Éclipse

Main de lune

Main qui tend

La lune

Main qui la reçoit

L’éclipse

Intentions dans ce partage

Ongles ayant gratté

Le sol terreux

Le ciel assombri

Qui soumet

Qui domine

Aucun jeu de pouvoir

En fait

Dans les gestes tendres

Les lignes

De vie et de cœur

Se mirent

Dans les paumes

Qui s’aimantent

Tout en maintenant

Une distance

Appropriée

Mais l’amour

Accepte-t-il

Cette distanciation

Ce retrait

Cet attrait

De l’absence/présence…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Au sortir d’une corolle

Bourdon

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Acouphène qui s’éveille

Ou prémonition

C’est pareil

Vibrato

La réponse surgira

Dans quelques secondes

À la porte

Ou au sortir

D’une corolle

C’est pareil

Car c’est la vie qui s’éveille

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Ce peut être toi

Que je tire

Du sommeil

Ce peut être toi

Qui s’annonce

Au sortir

D’une corolle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Hors-cadre

Chemin-rue Gagnier

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Brisure temporelle

Hier, c’était

Départ

Mort

Éclats

Sang sur ton visage

Verre en débris

Au bout de ta main

Long chemin

Me rendre

Jusqu’à toi

Blessure refermée

L’existence a repris son cours

Aujourd’hui, c’est

Souvenir

Ton énigmatique sourire

Photo dans un cadre

Ton esprit allant hors-cadre

Je referme tes livres.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

La main sur le cœur

Auberosée

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on prête serment

Que l’on jure fidélité

Et que l’on paie chèrement

Souvent de sa vie pour la patrie

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que l’on déclare

Son amour le plus fou

Que l’on déraisonne

Que l’on se passionne

 

La main sur le cœur

C’est ainsi que je conserverai

Nos plus intimes secrets

Nos jeux dans la forêt

Ce feu qui ne cherche qu’à s’éveiller.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Si jamais…

Si jamais

À se perdre on en venait

Comme s’éloignent

Parfois

Les amants

Je veux te dire,

T’écrire

Que tes mots

Seront nos corps enlacés

Au cœur

De mon être

 

Si jamais

À se détester on en venait

Comme il arrive

Parfois

Aux amants

Je veux te dire

T’écrire

Que ta colère

Ne gommera

Aucunement

Nos plus beaux moments.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Éperdument

Éperdument

On s’aime

On se déteste

On se balance

Des injures

À la figure

Éperdument

À coups de mots-torture

Mon ordure

 

Éperdument

Tu ne perds rien pour attendre

Attendre quoi au fond

Si ce n’est la défaite

La déconfiture

Éperdument

Tout était écrit d’avance

Histoire banale

Plus de cartes postales

À envoyer comme preuves

De sentiments illusoires

Aux amis et à nos familles

Maintenant que c’est la bisbille

Et que la bisbille dure

Il pleut des hallebardes

Je t’avais prévenu.e

 

Bof, tu t’en fous

Éperdument.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Ne pas, ne plus…

Ne pas…

Médire, il/elle est parti.e

Trop cuire le rôti

Saisir ce vase

Juste l’idée de le fracasser

 

Plutôt

Attraper la clarté

Si discrète en octobre

L’hiver viendra trop vite

Dis-tu / Disais-tu

Je ne sais plus

Où nous en sommes / où nous en étions

 

L’écho des disparus

Frappe ma mémoire

Ne plus (s’)échapper

Comme un visage estompé

Ne pas oublier

Oui, polir l’argenterie

Relire les lettres

De nos amours (in)fidèles.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Toujours dit, toujours écrit

Quand ce soleil,

Ce ciel,

Ces nuages,

Cette plage,

Cette mer,

Ces montagnes

Ne seront plus

Je serai de l’autre côté,

Au verso

Des photos

En noir et blanc

Qui s’oxydent

À l’air ambiant,

Couvertes de poussières

 

Quand ta voix

Quand tes cris

Quand tes pleurs

Et tes rires,

Tes supplications,

Tes injures,

Tes murmures,

Ne me rejoindront plus

Je (me) serai

Égaré dans ta pensée

J’aurai laissé une trace

Virtuelle

Ou réelle

Dans une quelconque bibliothèque

Du Québec

Et de France

Je suis d’ici et d’ailleurs

Tu me l’as toujours dit,

Toujours écrit.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Adagio

Une recette

Me ramène les âmes errantes

Les esprits qui se promènent

À contre-jour

Dans ma mémoire

Un aimait le sucré

Une plutôt le salé

Moi, l’amer

 

Une chanson

Me ramène les voix anciennes

Qui fredonnaient

Près d’un berceau

Ou à la cuisine

C’est toujours une pointe

D’amour

Qui m’envahit

 

Un livre

Ouvert

En pleine nuit

J’entends la voix

De l’écrivain

Peinant

À me livrer

Ses confidences, son mal/sa joie de vivre.

 

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Le temps fuit

Terrasse

Sous le feuillage

Ton ombrage

À peine perceptible

Pour qui ne te connaît pas

Mais je te sais là

Assis

Comme autrefois

C’est-à-dire hier

 

Sous le feuillage

Je m’assieds

Évitant la morsure vive

De la lumière

Que je laisse aux plantes,

Aux pierres de rivière,

Aux fleurs

 

Sous le feuillage

La vie me semble mirage

De l’aube au crépuscule

De la tombée de la nuit à l’aube

Le temps fuit.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

L’arbre-banc

Le banc

Cet arbre avait opté

Pour les courbes

Formant ainsi un trait d’union

Une chanson

Les oiseaux y perchaient

Et les amoureux s’y assoyaient,

Surpris par une vive ondée

De juillet

Ou bien transis

Par un vent frisquet

Parfois, sous la canicule

Ce banc improvisé

Servait d’édicule

Et d’alcôve

Accueillant les doux épanchements.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

Tout à la fois

Il te reste

Des projets à venir

Il te reste

Ma signature

Une recette de confiture

À la groseille

Je sais,

Non la vie ne sera plus pareille

Tu feras comme si

Je rentrais

Plus tard

Il te reste

Mon regard

Dans les yeux des enfants,

Surtout le plus grand

Qui me ressemble

Tellement

Il te reste

L’immensité des souvenirs

L’intimité du soupir

Et les fougères que j’ai plantées

Au fond du jardin

Pour t’apaiser,

Te consoler du chagrin

Souris

Je te vois

Mais de la pièce d’à côté

Je ne suis et je ne serai

Jamais loin

Souris

Car je t’aime

Je sais,

C’est d’une banalité

Je suis tout à la fois

Chez toi et dans l’au-delà.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

La dive bouteille

La dive bouteille

Bois de teck

Acheté

Ensemble procuré

Fruit d’une carte de fidélité

La vigne s’y accroche

Moi, je décroche

La dive bouteille t’a tué

À la longue

La vigne finit immanquablement

Par gagner

Voici les araignées rouges se baladant

Sur les fibres fissurées

À 18 h, je sortirai le rosé

En souvenir de ta couperose.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Embrasement

L’espace de l’étreinte

Embrassement

Embrasement

Quel en fut l’élément déclencheur ?

Un sourire

Un parfum

Une goutte de sueur

On ne saurait dire

Exactement

Ni le pourquoi

Ni le comment

Comment

Naît le désir

Pas besoin de décrire

L’itinéraire

Entre le tissu et l’épiderme.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Si j’étais… la fluidité de l’été

 

 

Si j’étais fleur

À tes lèvres

À ton corsage

À ton veston

Si j’étais feuillage

Camouflant

Toute indiscrétion

Toute dérision

Si j’étais brouillard

Si j’étais nénuphar

Si j’étais lys ou pivoine

Quenouille ou hydrangée

Épongeant, absorbant

La fluidité de l’été…

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2019

 

Jeux de paume

Tu m’as conté ta vie

Pierre Lapointe, on a écouté

Accent porté

Sur le choix des mots

On a parlé

De Barbara,

Tu as la douce folie de Prévert

Nul besoin de prendre un verre

Un café suffit

Nous étions bien

J’ai retiré ma chemise

Avant de poser

Mes paumes sur ta peau

Nous avons ri

Nous comptons bien

Récidiver

Avec tes paumes sur ma peau.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Avec ou sans

Avec ou sans

Amertume

Avec ou sans

Nostalgie

Avec ou sans

Ta présence

Avec ou sans

Ton absence

Avec ou sans

Ton errance

Avec ou sans

Nos jours qui défilent

Avec ou sans

Le goût de te revoir

Avec ou sans

La joie de te ravoir

Avec ou sans

Ta voix

Avec ou sans

Le souvenir

Avec ou sans

Poésie

Avec ou sans

Joie

Avec ou sans

Ténèbres

Avec ou sans

Lumières

Pour me rendre

Chez toi.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

De l’écriture et de l’absence

On comble une absence par d’autres présences qui font plaisir, qui rendent ivre momentanément.

On en arrive à comprendre sa propre vie en lisant celles des autres, personnages réels et fictifs. Il n’y a rien de définitif en écriture, si ce n’est le point final, mettant fin au dernier chapitre d’un roman, au dernier vers d’un recueil, à la dernière réplique qui sera rendue par un comédien sur scène.

On comble une absence en tachant sa main d’encre, en levant l’ancre dans sa tête pour s’autoriser l’alignement des phrases sur page et écran, pour gommer le blanc, pour y tracer des mots qui font sens tant pour soi que pour d’autres yeux.

Il va de soi que la roue est inventée et que le bouton orne encore la chemise et la tige florale sur le point d’éclore.  Écrire, c’est justement de se donner le droit d’éclore à notre tour, sans détours ni trop de manières.  Par les mots, comblons les absents, réjouissons-nous des présents.

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Les amours se déclinent…

Les amours se déclinent

À tous les temps

À tous les modes

 

Les amours se relèvent

Et s’inclinent

Arabesques tracées dans l’air

Et à la surface des eaux

 

On y laisse son cœur

Parfois sa peau

Ça trouble l’esprit

À qui ne sait pas

Freiner la passion

 

Les amours se déclinent

Chocolatées

Au jasmin ou à la rose.

 

Les amours de déclinent

Exaltantes,

Tourmentées

Ou avec un soupçon de spleen.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Les chrysanthèmes

Faut-il un requiem

Pour dire je t’aime ?

Pierre tombale

Cymbale

Du vide

Pourrit le corps

Près de l’urne

Le rayon prend la poussière

Sont de mise

Les chrysanthèmes

Me salue(nt)

Ton esprit

Par des bruits,

Des objets cachés

Est-ce déplacé

De parler

Des morts chéris

Comme on vante

Le mérite des vivants ?

En rêve

Tu me visites

J’apprécie

Ce temps surnaturel

Où s’abattent

Les frontières

N’existent que nos essences premières.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Sur l’autre rive

Partir,

Me dissiper,

M’anéantir

Me fondre

Comme une rivière en débâcle

Comme une saison si blanche

Si grise

Si terne

Dont on se lasse

Dont on délace

Les bottes

Pour qu’elle puisse justement

Partir

J’accroche

À la patère noire

Mes vêtements d’hiver

Tes vêtements d’hier

Pour aller te rejoindre

Sur l’autre rive

Où la grive

Et le soleil

Donnent au jour

Des éclats vermeils

J’arrive(rai)…

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Toujours

Toujours

Se vit dans l’audace

Dans la quête de l’impossible

De l’inaccessible

 

Toujours

Une promesse

Une résolution

À tenir

Surtout devant témoins

Ou en son for intérieur

Pour s’éviter les regrets

Et le sarcasme

 

Toujours

Comme une ambition

Une rime de chanson

Entendue, reconnue

Fredonnée d’hier à aujourd’hui

 

Toujours

Évoque amour

Avec ou sans cérémonie

Porter en son cœur

Le souvenir des êtres

Présents et disparus

 

Toujours

Un mot-velours

Qui défile dans la vie

Comme une habitude

Une certitude

D’être là

À quelques pas

Ou à mille lieues

Tout de même si près.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

Ton piano

Ton souffle parti

Le piano est sorti

De la maison

En présence de tes fils

Tes cendres dorment

Entre tes livres, au salon

Puis d’autres mains

Joueront dès maintenant

Tes partitions,

Chansons de Félix Leclerc,

Partitions de Bach

Après deux ans de deuil

C’est moi qui prépare à présent

Ta soupe saupoudrée de cerfeuil.

 

Je vais… tu vas…

Je vais

À pas de loup

Tu vas

Parfois à pas de biche

Tantôt à pas de buffle

 

Je cours

Après le temps qui passe

Tandis

Que tu te prélasses

J’accours

 

Tu soupires

Les heures fuient

En retard

En décalage horaire

Pourtant, j’avais tout planifié

Sauf les imprévus

 

Tu rages

Tes doigts tambourinent…

Je suis en nage

Je vais…

Au pas cadencé

Au fond, tu vas…

Bien amusé(e)

De me voir courir.

 

© texte, Denis Morin, 2018

 

Cœur de bitume

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Cœur de bitume

Masqueras-tu les fissures,

Les blessures

Laissées par le gel

Et l’usure ?

 

Cœur-enclume

Écrira-t-on sur ton dos

Des mots doux

Au lieu de marteler des mots amers

Comme venin ?

 

Cœur de bitume

Engloutiras-tu le sablier

Qui incite à la fuite ?

Les passants vont et viennent

Certains séchant leurs larmes.

 

© photo et texte, Denis Morin, 2018

Tes pas

Tes pas sur la neige

étrange manège

drôle de sortilège

pourrais-tu revenir ?

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras

 

Tes pas sur la grève

tous ces oiseaux qui crèvent

d’un manque de rêves

on ne peut les voir revenir

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras

 

Tes pas dans la forêt

je te suis à la trace

ton regard vert fougère

me hante, m’exaspère

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras (bis)

 

© Texte : Denis Morin, 2013

Je dessine

Je dessine

À l’encre de Chine

Des murailles qu’il me faudra traverser

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

Je cuisine

un potage, des mirages

c’est ton parfum que je veux retrouver….

 

Je devine

En sons et en images

Mes doigts gambadent sur une portée

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

Je m’échine

À espérer tes lèvres glycine

Comme un reflet sur mon clavier

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

 

© Texte : Denis Morin, 2013

Sur une rive familière

Sur une rive familière

tu bois ton expresso

je te masse le dos

tu me parles d’aujourd’hui

je pense à demain

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai

 

Sur une rive familière

tu esquisses des mots

mes yeux en photo

tu es mon aujourd’hui

je suis ton demain

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai

 

Sur une rive familière

tu as laissé ma main

j’ai glissé vers demain

et le muguet éclot

je vis notre aujourd’hui

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai.

 

 

© Texte : Denis Morin, 2013