La chatte périurbaine

Chatte périurbaine

La chatte périurbaine

Ou de banlieue

Rive nord

N’a que faire

Des mondanités du Plateau,

Notre Montmartre à nous

Elle se fout des voitures

Qui la contournent

Et la klaxonnent

Le matin

Elle effectue sa tournée

Soit quatre maisons

Dont la mienne

Où elle hume les roses

Et le trèfle

Au soir tombé,

Elle entre chez elle

La chatte au pelage

Écaille de tortue

Satisfaite de sa journée

De farniente,

Alors que les humains

S’arrachent les yeux

Sur leur ordinateur

Et que leurs paupières s’écaillent

Sous la lumière artificielle

Des écrans.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Les galets

Neige et galets

Fond neige

Au soleil

Galets

Délivrés

Peu à peu

Gangue de glace

Crocus prêt à bondir

Se réchauffe le sol

Bulles d’air

Puis eau absorbée

Par la terre

Sous la pierre

Aménagement minéral

En bordure de route

On imagine

Une mer imaginaire

Ayant poli

La matière

Pour la rendre ronde et lisse

Julia et Patrice

Rangez le bac à recyclage

Allez, les rêveurs

Vous n’êtes pas à la plage…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Pot d’argile et pousse de cèdre

Pousse de cèdre

Trouvée

Ramassée

Dans une plate-bande fleurie

Transplantée

Dans un pot d’argile

Par le gel

Éclaté

Fracassé

Fragments à confier

Au potager

Pot d’argile

Sa course terrestre

Finira

Au pied du cassis

Rescapée

Pousse de cèdre

Sera dorlotée

Chouchoutée

En ma demeure

Avant de connaître

Dans deux ans

De l’hiver

Les rigueurs.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Hisser les voiles

VoilesRueStMarc

France,

Iles Britanniques,

Les vagues frappaient

La coque

Des bateaux

Longue et lente traversée

Océan mauvais

Jurons des matelots

Vents du large

Laisser famille et pays

Voir devant soi

Avenir et pays

En autant de s’y rendre

À bon port

En autant d’avoir le pied marin

D’humer l’air salin

D’avoir des projets plus grands

Que le passé

Dont on voulut

Se délester

En quittant le port

Des bras familiers

S’agitaient au loin

Sur le quai

Partir

Ne jamais revenir.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Entre deux saisons…

Cèdre-glaçon

Cèdre-glaçon

N’a qu’une seule envie

La fonte

Le recul

Du froid

Et les chauds rayons

Cèdre-glaçon

N’a aucun intérêt

Pour des chansons

Des ballades

Du poète

Balancement du recyclage

Dans les grands bacs

Tout près

Papier, verre, plastique

Gymnastique

Doigts figés

Main de glace

Puis léger silence

Entre deux Saisons de Vivaldi.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Le poinsettia

Poinsettia

 

Poinsettia rescapé

Après au moins

Deux Nativités

Il se montre frêle

Cherchant la lumière du dehors

Je lui ai gardé

Sa robe or

Comme élément de décor

Pour ne pas miner son moral

Je lui verse souvent

De la tisane

Du thé

Poinsettia aux rares feuilles

Écarlates

Il tourne plutôt au vert

Je devrai le tailler

En avril ou en mai

Je n’ose me prononcer

Sur sa longévité

Mais je l’aime

En cet aspect indompté.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Feuilles captives

Feuilles givrées

L’eau devenue glace

Les feuilles furent prises

Captives de l’eau gelée

Évocation du temps qui défile

Seuls la chaleur

Et le sel peuvent raviver

La course des feuilles

Qui auraient bien aimé

S’envoler vers d’autres cieux

Comme le firent

Les oies blanches

Et les outardes

En survolant à temps

Les forêts embrasées d’octobre.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Solitude

Elle marche

Boulevard Raspail

Aucun rendez-vous

N’est prévu

Elle file

À pas lents

Menée par sa solitude

 

Il marche

Le long des murailles

Dans le Vieux-Québec

Il aimerait bien des becs

En fait, son agenda est vide

Les cases toutes blanches

Pour sa solitude

 

Elles/ils marchent

Par les escaliers de Montmartre

Chanter des airs de Piaf

Sur une place pour quelques centimes

Réjouissez-vous, réchauffez-vous

À la galerie de Juliette Bart,

Le meilleur remède contre votre solitude.

 

© Texte, Denis Morin, 2019

 

Vidéo lecture  »Dans l’ombre de Félix et Piaf »

Vidéo de la lecture  »Dans l’ombre de Félix et Piaf », du vendredi, le 13 septembre 2019, à la Maison des écrivains et des écrivaines du Québec / UNEQ
conception vidéo : Lorraine Lapointe
photos : Joseph McNamara
musique baroque, Vivaldi…

Silencieuse samba

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Le vingt mars

Au soir

Pourtant, de mon observatoire

Je constate

Le retard du printemps

Neige au sol

Pas de parasol

En vue

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Reportons à plus tard

Coupe de rosé

Ou de sangria

Silencieuse samba

Le vent est froid

Sous la tonnelle…

Tonnelle

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Sang-mêlé

Je suis de sang-mêlé

Avec des patronymes français

Flottant dans les cordages

Pour seul bagage

L’espoir

L’un d’eux avec un titre reçu

Un autre, noble déchu

Appels du vent

Bientôt des histoires anciennes

Saint-Malo et La Rochelle

Échos du large

Chargé d’air salin…

Non loin de l’Écosse

Une aïeule et son tea pot marron

Se glisse dans la généalogie

En devenir

Dans sa cuisine

Ça sent toujours ses bons biscuits

Recettes transmises entre cousines…

Pour les yeux bridés

Et la peau cuivrée de l’enfance

Y a-t-il mal à être Malécite

Par icitte

Sur le bord d’un long fleuve

Piège à peintre, à touristes

Gouffre continuel à tempêtes

Dans ce pays d’hiver

Se conjuguèrent

Misères paysannes

Misères ouvrières

Je veux plus que vos vies d’usure

Je vais mieux

Grâce à vous,

Salutations respectueuses

Aux valeureux ancêtres

En ce poème réunis.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019