William et Nelly

Rue Pierce, centre-ville, Mtl

Petite maisonnette

À portes jumelles

Au cœur de la ville

Façade anglo-écossaise

En pierre couleur sable

Corniches, fronton

D’une même teinte délavée

Par les ans et la pluie

Sans négliger du regard

L’ardoise gris souris

Plutôt à la française

Le toit plat, innovation victorienne

Mur latéral en briques brunes

Nulle place pour jardinet

Le charbon livré autrefois

À l’arrière

Ou bien par le portillon anthracite

Sur le côté

Imaginons un pianiste

Prénommé William

Ayant pour voisine une écrivaine

Baptisée Nelly

Se souriant parfois

Et s’invitant rarement

Pour le thé,

Celui de 5 heures

Ou pour un verre de xérès

En soirée

Était-ce la gêne ou par souci

Des convenances,

Frein à l’expression d’une passion

Que l’on percevait

Certains soirs

Où William jouait Brahms ou Chopin

Où Nelly déclamait sa poésie

Fenêtre ouverte

Par la joie secrète du pianiste

Depuis le piano s’est tu

Les partitions ont jauni

Dans l’armoire d’un cousin amnésique

Les livres ont terminé

Leurs courses

J’ose l’espérer

En un quelconque fonds d’archives

Et non pas consumer

Dans l’âtre du salon

Par un nouveau propriétaire

Épris de déco contemporaine

Ayant envoyé valser

Les charmes vieillots d’hier

Comme seule évasion maintenant,

Un immeuble à paroi de verre

Où se mire le ciel

Pierre tombale moderne

Pour oiseaux désorientés

Par les rumeurs de l’été.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Castle Building avec vue sur la ville

Castle Building

Il n’a

Ni l’allure d’un hôtel

Quatre étoiles

Ni celle d’un château

Surplombant une forteresse

Et entouré de douves

Au passé, les ponts-levis

L’immeuble en briques brunes

Aurait passé pour une ancienne

Manufacture ou ruche à comptables

Alignés derrière leurs bureaux

Imaginons derrière

La paroi anonyme ou presque

Un restaurant végétarien

Une bibliothèque

Une salle de cinéma

Pour diffusion de documentaires

Ou de lectures publiques de poésie

Avec vue sur la ville.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le clocheton

Tour et clocher-CHUM

L’architecture

En panneaux de verre

A absorbé

Un clocheton

Tout en pierres

De taille

Maintenant David

Contre

Goliath

S’est tu l’airain

Furent ravalées

Les prières

En nos fors intérieurs

La pluie

La neige

La grêle

Heurtent

Érodent

Les surfaces

Mais qui s’en émeut

Gommé le parvis

Vite une rame de métro

Nous convie à un autre tempo

Pendant ce temps,

Psalmodie

En quelque verte campagne

En quelconque monastère.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Marcelle F.

Marcelle

Dès l’enfance

Voyait

Monde

Environnement

Création

En couleurs vives

En taches lumineuses

Au diable, l’austérité

Sœur d’écrivains et de médecins

Elle fit son chemin

À Québec et à Paris

Borduas n’était pas loin

Par une voie audacieuse,

Elle choisit

La peinture abstraite

Mais surtout le vitrail

Matière concrète

Le verre qui aspire

Les couleurs qui appellent la clarté du jour

Des fulgurances qui resplendissent

En plein midi

Ou qui jouent le phare

Un soir

Où l’on s’était égarés

Entre la vieille vielle

De pierre grises

Et la cité

Composées de tours d’acier

Marcelle

Créait

La vie

Par pigments

Par formes

Sur toiles

Par segments

De verre

Tableaux en vitrail.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Éclipse

Main de lune

Main qui tend

La lune

Main qui la reçoit

L’éclipse

Intentions dans ce partage

Ongles ayant gratté

Le sol terreux

Le ciel assombri

Qui soumet

Qui domine

Aucun jeu de pouvoir

En fait

Dans les gestes tendres

Les lignes

De vie et de cœur

Se mirent

Dans les paumes

Qui s’aimantent

Tout en maintenant

Une distance

Appropriée

Mais l’amour

Accepte-t-il

Cette distanciation

Ce retrait

Cet attrait

De l’absence/présence…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Prière de ne pas déranger

Flou-rueBleury

De jour comme de nuit

La ville apparaît

Si tranquille

De si haut

On croit entendre

Le vent

Au travers des branches

Rideaux tirés

La plupart du temps

Pour estomper le vertige

Pour gommer

L’appel du vide

Vaux mieux s’asseoir

Que de rester debout

L’eau froide rafraîchit

Les idées

Calme les émotions

Il y a

Tant à faire

Tant à écrire

Tant à dire

Chaque envolée lyrique

Chaque décollage poétique

Me rapproche du ciel

Me rapproche du cœur

À la porte de la chambre

Prière de ne pas déranger.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Un écrivain sur la ville

Poètesurlaville

Hier, je jouais

Au jeu

De l’écrivain sur la ville

Isolé dans une chambre

À transcrire

Des mots

De manuscrit à tapuscrit

Hier, je contemplais

La cité et ses vertiges

Les buildings, les voitures,

Le verre allumé

Devant moi

Et en contrebas

Et moi derrière une glace

Pris entre le silence

Et un besoin de plonger

En écriture

Dans mon cahier

Si plein de ratures

Hier, je jouais

Au jeu

Du poète rêveur sur la ville

Ivre de liberté

Il faisait nuit

Qu’importe les pages

À transcrire

Je finirai bien

Par arriver au port.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

L’oiseau libre

LePoète-chanteur

À l’époque

C’était hier

Quarantaine oblige

Un autobus presque vide

Des passagers espacés

L’air hagard

Comme perdus

Dans les actualités

Pourtant soleil

Il faisait

À un mètre

Assis

Un oiseau libre

Un poète chantant

Sous sa livrée colorée

Se foutant éperdument

De l’OMS

Et des autorités

Il proposait

À l’auditoire clairsemé

Des airs de Bécaud

Ça le rendait

Mystérieux

Et beau

L’oiseau libre

Ce poète chantant.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Vingt secondes…

 

Le train était vide

Mais ma tête trop pleine

De soucis

Artificiels ou vrais

Qui sait

Deux outardes

Deux colverts

Sur la rive

Dans les wagons

Aucune âme qui vive

Sauf l’esseulé

Le grand dadais

Une fois parvenu

Gare centrale

Quelques clodos

Un vendeur de café

De thés aromatisés

Un agent de sécurité

Qui surveillait

Quoi et qui au juste

Puis corridor

Je m’endors

Il pleut

Lumière bleue

Dehors

Direction métro

Quelques clodos

À qui j’offre

L’ivresse

De l’orangé de mes clémentines

Puis je monte

En surface

Il pleut

Semelle fendillée

Pied gauche mouillé

Prévisible comme ce printemps frisquet

Je me répète semelle fendillée

Non, ce n’est jamais

Mes lèvres qui le sont

Jusqu’aux oreilles

Le sort de l’humanité

Me pèse

Trop

Pour me donner aux facéties

De l’humour

Car trop d’amour

Me font courber les épaules

D’ailleurs, pour celles des autres

Si rares sont-ils

Elles circulent à deux mètres

Consigne réglementaire

Dans la ville

Je vais fébrile

D’arriver à destination

Vite le savon

Les vingt secondes

Je les compte

Avant le café

Et un brin de comptabilité

 

Vingt, dix-neuf, dix-huit

Dix-sept, seize

Quinze, quatorze

Treize

Douze, onze

Dix, neuf

Huit, sept

Six, cinq

Quatre, trois

Deux, un

Zéro.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Émeraude

Emeraude

Se déniche

L’émeraude

Au sud

Colombie, Brésil

Mais elle se terre

Parfois

Dans une station de métro

Gisement insoupçonné

Qui surgit

Entre deux passagers

Obsédés du sodoku et du cellulaire

Ignorant le mètre de distance

Pourtant, il faut du recul

Pour apprécier

La beauté des choses

Et surtout celle des êtres.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Quarantaine

Circulez

Circulez

Y a rien à voir

Ou si peu

De piétons

Marchez

Sinon

Une contravention

Ventilez

Évacuez les idées grises

Mais chez vous

Déprime

Ou éclats de rire

Sont à proscrire

Sur la place publique

Détournement

De vos heures

Pour quelques jours

Faites un détour

Circulez

Y a rien à voir

Car le présent…

Ressemble

À une quarantaine.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Itinéraires et papillons

Un certain virus

Plane

Sur les ondes

Et les surfaces

On veut bien

Les mains les retenir

De toucher

De caresser

Les forcer

Les contraindre

Au lavage

Vingt secondes

Eau et savon

Nous le savons

Mais je remarque sur le sol

Des itinéraires possibles

Et des papillons tangibles

Qui dansent à nos pieds

Bon confinement.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

 

Hisser les voiles

VoilesRueStMarc

France,

Iles Britanniques,

Les vagues frappaient

La coque

Des bateaux

Longue et lente traversée

Océan mauvais

Jurons des matelots

Vents du large

Laisser famille et pays

Voir devant soi

Avenir et pays

En autant de s’y rendre

À bon port

En autant d’avoir le pied marin

D’humer l’air salin

D’avoir des projets plus grands

Que le passé

Dont on voulut

Se délester

En quittant le port

Des bras familiers

S’agitaient au loin

Sur le quai

Partir

Ne jamais revenir.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Jonction

Les 3 fils

Les trois connexions

Filiformes

Forment

Croisée des chemins

Croix

Frontière imaginaire

Mon collègue rigole

Se fout de moi

Segment de réalité

Transposition

Le blanc pour le jour

Le noir pour la nuit

Le violet pour les fleurs

Que lit-on dans ces fils

Dans ces branchements

Tout peut devenir

Matière à poésie

Tout peut révéler

Un sens

Au-delà des signes immédiats

Suffit

D’y penser

D’éclater

L’objet

Transmutation

Pour dire le temps qu’il fait

Au combiné

À la jonction

De l’appareil et de l’oreille.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Vers le Haut

GrueCentre-ville

Nous sommes

Nous évoluons

Nos vies parallèles

Nos regards

Obliques

Évités

Face à face

En somme,

Nous évoluons

Dans une mouvance

Constance

Des étoiles

Des itinéraires

Des constellations

Mouvements giratoires

Élévation

Nous sommes

Esprits

Appelés

Vers le Haut

Que l’on le veuille

Ou non

Tandis que le corps

S’enfoncera dans le sol meuble

Sous les immeubles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Fulgurance

TunnelGareCentrale

Fulgurance

Effervescence festive

Échappée

Séquence

Code-barre lumineux

Prenez siège

Départ amorcé

Titre en poche

Destination prévisible

Dans les entrailles

Dans un tunnel

Banlieusards

Observant le poète

En quête de photos,

D’effets visuels

Prochain poème en tête

Pardonnez-lui

Car divagation du propos

Diversion.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Les macarons

LesMacaronsGareCentrale

Assis

En une salle des pas perdus

Photo prise

Œil attiré

Par ce que je croyais

Être un pantalon fleuri

Mais on dirait

Des hamburgers

Ou des macarons

Préférons

De loin

Les macarons

Pour le côté festif

De la pâtisserie

Non pas pour la source

De gras saturé

Causant ainsi un retrait

De la grâce

Remarquons

Ces touristes agiles

Encore dépourvus

D’arthrose

Pour la plupart

Suivant un guide

Ou ne voulant pas

Louper un train

Car après tout,

Nous sommes dans une gare

L’auriez-vous oublié…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Plage horaire

PuitsdelumièreLionelGroulx

Clairière

Verrière

Clarté

Imprimé

Sur béton

Travailleurs sur le quai

Heure de pointe

Lumière du dehors

Projetée

Au-dedans

Effet-surprise

Parfois

Poudroiement

Flocons de poussières

Messages insipides

De la société de transport

Dans ce bunker ferroviaire

Air vicié

Ne pensez plus aux huissiers

Ils vous communiqueront…

Plage horaire

Et ampleur de la saisie.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les tourelles

Tours

Abandonnez derrière vous

Les champs

Gens du Perche, du Poitou,

D’Anjou

Hissez les voiles

Filez droit devant

La Nouvelle-France a besoin

De bras,

De ventres,

De têtes pleines de rêves

Abandonnez derrière vous

L’âne et le bœuf fatigués

Par tant de labours

Troquez l’ancien pour le nouveau

Les terres épuisées

Pour des forêts à parcourir

Des terres à défricher

Clairières

À transformer

En parvis d’église

Ou en tourelles

Portez vos canots

Sur vos épaules

Franchissez le continent

Sur des rivières

Entremêlez votre tissage français

Au métissage du fléché

Rangez les voiles

Et les cordages

Vous bâtirez maison.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Buée et fumée

Buée

La buée

S’échappait

Des pores

Des immeubles

Comme l’écume roulant

Sur les flancs d’un poisson

 

La fumée

Était libérée

Par les buildings

En une matinée si froide

Que le givre

Prenait dans la moustache

À l’orée des narines

 

La buée

Recouvrait

Mes verres

La fumée

S’exhalait

De mon souffle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

La belle Victorienne

Maisonverte2

La belle Victorienne

A perdu ses jardins

Son écrin végétal

Héritage architectural

Anglo-irlandais

Elle a mis

Sa robe

D’un vert de gris

Elle tranche

Tel un livre d’époque

Dans une bibliothèque branchée

Beauté

Faisant pignon sur rue

Mystère suranné

Nous passons

Pour les immeubles bétonnés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Après le tournant…

Lesroses-MétroBeaudry

Se cueillent les roses

Partout

Dans un tableau de maître

Dans un dessin d’atelier

Sur une céramique

Gaffe de l’ouvrier

Du manœuvre

Ravissement

Au-delà de la saleté

Beauté

Juin en hiver

Se cueillent les roses

Partout

Ronsard

Quelque part

Près de Chambord

Dans un poème

Sous une tonnelle

Attention à l’échafaudage

Escalier

Au bout du pied

Après le tournant…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Assiéger

Arbre-chaise

La chaise

Finit à l’envers

Sur le tronc

Sur une souche

D’un érable

D’un frêne

Centenaire

Calcul impossible

Des anneaux

Mais on voit bien

Aussi vieux était-il

Que l’immeuble derrière

La chaise

Indique

Fin de récréation

Fin de parloir

Une vie finie, aux rebuts

Économe d’espace

La souche

Et la chaise-siège

Auraient pu finir

Ailleurs

Mobilier possible

Dans une bibliothèque

Vintage déclassé

Courez les soldes

Si tous ces vieux objets

Pouvaient nous assiéger…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Distance

Bonaventure

Tout se meut

Tout se fige

Tout nous émeut

Ou si peu

Selon l’horaire

La cadence

Des arrivées et des départs

Annonce

Message sonore

Lumières vives

Cellulaires ouverts

Appels aux abonnés absents

À eux-mêmes

On se rejoint

Sur le quai

Translucidité des parois

Dureté du béton,

De la brique

Texto

Dureté des mots

Parfois, souvent,

On s’invitera pour un café

Rendu froid

La durée du trajet

Interminable

La distance

Entre les êtres…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Sous bulle de verre

Flocon-rueSte-Catherine

Champ de pissenlit

En janvier

Étoiles de mer égarées

Modernité

Empruntant aux temps anciens

Des symboles

Pour se les approprier

Flocons de neige

Grésil fragmenté

Nos rêves éclatés

En parcelles

Je suis le Petit Poucet

Arpentant la grande ville

Je compte les feux

Je contemple les jeux

De lumières

Pareil à un enfant

Entrant dans un magasin

De confiserie

Le sablier se vide

Et moi je glisse

Avec les grains de sable

Sous bulle de verre.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre le pourquoi et le comment…

Encre

 

Dans sa tête c’est la tourmente

Le vent qui gonfle les voiles

La maison qui se transporte

Les poètes que l’on déporte

Ces nouvelles notions qu’il faut retenir

Au travail, nouvelle routine

Derrière soi, le spleen

Ces nouveaux visages qui s’apprivoisent

Les mots voyagent tout comme lui

Entre la marche, le train, le métro

Dans sa tête, ce sont les feuillus

Pris au dépourvu

Par l’hiver trop brusque,

Par la cadence soudaine

De la vie moderne

Tout défile, le futur tracé du REM et les paysages

Guère le temps de déguster un sauternes

Ce rythme intense se digère

S’ingère en écrivant des poèmes

Au fil des stations

Entre le dedans et le dehors

Entre le pourquoi et le comment.

 

© Encre tourmentée, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

Lierre et scarabée

Le lierre

Grimpe sur le minéral

Il en oublie

L’hiver et ses galères

Le lierre

S’agrippe

À l’orée des panneaux

De verre

Vigne urbaine

Parfois

L’émerveillement

Des passants

Chargés de leurs soucis

De leurs regrets

Est au rendez-vous

Je suis l’un d’eux

Mais il m’arrive

Même dénicher

Les antennes

D’un scarabée

Sur un toit.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Au beau milieu d’une forêt

Rue Cherrier

Le poète était absorbé

Par cette étrange clarté

Dans l’arbre effeuillé

C’était la nuit

Rue Cherrier, coin Saint-Denis

Pourtant,

Tout semblait reluire

Lampadaire suspendu

Derrière le tronc dégarni

Jouant à l’astre endormi

Ses yeux d’enfant

Fixaient

Cet éclat

Comme le loup, le lynx, le cerf

Les lueurs d’un feu

Au beau milieu

D’une forêt.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Les tables muettes

CaféCherrier-2

Café Cherrier

Miroitement d’une fête

Pourtant

Il a si peu la tête

À célébrer

Il en va ainsi

À chaque année

Cela remonte

À son enfance

Cela remonte

À son errance

 

Café Cherrier

Où s’entrechoquent

Les verres

Des artistes

Des mondains

Des p’tits bourgeois

Qui veulent être vus

 

Mais il faisait froid

Ce soir-là

Les lieux étaient déserts

Seuls quelques badauds

S’émerveillaient

Des lumières

Et des reflets colorés

Sur les tables muettes.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Gustave Doré

ITHQ

Cavalcade

Bousculade

Soir de kermesse

Pas trop le temps

D’observer la façade

Et ses éclairages

Ses riches coloris

Trajets à effectuer

Traverser les rues

Le temps le tue

À petits feux

Et il le sait

Conscient

Des cheveux blancs

Des kilos en trop

De la surabondance

Des vanités en Occident

Souvent,

Trop souvent

Il lui semble

Ne pas appartenir

À cette époque

Comme s’il s’était

Échappé

D’un livre illustré

Par Gustave Doré.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La vie, c’est comment ?

La vie est dans le mouvement,

Dans le voyage

Dans l’errance

Dans le cycle des saisons

Dans tes rides

Se dessinant

Sur ton front

Au coin de tes yeux

À la commissure de tes lèvres

 

La vie est dans l’instant

Selon les moines et les philosophes

Hier, c’était ta main

Laissée

Que je ne peux rattraper

Demain, c’est une illusion,

Un mirage

Une fête à laquelle nous ne sommes pas encore

Conviés

 

La vie est dans le mouvement

La vie est dans l’instant

Selon toi, la vie, c’est comment ?

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

La clairière

ClairièreMtl130919

Il est de ces balades

Inoubliables

De ces trouvailles inattendues

On tourne la tête

On papote

On fouille dans un sac

À la recherche de bonbons,

De pastilles en papillote

Oh ! Surprise !

De la cité aux masses immenses

Une clairière surgit

Là où on ne s’y attendait pas

La clarté diurne passe au travers,

Tout comme les nuées,

La fumée,

Les propos entendus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Le verre ambré

VitrailAmbreHB

Les passagers entrent

Le pas pressé

En silence

Malgré les bousculades

Dans ce temple

De la modernité,

Lieu de vie

Et mode de transport

Les passagers sont fatigués

Et la journée au travail

N’est même pas commencée

Ça promet

Au prochain arrêt

Remarquez à la sortie

Une sculpture

En bronze

Ou en verrière colorée

Justement,

Voyez ici ce verre ambré,

Touche chaleureuse

Dans ce lieu emprunté

Par les passagers anonymes

Contre la paroi

Au-dessus des rails

Balayage du regard

Des passagers blasés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

La tête à l’envers

ParcNicolas-Viel

L’arbre est dans ses feuilles

Comme le chante Zachary

L’arbre est dans un cri

Celui de l’oiseau

Qui cherche où se percher

En attendant la lente croissance

D’une forêt en devenir

L’arbre est dans ton dessin,

Celui de ton enfance

Pourtant pas si lointaine

Où tu glissais en pleine insouciance

Parfois la tête à l’envers…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Les poètes sont des nomades

Poeteetsacs130919

Les poètes sont des nomades

Ils transportent avec eux

Des œufs

De Pâques

Elles transportent avec elles

Des mots pour rendre heureux

Ou pour dénoncer

Les tyrans

Les poètes sont des nomades

Qui jouent et bordent

Les vers de rimes ou non

En fait, les poètes défient

Souvent les conventions

Nul besoin de faire-part

Comme invitation

Puisque les poètes

Sont partout

Chez eux et chez elles

Naviguant entre deux lignes

En marge ou au cœur des villes

Et des villages

Tout leur semble possible

Imaginable

L’inatteignable

N’est qu’un pas de plus

Dans leur imaginaire

Car les poètes sont des nomades…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Vidéo lecture  »Dans l’ombre de Félix et Piaf »

Vidéo de la lecture  »Dans l’ombre de Félix et Piaf », du vendredi, le 13 septembre 2019, à la Maison des écrivains et des écrivaines du Québec / UNEQ
conception vidéo : Lorraine Lapointe
photos : Joseph McNamara
musique baroque, Vivaldi…

Les persiennes

Persiennes130919

Les persiennes

Ont écouté des secrets d’alcôve,

Des recettes de cuisine,

Les adieux des amants,

Les pleurs d’un enfant,

Les souvenirs d’une touriste triste

 

Les persiennes

Ont défié le temps,

Déjoué les modes,

N’en ont fait qu’à leur tête,

S’ouvrant sur le jour,

Retenant les lumières

Du restaurant

Et préservant les visages des invités

Du regard des passants.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La saveur du mois

Lignes rouge et verte

Nos vies défilent

À une vitesse vertigineuse

En Occident

Clics de souris

Claquement de doigts

On se catapulte

Soi-même

Du matin au soir

Lignes de vie

Fuyantes,

Fulgurantes,

Moches,

Éphémères,

Flamboyantes,

Douces-amères,

Sinueuses,

Tordues,

Lisses,

Un jet de shampoing

Sur un panneau-réclame

En fait, qui nous acclame

Quand nous ne sommes plus

La saveur du mois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Amazonie

Pendant que l’Amazonie flambait,

Nous partagions un pichet de bière

Sur la rue Saint-Denis ou sur Mont-Royal…

Pendant qu’il faisait un temps idéal

On ne devait pas se soucier de septembre

Et des obligations sociétales…

Pendant que se tenait la Mostra de Venise

Sur l’Atlantique, une jeune Suédoise traversait

Pour convaincre d’une urgence mondiale…

Pendant que l’Amazonie flambait

À Londres, du Brexit on parlait

Bientôt, il n’y aura plus de carnaval.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Le guépard

Immeuble clair-obscur

Ce jour-là

Mon œil fut attiré

Vers cette façade

Hésitant

Entre l’ombre et la lumière

Cela va de soi

Que des nuages

Formaient l’arrière-scène

Et que les rayons solaires

Perçaient où ils le pouvaient

Çà et là

Donnant à l’architecture

Du lieu

Une livrée mouchetée

Le guépard se terrait

Prêt à débusquer

Une gazelle

Un zèbre,

Tous deux perdus

Dans la cité.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Enseigne et ecstasy

Archambault

L’immeuble art déco

A connu ses heures de gloire

On y achetait des partitions

Pour piano classique

Mais aussi des guitares électriques

Les 33-tours en vinyle

Ont laissé place

Aux disques compacts

À l’heure des réseaux sociaux

On écoute des extraits

Au magasin avec un casque

On se dandine

On rêve

On s’évade

Prière de ne pas déranger

Chacun dans sa bulle

L’enseigne délogée

A été de nouveau hissée

On ne peut pas toujours

Reléguer aux oubliettes

Le patrimoine

Vaut plus qu’un rave

Et le mirage de l’ecstasy.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Les madeleines

Fer à cheval

Bicyclettes

Toutes fluettes

Ou robustes

Sur des fers à cheval

Quand on pense

Qu’ils servaient

De semelles

Aux sabots

Des chevaux

Courant, tirant, traînant

Pour les courses

Des charges

Des carrioles

C’était avant le cheval-vapeur

Des moteurs

Ici, un usage moderne

D’une forme assignée

À une autre réalité

Ma pensée et mon oeil aiment beaucoup

Les madeleines

Tout autant que Proust

Avec un bon thé parfumé.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

À tour de rôle

Métro Laurier

S’étaient assis

À tour de rôle

Sur ce siège en bois

Contre la paroi

De granit

Des corps

Des ombres

Anthracites…

Un touriste essoufflé

Un SDF

Autrefois assuré

Tous risques

Une femme ravie

Par les derniers beaux jours

De l’été

Elle venait de quitter

Au salon de thé

Un jeune amant

Rue Saint-Denis

Près de Mont-Royal

Puis elle avait marché

Jusqu’à la rue Laurier

La vie recommence

Comme les rondes

En boucle

Du métro azur.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Céleste

NuagesHB

Parti le sfumato

Du peintre et génie

Qui dort à Amboise,

Loin de nous

L’humour de Magritte

Et son surréalisme

Gommées les cages suspendues

 

Au jardin céleste

Planent les oiseaux

Et les rêves

Et vos disparus

Puis s’évadent les clichés

Et les anges

S’invitent mes quêtes

D’absolu

Depuis longtemps inassouvies

 

Saviez-vous

Que la gouvernante et confidente

De l’auteur d’À la recherche du temps perdu

Se prénommait Céleste ?

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019