La chatte périurbaine

Chatte périurbaine

La chatte périurbaine

Ou de banlieue

Rive nord

N’a que faire

Des mondanités du Plateau,

Notre Montmartre à nous

Elle se fout des voitures

Qui la contournent

Et la klaxonnent

Le matin

Elle effectue sa tournée

Soit quatre maisons

Dont la mienne

Où elle hume les roses

Et le trèfle

Au soir tombé,

Elle entre chez elle

La chatte au pelage

Écaille de tortue

Satisfaite de sa journée

De farniente,

Alors que les humains

S’arrachent les yeux

Sur leur ordinateur

Et que leurs paupières s’écaillent

Sous la lumière artificielle

Des écrans.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Esprit divaguant…

Une même tasse

Pour café, thé, tisane

Le tanin la tache

Et ma main la récure

Avant la cuillère débordante

De miel

Cannelle tout près

Fragments d’écorce

Libérant

Arôme et goût

Sous l’infusion

Rêve de caravane

 

Une même tasse

Sur soucoupe

D’un blanc étincelant

À mon secrétaire,

Pièce de mobilier

Et témoin des rares envolées

 

Parfois, la tasse

Me suit

Sous puits de lumière

Que j’imagine

Mon ficus benjamina

Transformé

Par mon esprit divaguant

En théier.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Mandala et vigne

Coin de ciel

Mandala végétal

Asymétrique

Qui s’étale

Dans un carré de ciel

Sous la tonnelle

Regard étonné du chien

Poète croquant cliché

Instant passager

Nébulosité variable

Vigne avec des envies d’envol

Itinéraires possibles

Les vrilles s’accrocheront

À toute anfractuosité

À tout relief

Piège à refermer

Coin de lumière

À recouvrir

À dégager

À tailler par jardinier entêté

À conquérir

Par vigne tout aussi obstinée.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Clairière de canopée

Vie-RenaissanceJuin2020

Même la vie s’accroche

À l’apparente mort

Une vigne, des insectes

Un pic-bois

Y joueront

Une tempête abattra

Ce tronc desséché

Pour l’instant

Les branches ploient légèrement

Dans cette clairière

De canopée

Ouverture sur le ciel

Même la vie imite le gavroche

Face au sort

Qui se dit que la mort

C’est pour les autres

Jamais pour soi

Un renard roux

Passant par là

Marque l’écorce crevassée

De son odeur

Contemplez les mousses

Et les fougères

Le long des grosses pierres,

Tranquilles hydromètres

De ce bois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Des cornets de gramophone

Rose trémière jaune

Il y des fleurs comme ça

Qui vous figent en mémoire

L’enfance aux trousses

Lilas, glaïeul, rose trémière

Pour cette dernière

J’en cultive des jaunes

Et des noires

Qui bouffent la lumière

Et cultivent le mystère

Cette beauté gracile

Ne se mesure pas à l’aune

Avec ces corolles

En cornets de gramophone

Ce sont des airs anciens

Que l’on croit entendre

Et que l’on méprend

Avec J’ai deux amours

Et J’attendrai.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

La concordance des temps

FeuillesetombreJuin2020

Toujours en décalage

Le poète se perd

Dans la concordance

Des temps et des saisons

Comme si cette mise à l’arrêt

À des fins administratives et sanitaires

L’avait mis selon toute vraisemblance

Hors-jeu

Hors de piste

Mais c’est justement là

L’enjeu,

Celle de plonger en soi

De transformer la pause en prose

De transmuter la paralysie

En envol créatif,

Écoute en boucle

Du piano de Jean-Michel Blais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Pavot oriental

Pavot

Pavot oriental

Feuillage dentelé

Peau hirsute

Tige élancée

Corolle délicate

Généralement de couleur vive

Pistils noirs

Envoûtement certain

Pétales craignant trop forte pluie

Éclat fané

Comptons une semaine

Pavot

Ma grand-mère cultivait celui d’Islande

Le poète en cultive

Pensant à elle

Mais préfère de loin…

Pavot oriental

Et ses mystères botaniques

Non élucidés.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le temps d’une ballade

Boisé-Roger-Lemoine

Au milieu des ombres végétales

Se regagne le souffle

Sous le canopée

Pause de l’été brûlant

Ici, rais lumineux

Esquisse de chemin

Chlorophylle suspendue

Seuls quelques banlieusards

S’y aventurent

À vélo ou à pied

Aucun risque

De s’y perdre

Le temps d’une ballade.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Coccinelle et ombrelle

Cocinelle

Petite coccinelle

Cherche la fraîcheur

Et transforme

Feuillage d’églantier

En ombrelle

Que de mystères

À conserver sous les élytres,

Sorte de livrée

À pois

Pouvant inspirer

L’audacieux couturier

Les pucerons

N’ont qu’à fuir

Cet élégant prédateur

Qui ravit

Enfants et jardiniers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Grâces florales

Pivoine du Japon

En blanc

Pivoine tout court

En rose

Le merle et le cardinal

Accourent

Du fond de la cour

Survolent

Les grâces florales

Endimanchées

Je m’incline

Devant tant de beauté

Fasciné

Suis-je

Par l’éphémérité

Dis-je

Hanté

Par la fragilité

Du jour.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Au sortir d’une corolle

Bourdon

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Acouphène qui s’éveille

Ou prémonition

C’est pareil

Vibrato

La réponse surgira

Dans quelques secondes

À la porte

Ou au sortir

D’une corolle

C’est pareil

Car c’est la vie qui s’éveille

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Ce peut être toi

Que je tire

Du sommeil

Ce peut être toi

Qui s’annonce

Au sortir

D’une corolle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Cognassier fleuri

Cognassier en fleur-1

Mon cognassier du Japon

Se plaît

Au printemps

À jouer

Le cerisier en fleurs

Pour rivaliser en beauté

Avec le pommier,

Celui du voisin

Mon cognassier du Japon

Attire les abeilles

Et les bourdons

Ses épines,

Rappel horticole

De son appartenance

À la famille des rosiers

À chaque année

Je m’écorche

Un bras ou le menton

En cueillant

Ses fruits,

Beauté farouche

Que mon cognassier du Japon.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La tasse blanche

Tasse-livres

Tasse blanche

Pour thé noir

Confinée

En ce fouillis

Livres empilés

Dans ma chambre de poète

Vaisseau de porcelaine

Transport assuré

De l’esprit

Entre les volutes parfumées

Du breuvage

Et les pages

Rien n’est laissé

Au hasard

À proximité du lit

Les écrits

À scruter sous l’iris

En premier

Avant le basculement

Dans le monde des rêves

Les autres

Sont aussi prévus

Au calendrier

Pas d’empressement

Pas de bévue

Car je ne voudrais

Surtout pas

Renverser la tasse blanche.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

L’inventaire de cieux

FicusBenjamina

Par ce puits

De lumière

Je songe

À un inventaire

De cieux

Rien de bien audacieux

Au moins

Si je marchais

Sur la ligne ténue

Entre le clair

Et l’obscur

Par ce puits

De lumière

Le ficus benjamina

Étale son vert

S’embue parfois

Mon imaginaire

Je ne m’éterniserai pas

En détails

Je livre bataille

Avec le réel

Je ne m’éterniserai pas

En rêveries

J’ai trop à faire,

Trop à écrire.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Lichen

Lichen

C’est l’évidence

Que la nature écrit

Des poèmes

Des messages

À même

Le lichen

Sur les troncs

Libérés par l’hiver

C’est l’évidence

Même

Que tu reviendrais

Comme les oies

Comme les outardes

Comme le soleil

Au travers des nuages

C’est l’évidence

Même

Que ton silence confiné

En a marre de ces murs

Que ta pensée

Par tes yeux

Prend son envolée.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les arbres s’agitent

Conifères-Laval

Comme tu vois

Les mots repartent

À la conquête du printemps

Comme rivière en débâcle

Comme spectacle

Remis derrière rideaux fermés

À la fin de l’été

Comme tu le sens

Les paroles se libèrent

Sur la place publique

Même si virtuelle

Même si les trains

Sont vides et ponctuels

Comme tu vois

Les arbres

S’agitent

Dans les courants d’air

Pendant qu’on cogite

À la conquête du printemps

Du moins mentalement.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Nature morte

Secondepeau-Chemise

Nature morte

Le soir venu

Le dos rompu

Je me libère

D’une seconde peau

Nature endormie

Quand je clos

Les volets

Et que le lierre

Rêve déjà

Au jour prochain

Nature morte

Quand s’assèche ma prière

Et que pourtant les mots s’éveillent

En écoutant du piano,

Impression de revivre

Demain,

Je me baladerai au jardin

Y pousse le muguet

En dépit du temps frisquet.

 

 

© Texte, photo, Denis Morin, 2020

Ligne après ligne

Roman en devenir

Il y a

En ce jour confiné

Des personnages

En dialogues,

Des ambiances à décrire

Dans un roman à écrire

Il y a

La fluidité des notes

Qui courent sur un clavier

Piano

Une musique intérieure

Aussi à écouter

Il y a

Le silence tout autour

Et les oiseaux dans ma cour

J’écris

Assis

À la cuisine

Je regarde dehors

Mes personnages me ramènent

Ligne après ligne

À leur destinée

Que je dois révéler

Ligne après ligne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Imaginaire sans frontières

CoucherdesoleilDMontagnes

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

En une destination

Gare

À toi si tu restes

Immobile

Tu pourrais prendre

Racine

T’incruster

Dans une routine

Obsessionnelle

Voire maladive

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

Retiens bien cela

Car la vie

Ne te le répétera pas

Cent fois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Bises

LacDMArbres

L’hiver s’en est allé

Ou presque

Le froid commet

Des frasques

On les retourne

À la pelle

Ou du revers

De la main

Se baladent les canards

En bord de lac

Bourgeons et fleurs

Finiront

Par éclore

Pour donner sourire

À la commissure

Des lèvres

Pour donner grâce

À la frontière

Des paupières

Horizon

Proximité

Étreintes reportées

Au calendrier

Ce n’est que partie remise

Courage

Bises.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les galets

Neige et galets

Fond neige

Au soleil

Galets

Délivrés

Peu à peu

Gangue de glace

Crocus prêt à bondir

Se réchauffe le sol

Bulles d’air

Puis eau absorbée

Par la terre

Sous la pierre

Aménagement minéral

En bordure de route

On imagine

Une mer imaginaire

Ayant poli

La matière

Pour la rendre ronde et lisse

Julia et Patrice

Rangez le bac à recyclage

Allez, les rêveurs

Vous n’êtes pas à la plage…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Pot d’argile et pousse de cèdre

Pousse de cèdre

Trouvée

Ramassée

Dans une plate-bande fleurie

Transplantée

Dans un pot d’argile

Par le gel

Éclaté

Fracassé

Fragments à confier

Au potager

Pot d’argile

Sa course terrestre

Finira

Au pied du cassis

Rescapée

Pousse de cèdre

Sera dorlotée

Chouchoutée

En ma demeure

Avant de connaître

Dans deux ans

De l’hiver

Les rigueurs.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Carte postale

Cielrose

Il nous faudrait

Egayer le temps

Appliquer au ciel

Touches de gris bleuté

Moutons paisibles

Pré rosé

Tutus de ballerine

Baies sur plateau

Encres diluées

Dans une eau

Songes estompés

Doutes gommés

Ballade en solitaire

Selon si le chien

Dort au salon

Sur canapé

Pas la peine

D’aboyer

Le facteur ne livre plus

Que des circulaires

Au lieu des mots

D’amour

Ta carte postale je l’aurai

Après ton isolement

Les poètes

Naviguent

En ligne

Voix derrière

Masques des écrans.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Perles d’eau

Rosée

Gouttelettes de pluie

S’accrochant

Filet pour la vigne de mai

Miroitement

Perles d’eau

Broderie

D’une fée cristalline

Mars déçoit,

Trop pris à la guerre

Pandémie dans l’air

Je range mes notes

D’impatience je pianote

Sur un clavier

Portée de mots

Plutôt que de notes

La musique se vit en moi

Celle des gouttelettes

Tombant contre le bois

Ruissellement

Neige en fonte

Floraison de pommier

En rêve

Je suis un voyageur en grève

Devant la gravité…

Des actualités.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Entre deux saisons…

Cèdre-glaçon

Cèdre-glaçon

N’a qu’une seule envie

La fonte

Le recul

Du froid

Et les chauds rayons

Cèdre-glaçon

N’a aucun intérêt

Pour des chansons

Des ballades

Du poète

Balancement du recyclage

Dans les grands bacs

Tout près

Papier, verre, plastique

Gymnastique

Doigts figés

Main de glace

Puis léger silence

Entre deux Saisons de Vivaldi.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le poinsettia

Poinsettia

 

Poinsettia rescapé

Après au moins

Deux Nativités

Il se montre frêle

Cherchant la lumière du dehors

Je lui ai gardé

Sa robe or

Comme élément de décor

Pour ne pas miner son moral

Je lui verse souvent

De la tisane

Du thé

Poinsettia aux rares feuilles

Écarlates

Il tourne plutôt au vert

Je devrai le tailler

En avril ou en mai

Je n’ose me prononcer

Sur sa longévité

Mais je l’aime

En cet aspect indompté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La Dame du Lac

MainRivière

Dame du Lac

Main

Qui converse avec Merlin

Excalibur

Est encore

Sur la hanche d’Arthur

Il ne s’en sépare pas

Même quand il dort

Dame du Lac

Ondine

Qui appelle les oies

Qui repousse les glaces

Grâce

Reléguée

Dans le souvenir

Et les livres

Et dans un quelconque musée

Dame du Lac

Apparue

Sous les remous

Son chant nous semble

Aussi doux

Que l’air du printemps.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

 

 

La vigne

Vigne

Elle sert de perchoir

Aux oiseaux

Elle donne espoir

Par temps beau

Malgré son écorce

En oripeaux

Les raisins mûrs

Sont tombés

Sous le bec des étourneaux

Qui s’en sont régalés

Elle sert de labyrinthe

Aux mulots

Elle sert de passerelle

Aux écureuils

En quête d’arachides

Et les geais bleus sont avides

Veillant sur la vigne.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Hors-cadre

Chemin-rue Gagnier

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Brisure temporelle

Hier, c’était

Départ

Mort

Éclats

Sang sur ton visage

Verre en débris

Au bout de ta main

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Blessure refermée

L’existence a repris son cours

Aujourd’hui, c’est

Souvenir

Ton énigmatique sourire

Photo dans un cadre

Ton esprit allant hors-cadre

Je referme tes livres.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Autoportrait

Auto-portrait

Autoportrait

Du poète

Quasi anonyme

Se déplaçant

À pied

Ou dans le ventre d’un train

Capteur de rêves ambulant

Il glisse et tombe

Par trois fois en janvier-février

Il note

Il photographie

L’air ambiant

Silencieux de nature

Il se met à parler

Passionnément

Si un sujet l’intéresse

Et pour toute autre question

Veuillez vous adresser

Au bureau des abonnés absents.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

L’ordre du jour

Arbreetcielrose

Encore et toujours

Un ciel rosé

Un arbre

Une maison

Le tout éclairé

Au petit matin

J’aime autant l’aurore que le crépuscule

Tout cela peut sembler ridicule

On dirait

Cette maison

Édicule

Entrée

Sur jardin céleste

Branches à gravir

Pour atteindre les nuées

Où la félicité est notée

À l’ordre du jour.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Il se fait tard

rueGagnierDM

Il se fait tard

Plus de train

Juste un bus express

Reliant le métro

À une ville de banlieue nord

L’œil fatigué

Et la main qui tremble…

Lampadaires flous,

Fous

Étoiles filantes

Le passager marche

Lentement

Pieds sur glace noire

Crainte de tomber

Fascination

Pour cette lumière jaune

Rehauts éclatants

Sur fond de nuit.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Une fois de plus

Entrelac

Miroir d’inox

Archipel de glace

Objet non identifié

Sur quai de gare

Hiver poétique

Malgré tout

Les yeux s’ouvrent

Je boirais bien

Un verre d’absinthe

Je sais, je sais

Un verre d’absinthe

Danger avec usage

Je naviguerais

Ici, à gauche

Là, à droite

Déplacez-vous dans ces entrelacs

Sans billet

Sans filet

Vos ongles élaboreraient

Le tracé

Je sais, je sais

Nous avons loupé le train

Une fois de plus.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Ma théière

CamSinensis1

Elle sera témoin

Des saisons

De mes brouillons

De mes silences

Elle sera témoin

Des arbres qui s’agitent

Dans la cour

Du cœur qui palpite

Sous le vol des mésanges

Elle sera témoin

De ma déconvenue

De mes rares réussites

Elle sera témoin

Du thé qui s’échappe

En vapeur

En volutes

Ma théière…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Bécaud

Rue Bellevue

Matin

Lever

Tôt

Trop tôt

Mais juste l’heure

Pour goûter ce rosé

À l’iris offert

L’un se dirige

Au boulot

L’autre à l’école

Le jour n’a pas tout à fait

Pris son envol

Moment en équilibre

Sur ma rue

Quittant le seuil

De chez moi

Direction la gare

J’ai un air

À l’esprit

Du Bécaud

Avec son train

Pour quelque part…

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

L’arbre se mire

Brumes

En état d’apesanteur

L’eau s’élève

Tout comme le silence

Poudre rose

Dans l’air du matin

Le train

File

Au-dessus de toute polémique

Fermez vos journaux

Instant de grâce

L’arbre se mire

Se refait une beauté

Miroir noir

Photographie

Je la montre

À qui veut bien

Les réseaux sociaux

Font tchou-tchou.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Comme tortue…

Boule&bol

Bol à café

Bol à soupe

Bol à pâtes

Renversé

Pour former

La carapace d’une tortue

Sur laquelle le monde

Évolue

En couches multiples

Le poète imagine

Ce que d’autres ne voient pas

Cosmogonie

De cuisine

Vestiges de Chine,

De l’Inde

D’un savoir amérindien

Le poète s’incline

Face aux méridiens

Aux fuseaux horaires

Il bat retraite

Ou va son chemin

Si lentement

Qu’on ne prête guère attention

Aux tortues

En voie de disparition.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Plongée dans l’image

LacDMetlignerose

Du train

Lointain

Confinement

Rêverie

Rien

Si ce n’est…

Juste l’envie

D’une plongée

Dans l’image

Eaux et sel

Eaux et ciel

Ligne rose

Ligne jaune

Accident

Pas prévues au scénario

Le poète

Ne voulait

Que les eaux du lac

Ligne rose

Ligne jaune

Comme si

Les roses dormaient

Sous la neige

Sous les eaux

Sous tout ce gris

Comme si l’objectif

De ma caméra

Sur cellulaire

Cernait plus

Mes paysages intérieurs

Derrière le moche

Toujours une trace

Beauté

Tout réside dans le regard.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre le pourquoi et le comment…

Encre

 

Dans sa tête c’est la tourmente

Le vent qui gonfle les voiles

La maison qui se transporte

Les poètes que l’on déporte

Ces nouvelles notions qu’il faut retenir

Au travail, nouvelle routine

Derrière soi, le spleen

Ces nouveaux visages qui s’apprivoisent

Les mots voyagent tout comme lui

Entre la marche, le train, le métro

Dans sa tête, ce sont les feuillus

Pris au dépourvu

Par l’hiver trop brusque,

Par la cadence soudaine

De la vie moderne

Tout défile, le futur tracé du REM et les paysages

Guère le temps de déguster un sauternes

Ce rythme intense se digère

S’ingère en écrivant des poèmes

Au fil des stations

Entre le dedans et le dehors

Entre le pourquoi et le comment.

 

© Encre tourmentée, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

Entends-moi bien…

Ecorce

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En bruit / en son / en silence

En bénédiction

En mal / en bien

En offense / en pardon

Je reste sur ma faim

Tu restes sur ta fin

Il suffit

D’un mot

Pour que tout se change

En musique / en louange

En souhaits / en prière

En obstination / en compromis

En bonne entente

Il suffit d’un mot

Tracé sur l’écorce

En des nuances mousse et lichen

Pour que tout se change…

Que les ténèbres cèdent à la lumière

Entends-moi bien…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

 

 

Il y a décembre…

BoulerougeNoel

Il y a décembre

L’équinoxe prochain

Il y a les cendres

Du foyer à vider

Il y a de l’espoir à revendre

Dans une crèche

Entre le bœuf et l’âne

Sur un lit de paille

Il y a décembre

La joie des uns

La peine des autres

Il y a les bras à tendre

Et les vieilles rancunes

Il y a toi

Il y a moi

Il y a nous, vous, ils, elles

Il y a décembre

Et la magie

Dans nos cœurs

De jours meilleurs

D’aubes nouvelles.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

La main sur le cœur

Auberosée

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on prête serment

Que l’on jure fidélité

Et que l’on paie chèrement

Souvent de sa vie pour la patrie

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on déclare

Son amour le plus fou

Que l’on déraisonne

Que l’on se passionne

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que je conserverai

Nos plus intimes secrets

Nos jeux dans la forêt

Ce feu qui ne cherche qu’à s’éveiller.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

La feuille ajourée

Coeur ajouré

La feuille ajourée

Avait connu le printemps

La morsure de la chenille

Le passereau et ses coups de bec

Les tiraillements des enfants

 

La feuille ajourée

Avait senti la brise

Et ta bise

Ses nervures

Abritaient la sève

 

La feuille ajourée

Telle une dentelle de Bruges

Flétrie, mais jolie

Tout de même

De quoi m’inspirer ce poème.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Nature morte

Les étourneaux

Et autres migrateurs

Les avaient oubliés,

Les fleurs de mai

Les fruits de l’été

 

Le gel avait capturé

Les sucs, les parfums

Nature morte

À qui sait regarder

La beauté offerte

Même en hiver

 

Le propriétaire

Les oiseaux locataires

Étaient passés tout près

Sans porter attention

À une denrée gelée

Toujours aussi sucrée.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

 

Les beautés endormies

FeuillesBassindeau

Les beautés immobiles

Gisent sous un couvert

De glace

Ne s’aventureront plus le héron gris

Et les oiseaux

Prenant bain de sable

Puis bain d’eau

Battements d’ailes

En juillet

Je m’en rappelle

Au bassin gelé

Et cette faune s’envolait

À la vue des chats

Qui circulaient

Au fond du jardin

Les écureuils regagnaient

Les haies

Maintenant la neige

Et le frimas

Prendront soin

Des beautés endormies.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Sur quel pied danser

Théière de fonte

La théière provenait

Du Japon

De cette extrême limite

Aux abords de l’océan

Elle servait

Pour la décoration

Et pour le thé vert

Aucun autre thé

Ne touchait son intérieur

En fonte

Pour l’instant,

Elle gardait le cœur

Au chaud

Les mains

Du poète

Elle pourrait héberger

Le parfum du thé au jasmin,

Seul compromis possible

Afin de pas altérer les thés subséquents

Elle me voit cuisiner,

Tempêter, fredonner un air

En lavant la vaisselle

Elle ne dit rien

Elle observe,

Elle retient tout

De mes humeurs

Qu’elle m’aide à digérer,

Toujours fidèle au rendez-vous

Elle ne déçoit pas

Elle n’est jamais en retard

Il lui arrive parfois

De me bouder,

Quand je lui préfère un bol de café

Ainsi sont les artistes

On ne sait

Jamais

Sur quel pied danser

Avec eux

Avec elles.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

La feuille cuivrée

FeuilleCuivrée

Feuille cuivrée

Donnée

Par le chêne

Haut de sa dizaine d’années

Remède contre la morosité

Chant des fées

Si on sait bien écouter

Le souffle entre les branches

Surtout un dimanche

Elle est tombée

Au sol

Et c’est sur l’herbe jaunie,

Flétrie

Qu’elle me fût remise

Comme présent

Comme gage d’un printemps

Promis d’avance

Rien d’autre à ajouter

Si ce n’est que l’arbre

Conserve sous l’écorce

La sève

Des nouveaux bourgeons

D’une nouvelle feuillaison.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Des soupçons de beauté

Lichen et mousse

L’arbre se trouvait moche

Sans ses fleurs

Absence d’odeurs

Sans les passants pour vanter

La beauté

De son ramage végétal

Tout portait à croire

Que cet arbre finirait

Dans l’oubli

Et sous les dents d’une scie

Or, un peintre aux aguets

Avait entendu la plainte

De l’arbre

Il s’approcha et proposa

De lui restaurer son allure

Il sortit ses tubes,

Sa palette,

Puis projeta des éclats

De peintre

Sur le tronc

Marquant ici et là

Un relief,

Des parcours

Pour distraire des passagers

Admiratifs

En attente de l’autobus

Ou du train

Nul besoin d’aller trop loin

Pour contempler

Des soupçons de beauté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Le rouge

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J’ai vu dans ce rouge

L’Angleterre

La tête d’Anne Boleyn

Coupée au col,

Puis la chevelure d’Elisabeth, sa fille, enflammée

 

J’ai vu dans ce feuillage panaché

Un élan

Freiné par une meute de loups affamés

Sur le pourtour d’un hiver

Aux confins de la forêt

 

J’ai vu dans ce rouge

L’habit d’un soldat anglo-écossais

Je l’avais baptisé James

Il avait dessiné son visage sur une vitre embuée

Il hantait en douce ma maison

 

J’ai vu dans ce rouge

Les splendeurs de Byzance

Rome en feu sous Néron

Les sols du Nord en fonte

Et Greta telle une Jeanne d’Arc

 

J’ai vu dans ce rouge

Ta peur en sortant du Bataclan

Ta ferveur face à Notre-Dame en fumée

Ta volonté de vivre en paix

Malgré les rumeurs de guerre.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Du thé-extase

Églantier

De chez moi,

Pétales d’églantier,

D’églantine comme on dit

En France

Sont sur le point de s’assécher

Tout est encore odorant

La couleur s’intensifie

Puis je mélangerai

Avec mon thé Earl Grey

Déjà aromatisé à la rose

Ainsi je verrai la vie en rose

Par conséquent,

J’oublierai les tracas

Momentanément

Qui me rendent morose

J’en bois justement

Une tasse

Et c’est l’extase.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

D’accord, je me tais

Fougère

Je ne l’ai

Ni semée

Ni transplantée

Ni regardée

De face

Ou de travers

Elle a surgi

Au sortir de l’hiver

Au pied du chêne

Tout aussi surpris

Que moi de sa venue

Le vent s’en est chargé

Sans aucun doute

Sinon des spores

Ont adhéré

Un jardin plus loin

Aux ailes d’un oiseau

Survolant le bassin d’eau

Puis se sont détachées

Des plumes,

Je t’imagine très bien

En train d’écrire

Ton roman

Avec une plume-fougère

Évoluant entre le pouce

Et l’index

D’accord, je me tais.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Le chien et mes regrets

Lierre

Ma théière refroidie

Plutôt son contenu

A ruisselé

Abreuvant ainsi

Le lierre

Hier,

Devrais-je écrire

Hier encore

Elles n’étaient que des pousses

Rentrées

À temps

Juste avant

L’hiver

Elles ont pris racine

Se sont déployées

Couvrant une colonne de plâtre

Et le dossier d’un fauteuil

Où vont dormir

Le chien et mes regrets.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Verte chenille et cassis

Chenille-cassis

C’est la mi-août

Cueillette de baies

Au jardin,

Le cassis est mûr

On rêve à la confiture

Ou aux tartes

Par anticipation

On s’en délecte

Nul doute

Que cela tournera

En souvenirs

L’été se résume en saveurs…

Fraise, framboise,

Bleuet, cassis

Après la cueillette

Le poète

Pense aux papillons

Quand apparaît une verte chenille

Il la photographie

Parmi les baies

Avant de la déposer

Sur feuille de vigne

Elle sera passée ainsi du potager

À la tonnelle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019