière du dehors

Je lui ai gardé

Sa robe or

Comme élément de décor

Pour ne pas miner son moral

Je lui verse souvent

De la tisane

Du thé

Poinsettia aux rares feuilles

Écarlates

Il tourne plutôt au vert

Je devrai le tailler

En avril ou en mai

Je n’ose me prononcer

Sur sa longévité

Mais je l’aime

En cet aspect indompté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Vers le Haut

GrueCentre-ville

Nous sommes

Nous évoluons

Nos vies parallèles

Nos regards

Obliques

Évités

Face à face

En somme,

Nous évoluons

Dans une mouvance

Constance

Des étoiles

Des itinéraires

Des constellations

Mouvements giratoires

Élévation

Nous sommes

Esprits

Appelés

Vers le Haut

Que l’on le veuille

Ou non

Tandis que le corps

S’enfoncera dans le sol meuble

Sous les immeubles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Autoportrait

Auto-portrait

Autoportrait

Du poète

Quasi anonyme

Se déplaçant

À pied

Ou dans le ventre d’un train

Capteur de rêves ambulant

Il glisse et tombe

Par trois fois en janvier-février

Il note

Il photographie

L’air ambiant

Silencieux de nature

Il se met à parler

Passionnément

Si un sujet l’intéresse

Et pour toute autre question

Veuillez vous adresser

Au bureau des abonnés absents.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Après le tournant…

Lesroses-MétroBeaudry

Se cueillent les roses

Partout

Dans un tableau de maître

Dans un dessin d’atelier

Sur une céramique

Gaffe de l’ouvrier

Du manœuvre

Ravissement

Au-delà de la saleté

Beauté

Juin en hiver

Se cueillent les roses

Partout

Ronsard

Quelque part

Près de Chambord

Dans un poème

Sous une tonnelle

Attention à l’échafaudage

Escalier

Au bout du pied

Après le tournant…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Un parfum

Vue du train

Bruine

Devenue frimas

Perles

Cristaux-frontières

Entre le paysage qui s’effiloche

Et un passager par un matin

Moche

Du moins, le perçoit-il ainsi

Pourtant, lumière

Au rendez-vous

Entre point A et point B

Entre lieu de départ

Et lieu d’arrivée

Surprise dans une boîte de réception

Surprise tel un oiseau qui se pavane

Un parfum dans l’allée

Qui ramène à l’été.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

L’ordre du jour

Arbreetcielrose

Encore et toujours

Un ciel rosé

Un arbre

Une maison

Le tout éclairé

Au petit matin

J’aime autant l’aurore que le crépuscule

Tout cela peut sembler ridicule

On dirait

Cette maison

Édicule

Entrée

Sur jardin céleste

Branches à gravir

Pour atteindre les nuées

Où la félicité est notée

À l’ordre du jour.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Il se fait tard

rueGagnierDM

Il se fait tard

Plus de train

Juste un bus express

Reliant le métro

À une ville de banlieue nord

L’œil fatigué

Et la main qui tremble…

Lampadaires flous,

Fous

Étoiles filantes

Le passager marche

Lentement

Pieds sur glace noire

Crainte de tomber

Fascination

Pour cette lumière jaune

Rehauts éclatants

Sur fond de nuit.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Ma théière

CamSinensis1

Elle sera témoin

Des saisons

De mes brouillons

De mes silences

Elle sera témoin

Des arbres qui s’agitent

Dans la cour

Du cœur qui palpite

Sous le vol des mésanges

Elle sera témoin

De ma déconvenue

De mes rares réussites

Elle sera témoin

Du thé qui s’échappe

En vapeur

En volutes

Ma théière…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Bécaud

Rue Bellevue

Matin

Lever

Tôt

Trop tôt

Mais juste l’heure

Pour goûter ce rosé

À l’iris offert

L’un se dirige

Au boulot

L’autre à l’école

Le jour n’a pas tout à fait

Pris son envol

Moment en équilibre

Sur ma rue

Quittant le seuil

De chez moi

Direction la gare

J’ai un air

À l’esprit

Du Bécaud

Avec son train

Pour quelque part…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Ces chaises

Sculpture-chaises

Les artistes

Auraient pu occuper

Ces chaises

Invitation ratée ou reportée

Les poètes

Auraient pu déclamer

Réclamer

Voix sur place publique

Les musiciens

Auraient pu jouer

Enjouer

Sortez violons, accordéons

Les comédiens

Auraient pu

Vous faire une scène

En cet espace enneigé

Le public

Se terre

Ignare

Dans les abris-bus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Comme tortue…

Boule&bol

Bol à café

Bol à soupe

Bol à pâtes

Renversé

Pour former

La carapace d’une tortue

Sur laquelle le monde

Évolue

En couches multiples

Le poète imagine

Ce que d’autres ne voient pas

Cosmogonie

De cuisine

Vestiges de Chine,

De l’Inde

D’un savoir amérindien

Le poète s’incline

Face aux méridiens

Aux fuseaux horaires

Il bat retraite

Ou va son chemin

Si lentement

Qu’on ne prête guère attention

Aux tortues

En voie de disparition.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Plongée dans l’image

LacDMetlignerose

Du train

Lointain

Confinement

Rêverie

Rien

Si ce n’est…

Juste l’envie

D’une plongée

Dans l’image

Eaux et sel

Eaux et ciel

Ligne rose

Ligne jaune

Accident

Pas prévues au scénario

Le poète

Ne voulait

Que les eaux du lac

Ligne rose

Ligne jaune

Comme si

Les roses dormaient

Sous la neige

Sous les eaux

Sous tout ce gris

Comme si l’objectif

De ma caméra

Sur cellulaire

Cernait plus

Mes paysages intérieurs

Derrière le moche

Toujours une trace

Beauté

Tout réside dans le regard.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre le pourquoi et le comment…

Encre

 

Dans sa tête c’est la tourmente

Le vent qui gonfle les voiles

La maison qui se transporte

Les poètes que l’on déporte

Ces nouvelles notions qu’il faut retenir

Au travail, nouvelle routine

Derrière soi, le spleen

Ces nouveaux visages qui s’apprivoisent

Les mots voyagent tout comme lui

Entre la marche, le train, le métro

Dans sa tête, ce sont les feuillus

Pris au dépourvu

Par l’hiver trop brusque,

Par la cadence soudaine

De la vie moderne

Tout défile, le futur tracé du REM et les paysages

Guère le temps de déguster un sauternes

Ce rythme intense se digère

S’ingère en écrivant des poèmes

Au fil des stations

Entre le dedans et le dehors

Entre le pourquoi et le comment.

 

© Encre tourmentée, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

Effervescence

Mur de pierre

On écrit

Pour exprimer

Sa lourdeur

Sa torpeur

On écrit

Pour des envies

D’effervescence

De bulles qui éclatent

Dans un verre

Sous les poumons

Du souffleur

On écrit

Pour abattre les frontières

Gravir les murs

Qui t’encerclent

Te confinent

On écrit

Pour se dire

Que rien n’est impossible

Pour croire

Aux miracles

Pour la transmutation

Des choses et des êtres

Pour réveiller le meilleur

Gommer ou dénoncer le pire

On écrit

Pour t’ouvrir ma ligne de vie,

Ma ligne de cœur

On écrit

Pendant des heures

Pendant des journées

De ciel gris

Pour aujourd’hui

Pour un futur

Pour des verbes

Qui emmêlent

Faire et être

On écrit

Tout simplement

Parce que la tête

Ne contient plus

La tourmente

Les personnages

Les voix

Les histoires

Les confidences

Les regards

Les plongées en soi

Les remontées vers le dehors

Les vies

On écrit

Sans se prendre la tête

Pour faire la fête

Pour faire table rase

Pour faire la paix

On écrit

Des kilomètres

De mots

Ligne blanche

Pointillé jaune

Bornes

À bas les barrières

J’écris…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entends-moi bien…

Ecorce

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En bruit / en son / en silence

En bénédiction

En mal / en bien

En offense / en pardon

Je reste sur ma faim

Tu restes sur ta fin

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En musique / en louange

En souhaits / en prière

En obstination / en compromis

En bonne entente

Il suffit d’un mot

Tracé sur l’écorce

En des nuances mousse et lichen

Pour que tout se change…

Que les ténèbres cèdent à la lumière

Entends-moi bien…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

 

Il y a décembre…

BoulerougeNoel

Il y a décembre

L’équinoxe prochain

Il y a les cendres

Du foyer à vider

Il y a de l’espoir à revendre

Dans une crèche

Entre le bœuf et l’âne

Sur un lit de paille

Il y a décembre

La joie des uns

La peine des autres

Il y a les bras à tendre

Et les vieilles rancunes

Il y a toi

Il y a moi

Il y a nous, vous, ils, elles

Il y a décembre

Et la magie

Dans nos cœurs

De jours meilleurs

D’aubes nouvelles.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

Gustave Doré

ITHQ

Cavalcade

Bousculade

Soir de kermesse

Pas trop le temps

D’observer la façade

Et ses éclairages

Ses riches coloris

Trajets à effectuer

Traverser les rues

Le temps le tue

À petits feux

Et il le sait

Conscient

Des cheveux blancs

Des kilos en trop

De la surabondance

Des vanités en Occident

Souvent,

Trop souvent

Il lui semble

Ne pas appartenir

À cette époque

Comme s’il s’était

Échappé

D’un livre illustré

Par Gustave Doré.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Sur quel pied danser

Théière de fonte

La théière provenait

Du Japon

De cette extrême limite

Aux abords de l’océan

Elle servait

Pour la décoration

Et pour le thé vert

Aucun autre thé

Ne touchait son intérieur

En fonte

Pour l’instant,

Elle gardait le cœur

Au chaud

Les mains

Du poète

Elle pourrait héberger

Le parfum du thé au jasmin,

Seul compromis possible

Afin de pas altérer les thés subséquents

Elle me voit cuisiner,

Tempêter, fredonner un air

En lavant la vaisselle

Elle ne dit rien

Elle observe,

Elle retient tout

De mes humeurs

Qu’elle m’aide à digérer,

Toujours fidèle au rendez-vous

Elle ne déçoit pas

Elle n’est jamais en retard

Il lui arrive parfois

De me bouder,

Quand je lui préfère un bol de café

Ainsi sont les artistes

On ne sait

Jamais

Sur quel pied danser

Avec eux

Avec elles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Oblivion

J’irai au bout

De la rue

De ta vue

De moi-même

Des aveux freinés

À la frontière de mes lèvres

Endormies

Endolories

Effrayées

De dire l’inavouable,

L’inexcusable,

L’émouvant,

Le beau

Comme si les mots

Ne suffisaient pas

À décrire

Les choses,

Les sentiments,

Les moments,

Le silence,

Comme si ce tango

De Piazzolla,

Oblivion,

Archets glissant sur les cordes d’un violoncelle

Et des altos, des violons,

Cet oubli-néant musical,

Révélait

Ma mélancolie constante.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La vie, c’est comment ?

La vie est dans le mouvement,

Dans le voyage

Dans l’errance

Dans le cycle des saisons

Dans tes rides

Se dessinant

Sur ton front

Au coin de tes yeux

À la commissure de tes lèvres

 

La vie est dans l’instant

Selon les moines et les philosophes

Hier, c’était ta main

Laissée

Que je ne peux rattraper

Demain, c’est une illusion,

Un mirage

Une fête à laquelle nous ne sommes pas encore

Conviés

 

La vie est dans le mouvement

La vie est dans l’instant

Selon toi, la vie, c’est comment ?

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Les histoires…

Les histoires de succès

Et d’échec

Se croisent

Sur les grands boulevards,

Dans les regards hagards

 

Les histoires d’amour

Pour toujours

S’écoutent à la radio

Et en fichiers MP3

Retour en mode pause

Tôt ou tard

 

Les histoires absurdes

Se content sur scène

Est-il obscène

De s’évader par le rire

Quand tout fout le camp

Quand mon voisin se meurt

 

Les histoires à venir

Dorment dans mes cahiers

À la claire fontaine…

Bleu, rouge, noir

Je donnerais ma vie…

Ah ! Devenir

Prévert, Hugo, Flaubert !

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le rouge

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J’ai vu dans ce rouge

L’Angleterre

La tête d’Anne Boleyn

Coupée au col,

Puis la chevelure d’Elisabeth, sa fille, enflammée

 

J’ai vu dans ce feuillage panaché

Un élan

Freiné par une meute de loups affamés

Sur le pourtour d’un hiver

Aux confins de la forêt

 

J’ai vu dans ce rouge

L’habit d’un soldat anglo-écossais

Je l’avais baptisé James

Il avait dessiné son visage sur une vitre embuée

Il hantait en douce ma maison

 

J’ai vu dans ce rouge

Les splendeurs de Byzance

Rome en feu sous Néron

Les sols du Nord en fonte

Et Greta telle une Jeanne d’Arc

 

J’ai vu dans ce rouge

Ta peur en sortant du Bataclan

Ta ferveur face à Notre-Dame en fumée

Ta volonté de vivre en paix

Malgré les rumeurs de guerre.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Notre petitesse dans l’univers

Baleine

Baleine échouée

Taureau de corrida

Saigné à blanc

Personne au banc

Des accusés

Épave

Rien de trop grave

Retournez à Netflix

Forêt en miniature

Fragment de nature

Le lichen s’agrippe

Encore

À l’écorce, sa monture

Actualités en déconfiture

On prédit une guerre

Le cours de l’or

À la hausse

Les hydrocarbures

Auquel on devra renoncer

Dauphin retourné

À la mer

Celui-là aura échappé

Au massacre

Des militants sur une place

Rappel de notre petitesse

Dans l’univers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Prière de ne pas déranger

Chêne automne

Ce siècle sera-t-il

Essentiel

Ou futile

À la bonne course des étoiles

Et de l’humanité

Sommes-nous

Parvenus

Au bronze, à l’argent

À l’or

Or, devrions-nous être

Indifférents

À cette course à l’argent

Au blé

Qui flambe

Entre le pouce et l’index

Pour que l’on cesse

D’exploiter/D’abuser

De nous entretuer

Ce siècle sera-t-il

Essentiel

Ou futile

Pour l’instant,

Je lève les voiles

Prière de ne pas déranger…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Toujours dit, toujours écrit

Quand ce soleil,

Ce ciel,

Ces nuages,

Cette plage,

Cette mer,

Ces montagnes

Ne seront plus

Je serai de l’autre côté,

Au verso

Des photos

En noir et blanc

Qui s’oxydent

À l’air ambiant,

Couvertes de poussières

 

Quand ta voix

Quand tes cris

Quand tes pleurs

Et tes rires,

Tes supplications,

Tes injures,

Tes murmures,

Ne me rejoindront plus

Je (me) serai

Égaré dans ta pensée

J’aurai laissé une trace

Virtuelle

Ou réelle

Dans une quelconque bibliothèque

Du Québec

Et de France

Je suis d’ici et d’ailleurs

Tu me l’as toujours dit,

Toujours écrit.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

J’en ai marre

Lunatique

Lune à tiques

Tu as des tics

Vous agissez

En fonction de vos tocs

On cogne à la porte

Ça le désarme,

Le déstabilise

On le ridiculise,

Pense-t-il

Les feux sont-ils

Éteints au Brésil

Dis-moi

Parle-moi

De choses insipides

Comme la tenue d’une comédienne

À un gala

Comme les séances de maquillage

En ligne

On se place en deux files,

Les petits en avant

Les plus grands en arrière

En fait, devant qui

Doit-on s’incliner

Plier l’échine

Des cétacés se font égorger

Chaque année

Aux îles Féroé

J’en ai

Juste marre des imbéciles.

 

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La saveur du mois

Lignes rouge et verte

Nos vies défilent

À une vitesse vertigineuse

En Occident

Clics de souris

Claquement de doigts

On se catapulte

Soi-même

Du matin au soir

Lignes de vie

Fuyantes,

Fulgurantes,

Moches,

Éphémères,

Flamboyantes,

Douces-amères,

Sinueuses,

Tordues,

Lisses,

Un jet de shampoing

Sur un panneau-réclame

En fait, qui nous acclame

Quand nous ne sommes plus

La saveur du mois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Amazonie

Pendant que l’Amazonie flambait,

Nous partagions un pichet de bière

Sur la rue Saint-Denis ou sur Mont-Royal…

Pendant qu’il faisait un temps idéal

On ne devait pas se soucier de septembre

Et des obligations sociétales…

Pendant que se tenait la Mostra de Venise

Sur l’Atlantique, une jeune Suédoise traversait

Pour convaincre d’une urgence mondiale…

Pendant que l’Amazonie flambait

À Londres, du Brexit on parlait

Bientôt, il n’y aura plus de carnaval.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Du plus bel envol

Je dis

Tu émets l’hypothèse

Il doute

Elle revendique

Nous déclarons

Vous invoquez l’article

Ils pensent que ce texte

S’avère absurde

De baisser les bras si vite

De balancer le torchon

Sans décrire le moindre cercle

Sur le carreau

Elles sont du même avis

J’écris

Tu me mets mal à l’aise

Ou tu me réjouis

Il se calme

Elle exulte

Nous retroussons nos manches

Vous aimez sa robe bleu pervenche

Nous aussi

Reprenons la route

Repartons de nos doutes

Aujourd’hui, faisons de notre mieux

Demain, nos lignes de vie

S’animeront

Du plus bel envol.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

La rêveuse

Elle lâche

Tellement prise

Qu’elle ne fout rien de sa vie

Le Ciel y pourvoira

On veut bien

Mais que fait-elle

De ses dix doigts ?

 

Elle rêve

Aux aigrettes blanches

À long cou

Des estampes japonaises

Elle ne boit que du thé vert matcha

Elle mène une vie bio certifiée

 

Elle passe

Ses jours en état d’apesanteur

Le consumérisme

Ou le militantisme

Des autres

L’épuise

Moi, elle me trouve trop affairé,

Trop ambitieux

Mais au fond

À petit feu, elle crève

D’ennui

Le cul sur son tatami.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

Nature morte

Branche

Nature morte

Branche à la sève vive

Arrachée à un tronc

La nature morte

Consiste normalement

En un plateau de fruits

Et / ou d’un animal chassé,

Le tout saisi

Par l’œil du peintre

Mais dans ce cas-ci

La nature morte

Réside

En la main du con

Qui a détruit

Ce fragment de vie

Sur le point de se dessécher.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Renaissance

FicusBenjamina

Ce ficus benjamina

N’était que chicot desséché

Sur le point de passer à la corbeille

Le poète l’a tailladé

Jusqu’au vert tendre

De son tronc,

Il a retiré

Tout le bois mort

Il ne restait que cinq centimètres hors terre

Il l’a bichonné,

Mis en évidence

Sur un coin de céramique désert

Dans la salle d’eau

La lumière,

L’humidité,

L’engrais

Le poète a cru en son arbre

Et l’arbre a crû

Et ne cesse de croître encore…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Trop, jamais assez, encore

SomeReading

Il y a toujours trop de livres, dit-on,

Pour les rêveurs

Les intellos

Les dissidents

Les artistes

 

Il n’y a jamais assez

De poèmes

De déclarations ferventes

D’appels aux réconciliations

Sur les tombes aux chrysanthèmes

 

On souhaite encore

De nouveaux Norman Bethune

De nouvelles Marie Curie

D’effervescents Guillaume Depardieu

D’effervescentes Betty Davis

 

Il y a toujours trop de livres

Il n’y a jamais assez de poèmes

On souhaite encore…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

La dive bouteille

La dive bouteille

Bois de teck

Acheté

Ensemble procuré

Fruit d’une carte de fidélité

La vigne s’y accroche

Moi, je décroche

La dive bouteille t’a tué

À la longue

La vigne finit immanquablement

Par gagner

Voici les araignées rouges se baladant

Sur les fibres fissurées

À 18 h, je sortirai le rosé

En souvenir de ta couperose.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Si j’étais… la fluidité de l’été

 

 

Si j’étais fleur

À tes lèvres

À ton corsage

À ton veston

Si j’étais feuillage

Camouflant

Toute indiscrétion

Toute dérision

Si j’étais brouillard

Si j’étais nénuphar

Si j’étais lys ou pivoine

Quenouille ou hydrangée

Épongeant, absorbant

La fluidité de l’été…

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Le drapé des pétales

Le poète préfère de loin

La compagnie des végétaux

À celle des humains

Parfois si méprisables,

Si détestables

Le monde végétal étale

Sa vitalité,

Ses couleurs,

Ses parfums

En toute gratuité

Le poète savoure de près

Le drapé des pétales

Et la danse des insectes

Venant collecter l’essence

Même de la beauté.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

Et puis après…

Romancier en devenir,

Le poète écrit

Une page par jour

Parfois deux

Quand les mots viennent

Quand le silence englobe

Cocon libérateur

Des pensées de l’auteur

La trame de l’histoire

Dort dans un carnet fleuri

Les grandes lignes sont tracées d’avance

Mais les aléas

Et les coups de gueule

Des personnages qui font maintenant la moue

Et qui provoquent parfois le scribe dans un alinéa

Dans le cahier Clairefontaine

Les gribouillages, les éléments descriptifs

Et les dialogues

Tombent dans le vif

Du sujet

Et puis après…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Avant qu’il ne soit trop tard…

Nous ne serons plus là

Quand le Pont des soupirs

À Venise

Plongera sous les eaux

Des lagunes

Quand Paris intra-muros

Défiera encore la fière Albion

Avec la haute couture

Des digues

Et des tenues de gala

 

Les poètes divaguent,

On le sait bien

Ils se font du cinéma

Réaliste, romantique ou futuriste

On ne les croit pas

 

Pour l’instant, j’ai les pieds dans le sable à Oka

Et toi, à Honfleur,

Tu songes à Marguerite Duras.

 

Et vous, à qui ai-je l’honneur ?

Je tarde à vous connaître…

Avant qu’il ne soit trop tard.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Avec ou sans

Avec ou sans

Amertume

Avec ou sans

Nostalgie

Avec ou sans

Ta présence

Avec ou sans

Ton absence

Avec ou sans

Ton errance

Avec ou sans

Nos jours qui défilent

Avec ou sans

Le goût de te revoir

Avec ou sans

La joie de te ravoir

Avec ou sans

Ta voix

Avec ou sans

Le souvenir

Avec ou sans

Poésie

Avec ou sans

Joie

Avec ou sans

Ténèbres

Avec ou sans

Lumières

Pour me rendre

Chez toi.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Constamment

Je doute constamment

Malgré mon air frondeur

Mes yeux levés au ciel

Comme en état d’apesanteur

 

Je me questionne constamment

Sur le succès des uns

Sur la déveine des autres

Je me fais spectateur du destin

 

Je dessine constamment

Des points de suspension

À l’image d’idées inachevées,

Œuvres en gestation.

 

Je doute constamment

Et vous ?

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Les amours se déclinent…

Les amours se déclinent

À tous les temps

À tous les modes

 

Les amours se relèvent

Et s’inclinent

Arabesques tracées dans l’air

Et à la surface des eaux

 

On y laisse son cœur

Parfois sa peau

Ça trouble l’esprit

À qui ne sait pas

Freiner la passion

 

Les amours se déclinent

Chocolatées

Au jasmin ou à la rose.

 

Les amours de déclinent

Exaltantes,

Tourmentées

Ou avec un soupçon de spleen.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le rosier grimpant et l’olivier

J’arroserai les plantes

Les petites et les grandes

À l’eau de source

Pas le moindre acide

Ni le moindre calcaire

Apparente neutralité bienfaisante

N’oublie pas de tourner les pots

D’un quart de tour

Favorisant ainsi une juste croissance

Quand j’aurai quitté

Prends bien soin du rosier grimpant

Au jardin

Et de l’olivier grec

À ma fenêtre

Les plantes, tu arroseras…

Peut-être…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Silencieuse samba

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Le vingt mars

Au soir

Pourtant, de mon observatoire

Je constate

Le retard du printemps

Neige au sol

Pas de parasol

En vue

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Reportons à plus tard

Coupe de rosé

Ou de sangria

Silencieuse samba

Le vent est froid

Sous la tonnelle…

Tonnelle

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Au guet

Le poète livre un combat

Entre ce qu’il dit,

Tait,

Omet

Et ce qu’il dévoile

De lui et des autres

Observateur

Évoluant

En périphérie

Pour mieux plonger

Son regard

Le poète dit tout,

Ne raconte que l’essentiel,

Soit des bribes de lui-même

À quoi bon en dire plus

Je suis fils de taiseux

Avec ma barbe aussi blanche

Que le plumage

D’un harfang des neiges

Au guet.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Achille

Vélo métro HB

Achille se pète le genou

Se masse le tendon

Lance son chapeau

Remonte ses bretelles

Déchire son foulard

Tellement il en a assez

De faire du surplace

Dites les badauds

Que feriez-vous à sa place ?

Madame la mairesse

Se la joue cigale

Pendant que les cols bleus

Se la jouent fourmis

Achille referme son manteau

Met ses crampons

Le printemps saura bien revenir

Tout comme son vélo

Pris dans un étau de glace…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Mise en ligne

Mise en ligne

Des poèmes

Tels des bonbons en vitrine

Pour être lus, relus,

Les commentaires sont bienvenus

Mise en ligne

Pour faire battre des cœurs

Ajouter un brin d’esprit

Sur les réseaux sociaux

Où je perds mon temps

Où je rejoins d’autres solitudes

Tout autour du globe

Mes mots sont fragments de voix,

D’images

le tout est gobé par le flux continu

Une trace de moi

Dort déjà aux archives nationales

À Paris et à Montréal

Trouvez-moi sur YouTube

Vous êtes mes invités,

Lecteurs d’aujourd’hui et de demain.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Aujourd’hui

Aujourd’hui

Je suis ici et là

Avec mes doutes

Avec mes dettes

Comme seule certitude

Être présent

Vivant

Vibrant

Au monde,

À l’environnement

J’ai appris à me détourner

Des emmerdeurs

J’ai compris qu’il faut

Me retourner

Sur les splendeurs du quotidien

Mes peurs,

Je les gère

Par les réflexions,

Parfois des prières

Mais surtout,

En gardant le cœur confiant,

Les pieds ancrés au sol

Respirant

À pleins poumons

Ces moments

Qui s’écoulent,

Mélodies,

Envolées de notes

Je me souviens de tes mains

Sur le piano.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

À découvert

Le poète a retrouvé

L’ouïe

À force d’eau saline

Et sous les mains agiles d’un ostéo

Comme la vue se retrouve

La paupière s’ouvre

Et la lumière

Et les sons

Englobent la matière

 

Le poète a découvert

Que lui inspiration lui vient

Tel un songe en équilibre

(Clin d’oeil ici fait à Anne Hébert)

Lors de déplacements

Puisque la vie est dans le mouvement,

Malgré les bruits ambiants

L’inspiration trouve sa voix / sa voie

Dans le mutisme

Du poète

Concentré,

À l’écoute de cette musique intérieure,

Contemplant de nouveaux paysages,

Seul parmi la foule,

Seul parmi d’autres solitudes,

À découvert.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Souffleurs de vers

Lorraine me glisse à l’oreille

« Les poètes sont des souffleurs de vers »

Elle demeure toujours à la fine pointe

Je lui concède raison

Sans l’ombre d’un doute

J’ajouterai sans gêne

« Les poètes sont des souffleurs de rêves »

Naviguant entre grèves

Si familières

Et paysages interstellaires

Leur vision du monde

Vaut la joie de l’écoute

Vous qui n’écrivez

Jamais rien

Soyez au rendez-vous

De nos mots les plus doux

De nos mots les plus fous

Ainsi va la poésie.

 

© Texte, Denis Morin, sauf citation de Lorraine Lapointe, 2018

 

 

 

Dans un carnet

Il n’était pas au rendez-vous

Fixé depuis deux semaines

Quelle déveine

On esquisse des pieds et des mains

Dans un carnet

On semble fol

On dessine aussi une clef de sol

Inquiet

Deuxième lapin

Posé, je me résigne

Raté le ciné,

L’exposition au musée

Je serais mieux chez moi

Écoutant Barbara

À m’occuper de mes bouquets

À écrire sur les femmes dans l’art

Qu’à espérer

Un appel d’un abonné absent

Qui n’en vaut plus la peine

Désintérêt

« Garçon, l’addition

S’il vous plaît ! »

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Sans aucune rancune

Elle me disait

Têtu, obstiné

Trop dans le mental

Trop dans l’ego

Elle me prodiguait

Des conseils sur les arts et la vie

Par je ne sais trop quel hasard

Ces conseils, elle ne se les appliquait

Pas à elle-même

Je la trouvais talentueuse, brillante

Comme une lanterne sous le boisseau

Flemmarde

Intuitive

Un brin vaniteuse

Elle jouait trop peu du clavier

De l’ordinateur et du piano

Les mots et les notes

Toujours remis à demain

Selon elle, je la méprisais

Pour ma part, ce n’était pas le cas

Je voulais secouer son immobilisme

Avant qu’il ne fût trop tard

Elle en eut marre

Que je lui rappelle

Le fait que n’écrire

Juste par temps inspirés

Par le Ciel ou autres bonnes ondées

Sur le moment, on est bien

Ancré dans le présent

Mais cela ne mène à rien

Sinon qu’à des regrets

De passer à côté de ses talents

Le sablier et l’hiver poussent sur les feuilles

Rageurs, nous nous sommes bloqués

Ici et là, tant dans le réel que sur les réseaux virtuels

Bon vent !

Que la Vie soit sa muse

Je m’en retourne

Justement à mon secrétaire

Mon clavier me tient meilleure compagnie

Tout ceci est écrit sans aucune rancune.

 

Ton piano

Ton souffle parti

Le piano est sorti

De la maison

En présence de tes fils

Tes cendres dorment

Entre tes livres, au salon

Puis d’autres mains

Joueront dès maintenant

Tes partitions,

Chansons de Félix Leclerc,

Partitions de Bach

Après deux ans de deuil

C’est moi qui prépare à présent

Ta soupe saupoudrée de cerfeuil.

 

Le matin

Le matin. En passant.

Rame de métro. Où sont les oiseaux ?  Ils dansent en notes sur MP3 et sur des cellulaires.

Je n’ose regarder les passagers.  Prison de verre et de plastique.  Wagon, tunnel.  Message inaudible à la clientèle.  Certains dorment, baillent, lisent, se lèvent, tiennent à peine debout.

Sortie quatre stations plus loin.  Bousculade d’étudiants.  Dictionnaire à peine acheté, dictionnaire à peine échappé sur les rails.  Interruption de service.  Je n’y suis pour rien ou si peu. « Non, rien de rien… » qu’elle chantait la Piaf.  Elle dort au Père Lachaise.

Prenez donc une bûche et venez me jaser un brin le matin.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Le parcours de l’artiste

L’artiste vit son parcours

Il inspire l’affection,

La haine ou l’indifférence

Il est ce qu’il est

Il crée, parfois il fait la récréation

Pour le peuple

Ou il éveille les consciences

 

Après son trépas

Le notaire et les ayants droit entrent dans la danse

Question de blé et de fiscalité

Formalités, vous dirais-je

 

L’artiste vit ses beaux jours

Il écrit, crée, crie, décrit

Peint,  danse, filme, pianote, chante,

Tournoie sur lui-même

Et dans son mouvement giratoire,

Veut toucher l’autre

 

Il est capté par le désespoir

La planète tel un navire qui coule

Il doit penser à émouvoir

Si l’ombre d’un journaliste lui tend un micro

Puis à se vendre

Sur les réseaux sociaux,

Promotion oblige

 

L’artiste s’époumone

À chercher la lumière du projecteur

Sur soi

Souvent, ça ne vient pas

Les lampes sont éteintes

Les regards sont détournés

Et l’artiste s’en retourne

À son silence,

À sa tanière

 

Circulez, circulez, les citoyens

Y a rien à voir

 

L’artiste sait qu’il vivra

À titre posthume

Émotion dans la voix

Non, je n’ai pas le rhume

Par ses œuvres

Par l’amour ou son contraire

Qu’on lui vouait

 

S’il est né sous une bonne étoile

Son nom sera dans le Robert

On aura des pistes de recherche

Aux archives nationales

Ou dans une vieille malle familiale.

 

Quant à moi,

Je lirai ma poésie

J’animerai des ateliers

Et j’écrirai des billets tel celui-ci

Comme autant de bouteilles…

Un homme à la mer !

 

© texte, Denis Morin, 2018