Le poète

Il manie

Le stylo et la souris

Pas vraiment la hache

Le couteau

Seuls les mots peuvent

Avoir du mordant,

Un côté incisif

 

En règle générale

Le poète préfère

Les livres

Les vers et la prose qui le rendent ivre

Par tant de beauté partagée

 

Par essence

Le poète écrit

Mais il lui arrive

De déclamer

Mais il lui arrive

De se taire

Selon si on souhaite l’entendre

Ou faire fi de sa compagnie

 

Il est en quête…

Sentiments, choses et mystères

Qui le tourmentent au travail

Qui l’éveillent la nuit

Lui font sortir un calepin,

Amas végétal recyclé, ligné

Anodin

 

À tout prix, il lui faut

Écrire une image

Tout droit, de biais, en marge

Faute de papier,

Au creux de sa main.

 

© Texte, Denis Morin, 2018

La vie, dans le mouvement

L’écriture se nourrit de temps arraché à la cacophonie de la modernité et de régularité.  Donc, on ne saute pas un jour sans broder quelques lignes, sans confier à l’écran ou au papier un état d’âme, une pensée, un dialogue à intégrer dans un chapitre de roman.

Oui, les états de grâce existent où les muses et les esprits des disparus nous soufflent l’image émouvante et la rime parfaite, mais bien plus souvent qu’autrement il nous faut un brin de fatigue oculaire pour que jaillisse un texte convenable qui saura faire réfléchir ou à tout le moins émouvoir le lecteur en sa chaumière.

Malgré les apparences, je n’ai pas le verbe facile.  Je suis timide.  Je me fais violence, puisqu’écrire m’est nécessaire pour vivre.  Tiens, je vous écris en ce moment dans le silence. Pas de télévision allumée pour distraire le regard, pas de Messenger ouvert, par de musique pour m’éviter le risque de m’envoler sur une mélodie.

Le livre en devenir se forge à coups de phrases prélevées, voire cueillies dans l’air.  Qui de l’imaginaire et de la raison se met au service de l’un ou de l’autre ?  Je ne saurais dire.  Cela importe peu.  Allons de l’avant, la vie étant dans le mouvement, dans le geste, des mots qui défilent et de l’iris qui lit…

À suivre…

 

© Texte, Denis Morin, 2018

Le parcours de l’artiste

L’artiste vit son parcours

Il inspire l’affection,

La haine ou l’indifférence

Il est ce qu’il est

Il crée, parfois il fait la récréation

Pour le peuple

Ou il éveille les consciences

 

Après son trépas

Le notaire et les ayants droit entrent dans la danse

Question de blé et de fiscalité

Formalités, vous dirais-je

 

L’artiste vit ses beaux jours

Il écrit, crée, crie, décrit

Peint,  danse, filme, pianote, chante,

Tournoie sur lui-même

Et dans son mouvement giratoire,

Veut toucher l’autre

 

Il est capté par le désespoir

La planète tel un navire qui coule

Il doit penser à émouvoir

Si l’ombre d’un journaliste lui tend un micro

Puis à se vendre

Sur les réseaux sociaux,

Promotion oblige

 

L’artiste s’époumone

À chercher la lumière du projecteur

Sur soi

Souvent, ça ne vient pas

Les lampes sont éteintes

Les regards sont détournés

Et l’artiste s’en retourne

À son silence,

À sa tanière

 

Circulez, circulez, les citoyens

Y a rien à voir

 

L’artiste sait qu’il vivra

À titre posthume

Émotion dans la voix

Non, je n’ai pas le rhume

Par ses œuvres

Par l’amour ou son contraire

Qu’on lui vouait

 

S’il est né sous une bonne étoile

Son nom sera dans le Robert

On aura des pistes de recherche

Aux archives nationales

Ou dans une vieille malle familiale.

 

Quant à moi,

Je lirai ma poésie

J’animerai des ateliers

Et j’écrirai des billets tel celui-ci

Comme autant de bouteilles…

Un homme à la mer !

 

© texte, Denis Morin, 2018

 

 

 

Je vais… tu vas…

Je vais

À pas de loup

Tu vas

Parfois à pas de biche

Tantôt à pas de buffle

 

Je cours

Après le temps qui passe

Tandis

Que tu te prélasses

J’accours

 

Tu soupires

Les heures fuient

En retard

En décalage horaire

Pourtant, j’avais tout planifié

Sauf les imprévus

 

Tu rages

Tes doigts tambourinent…

Je suis en nage

Je vais…

Au pas cadencé

Au fond, tu vas…

Bien amusé(e)

De me voir courir.

 

© texte, Denis Morin, 2018

 

Tes pas

Tes pas sur la neige

étrange manège

drôle de sortilège

pourrais-tu revenir ?

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras

 

Tes pas sur la grève

tous ces oiseaux qui crèvent

d’un manque de rêves

on ne peut les voir revenir

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras

 

Tes pas dans la forêt

je te suis à la trace

ton regard vert fougère

me hante, m’exaspère

 

C’est un blues qui n’en finit pas

et j’étais si bien dans tes bras (bis)

 

© Texte : Denis Morin, 2013

Je dessine

Je dessine

À l’encre de Chine

Des murailles qu’il me faudra traverser

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

Je cuisine

un potage, des mirages

c’est ton parfum que je veux retrouver….

 

Je devine

En sons et en images

Mes doigts gambadent sur une portée

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

Je m’échine

À espérer tes lèvres glycine

Comme un reflet sur mon clavier

 

Tout cela pour me rendre jusqu’à toi

Pourquoi douter de moi

Je suis digne de foi, je suis digne de toi

 

 

© Texte : Denis Morin, 2013

Sur une rive familière

Sur une rive familière

tu bois ton expresso

je te masse le dos

tu me parles d’aujourd’hui

je pense à demain

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai

 

Sur une rive familière

tu esquisses des mots

mes yeux en photo

tu es mon aujourd’hui

je suis ton demain

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai

 

Sur une rive familière

tu as laissé ma main

j’ai glissé vers demain

et le muguet éclot

je vis notre aujourd’hui

 

Il y a longtemps que je t’aime,

Jamais je ne t’oublierai.

 

 

© Texte : Denis Morin, 2013

La Seine

La Seine joue bien au ruisseau

et roule ses hanches basanées,

une douce bossa nova

pour consoler les exilés

 

Sur le pont Mirabeau

là, je me souviendrai…

Ah !  ta peau épicée…

 

De ma fenêtre, j’aperçois

l’acier des toits et la cohue

mes yeux se perdent dans le vide

comme une sorte de spleen

 

Puis, je file à l’anglaise

avec un journal sous le bras

mieux vaut se rendre au café

et de là, rêver à la Seine

 

Au pont Mirabeau

là, je me souviendrai…

de tes lèvres sucrées.

 

© Texte : Denis Morin, 2013

 

 

 

 

 

© Texte : Denis Morin, 26 décembre 2013, Deux-Montagnes, Qc, Canada

Je t’écris

Je t’écris pour te livrer

Ce qui m’est arrivé

Mes souvenirs comme nos pas emmêlés

Dans la neige blanche de janvier

 

Tu ne sais plus me regarder

Mon ami, mon frère

Mon ennemi, mon frère

 

J’étais l’aîné, le plus grand

Et toi le p’tit dernier

Mais au fond, tu étais le plus doué

Pour affronter la vie et ses démêlés

 

Entre nous deux, j’ai toujours su

Qui serait le gagnant

Je t’accorde raison une fois de plus

Sois fier de tes entêtements

 

Tu ne sais plus me regarder

Mon ami, mon frère

Mon ennemi, mon frère

 

Je t’écris pour te livrer

Ce qui vient d’arriver

Bientôt je verrai nos ancêtres

Tu parleras en bien de moi peut-être

 

Tu sauras bien me pardonner

Mon ami, mon frère

Mon ennemi, mon frère.

 

© Texte : Denis Morin, 2 octobre 2013, Deux-Montagnes

Claire d’Assise, hymne au Créateur

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Il est bien étrange comment une histoire d’amitié avec un personnage historique survient dans notre vie.  Sainte Claire d’Assise est fêtée le 12 août.  Or, ma sœur cadette est née en la Sainte-Claire et l’une de mes sœurs aînées possède Claire parmi ses prénoms.  Quant à moi, c’est en lisant sur le Pauvre d’Assise que j’ai vu apparaître Chiara Offreduccio di Favarone (1194-1253).

Dans un premier temps, j’écrivis en 1993 une pièce de théâtre (non publiée) intitulée La dame aux cailloux, tout simplement parce que Claire avait l’habitude de réciter des patenôtres avec des cailloux.  Cette pièce fut jouée une trentaine de fois de Rivière-du-Loup à Ottawa.

Vingt ans plus tard, Claire me revenait à la mémoire.  J’ai alors annoncé aux Clarisses de Valleyfield, en banlieue de Montréal, mon intention de reprendre la marche en poésie en Ombrie.  Elles m’ont soutenu à leur façon par leurs prières.  À mon tour, je me suis mis à genoux intérieurement pour écrire Claire d’Assise, hymne au Créateur.

Fait à noter qu’elle fut la première femme à fonder une communauté religieuse dans l’histoire de la chrétienté.

Les titres des poèmes de ce recueil vont comme suit :

Si temps je perds

Les cailloux

En plein midi

Ostensoir

François

Privilège de pauvreté

Pierre d’assise

Ma sœur la lune

Les cinq Plaies

Une truite du Topino

Ma sœur l’eau

Si cela chante à Dieu

La fuite des mercenaires

La bénédiction du pain

Le cep et la paille

Le plus beau des mariages

Il chiostro (le cloître)

Nativité

Bientôt, je m’en irai

À vous, mes sœurs.

Pour clore ce temps de parloir, Claire me permet de vous livrer un extrait de Ma sœur, l’eau :

« Ma sœur l’eau,

Baptise ou frisonne sous le vent

Devient parfois neige, glace ou vapeur

Transforme le jeûne en banquet

Car elle reflète la lumière du Ciel. »

 

© texte et photo, Denis Morin, 2018

 

Édith Stein, triptyque

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En poésie biographique (fusion deux genres littéraire, la biographie et la poésie), ce sont les personnages (sur lesquels on aura à écrire) qui nous invitent plus ou moins subtilement, nous guettent, nous saluent dans les rayons d’une bibliothèque ou par le biais d’articles spécialisés.

Par exemple, j’ouvre une revue d’histoire où l’on traite de religieux nés dans le judaïsme convertis au catholicisme qui terminèrent leur destinée terrestre dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau.  Parmi eux, le nom d’Édith Stein (1891-1942) attire mon attention.  Pourtant, Stein est chez les Juifs ashkénazes est aussi commun que le patronyme Tremblay chez les Québécois ou Dupont pour la population française.  Ma curiosité me fait découvrir une femme singulière et plurielle : philosophe, enseignante, conférencière, polyglotte, traductrice, féministe, puis carmélite.

L’impact le plus important qu’elle eut ne fut pas celui de l’intellectuelle féministe dont on publia les traités sur l’éducation et autres ouvrages savants après sa mort, mais ce fut plutôt par son attitude.  Elle encourageait ses élèves, forma des Dominicaines, intercéda aux jours sombres du nazisme et devint un ange de compassion auprès des voyageurs, victimes de la Shoah.

À travers ce recueil Édith Stein, triptyque, je dépeins sa vie, le milieu philosophique du temps (elle était disciple d’Edmund Husserl, concepteur de la phénoménologie), les Carmels de Cologne, en Allemagne, et d’Echt, en Hollande.

« Plus près de notre époque, des témoins rapportèrent

Avoir vu une fascinante carmélite et sa sœur Rosa

Avec une étoile jaune en guise d’identité ainsi elles allèrent

Malgré la mort à l’orée tant de Lumière divine émanait de ces visages las. »

 

 

© texte et photo, Denis Morin, 2018

 

Je suis un artisan

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Je travaille à la manière des artisans, en faisant preuve de patience, de résilience et de foi en mon talent.  Si je n’y crois pas moi-même, qui me suivra ?  Je mise sur la durée, les heures passées à lire, à me documenter, à réfléchir et à enchaîner les mots les uns aux autres pour donner sens à ma vie.  Je ne serai jamais la saveur du jour, je le sais, mais on parlera de moi demain, de mes recueils de poésie biographique sur Camille Claudel, Auguste Rodin, Barbara, Félix Leclerc et bien d’autres.  Je ne souhaite aucunement être une étoile filante qui tombera aux oubliettes.  J’écris parce que je ne sais rien faire de mieux.  J’écris aussi pour partager.  Par conséquent, le moment de la lecture devient communion entre l’auteur et son lecteur.

©  photo et texte, Denis Morin, 2018

Le bleu du rêveur

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J’ai toujours aimé

Déposer une goutte

Bleu de méthylène

Ou encre

Provenant d’une bouteille

Dans une eau tranquille

Pour le tourment momentané

Causé dans l’ordre des choses

Non, je ne suis pas

Seiche qui s’esquive

Mais juste un rêveur

En train d’attente

Sur le quai d’une gare de train

Des images et des sons

Pour que les mots s’ensuivent…

Il suffit de voir…

On sort du métro ou on descend du bus pour se rendre chez soi.  On se questionne sur la pertinence de l’écriture dans sa propre vie.  On lève la tête vers le ciel.  On sursaute, puis on saisit son cellulaire pour capturer cette plume éphémère dans le ciel.  Un signe et une coïncidence pour soi, un banal nuage pour le voisin.

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© Denis Morin, textes et images de ce blog, 2018

Les salutations de Mariam

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Il arrive parfois qu’un personnage historique sur lequel on écrit nous habite et nous accompagne au-delà du point final.  On a développé une complicité telle que cet être devient un proche qui se manifeste à nous de temps à autre.

Prenons le cas par exemple de Mariam Baouardy, deux semaines après la parution du recueil, je vis en songe une moniale, plus précisément une carmélite à voile blanc (voile de tourière) au teint basané s’élevant dans le ciel.  La scène prit une allure solennelle.  Elle portait couronne d’épines et souffrait des stigmates du Christ.  Elle ouvrit les bras, inclina la tête sur la droite, puis les épines enfoncées se métamorphosèrent en une volée de colombes.  Ce songe, je le fis à deux reprises à quelques nuits d’intervalle, nullement effrayé de cette vision.

Puis, je communiquai par courriel avec une carmélite (personne-ressource) du Carmel de Bethléem (voir le billet antérieur sur Mariam), en prenant soin de bien lui décrire la scène comme si nous étions au théâtre et que Mariam fût sur les planches.  Ma correspondante me rassura en me disant que j’avais bénéficié de la visite de la sainte qui se manifestait ainsi à certaines de ses consœurs cloîtrées.  Par conséquent, je devais me considérer privilégié.

Somme toute, écrire sur elle fut une suite d’instants de grâce.  À sa façon, Mariam m’avait manifesté tout simplement sa gratitude.  Je pense à elle souvent.