Coccinelle et ombrelle

Cocinelle

Petite coccinelle

Cherche la fraîcheur

Et transforme

Feuillage d’églantier

En ombrelle

Que de mystères

À conserver sous les élytres,

Sorte de livrée

À pois

Pouvant inspirer

L’audacieux couturier

Les pucerons

N’ont qu’à fuir

Cet élégant prédateur

Qui ravit

Enfants et jardiniers.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Grâces florales

Pivoine du Japon

En blanc

Pivoine tout court

En rose

Le merle et le cardinal

Accourent

Du fond de la cour

Survolent

Les grâces florales

Endimanchées

Je m’incline

Devant tant de beauté

Fasciné

Suis-je

Par l’éphémérité

Dis-je

Hanté

Par la fragilité

Du jour.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Au sortir d’une corolle

Bourdon

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Acouphène qui s’éveille

Ou prémonition

C’est pareil

Vibrato

La réponse surgira

Dans quelques secondes

À la porte

Ou au sortir

D’une corolle

C’est pareil

Car c’est la vie qui s’éveille

Ça me bourdonne

Dans l’oreille

Ce peut être toi

Que je tire

Du sommeil

Ce peut être toi

Qui s’annonce

Au sortir

D’une corolle.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

Cognassier fleuri

Cognassier en fleur-1

Mon cognassier du Japon

Se plaît

Au printemps

À jouer

Le cerisier en fleurs

Pour rivaliser en beauté

Avec le pommier,

Celui du voisin

Mon cognassier du Japon

Attire les abeilles

Et les bourdons

Ses épines,

Rappel horticole

De son appartenance

À la famille des rosiers

À chaque année

Je m’écorche

Un bras ou le menton

En cueillant

Ses fruits,

Beauté farouche

Que mon cognassier du Japon.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Les arbres s’agitent

Conifères-Laval

Comme tu vois

Les mots repartent

À la conquête du printemps

Comme rivière en débâcle

Comme spectacle

Remis derrière rideaux fermés

À la fin de l’été

Comme tu le sens

Les paroles se libèrent

Sur la place publique

Même si virtuelle

Même si les trains

Sont vides et ponctuels

Comme tu vois

Les arbres

S’agitent

Dans les courants d’air

Pendant qu’on cogite

À la conquête du printemps

Du moins mentalement.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Imaginaire sans frontières

CoucherdesoleilDMontagnes

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

En une destination

Gare

À toi si tu restes

Immobile

Tu pourrais prendre

Racine

T’incruster

Dans une routine

Obsessionnelle

Voire maladive

Ta pensée

Ne se confine pas

En un lieu

Retiens bien cela

Car la vie

Ne te le répétera pas

Cent fois.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Retailles

Retailles

Retailles

Rébus

Porte ouverte

Sur l’imaginaire

Opportunité créatrice

Retailles

Ébréchure de papier

Origami parti

On ne sait où

Par-delà les murailles

Retailles

Vaisseaux libres

Voguant au radar

Dans les ténèbres

Éclat clair

Phares en mouvance

Ciseaux rangés

Dans un tiroir

Le poète avait écrit

Hier un poème

Et un dessin naïf

Source de joie

Pour les uns

Source d’irritation

Pour quelqu’un d’autre

Retailles

Ne jamais être dans l’unanimité

La plus béate qui soit

D’ailleurs, au jardin

Le poète constate

Que les pousses sortent de terre

Attirées vers le haut

Tout comme ces retailles

À la recherche inespérée

De la lumière du ciel.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

Vingt secondes…

 

Le train était vide

Mais ma tête trop pleine

De soucis

Artificiels ou vrais

Qui sait

Deux outardes

Deux colverts

Sur la rive

Dans les wagons

Aucune âme qui vive

Sauf l’esseulé

Le grand dadais

Une fois parvenu

Gare centrale

Quelques clodos

Un vendeur de café

De thés aromatisés

Un agent de sécurité

Qui surveillait

Quoi et qui au juste

Puis corridor

Je m’endors

Il pleut

Lumière bleue

Dehors

Direction métro

Quelques clodos

À qui j’offre

L’ivresse

De l’orangé de mes clémentines

Puis je monte

En surface

Il pleut

Semelle fendillée

Pied gauche mouillé

Prévisible comme ce printemps frisquet

Je me répète semelle fendillée

Non, ce n’est jamais

Mes lèvres qui le sont

Jusqu’aux oreilles

Le sort de l’humanité

Me pèse

Trop

Pour me donner aux facéties

De l’humour

Car trop d’amour

Me font courber les épaules

D’ailleurs, pour celles des autres

Si rares sont-ils

Elles circulent à deux mètres

Consigne réglementaire

Dans la ville

Je vais fébrile

D’arriver à destination

Vite le savon

Les vingt secondes

Je les compte

Avant le café

Et un brin de comptabilité

 

Vingt, dix-neuf, dix-huit

Dix-sept, seize

Quinze, quatorze

Treize

Douze, onze

Dix, neuf

Huit, sept

Six, cinq

Quatre, trois

Deux, un

Zéro.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Les galets

Neige et galets

Fond neige

Au soleil

Galets

Délivrés

Peu à peu

Gangue de glace

Crocus prêt à bondir

Se réchauffe le sol

Bulles d’air

Puis eau absorbée

Par la terre

Sous la pierre

Aménagement minéral

En bordure de route

On imagine

Une mer imaginaire

Ayant poli

La matière

Pour la rendre ronde et lisse

Julia et Patrice

Rangez le bac à recyclage

Allez, les rêveurs

Vous n’êtes pas à la plage…

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Pot d’argile et pousse de cèdre

Pousse de cèdre

Trouvée

Ramassée

Dans une plate-bande fleurie

Transplantée

Dans un pot d’argile

Par le gel

Éclaté

Fracassé

Fragments à confier

Au potager

Pot d’argile

Sa course terrestre

Finira

Au pied du cassis

Rescapée

Pousse de cèdre

Sera dorlotée

Chouchoutée

En ma demeure

Avant de connaître

Dans deux ans

De l’hiver

Les rigueurs.

 

© Photos, texte, Denis Morin, 2020

Perles d’eau

Rosée

Gouttelettes de pluie

S’accrochant

Filet pour la vigne de mai

Miroitement

Perles d’eau

Broderie

D’une fée cristalline

Mars déçoit,

Trop pris à la guerre

Pandémie dans l’air

Je range mes notes

D’impatience je pianote

Sur un clavier

Portée de mots

Plutôt que de notes

La musique se vit en moi

Celle des gouttelettes

Tombant contre le bois

Ruissellement

Neige en fonte

Floraison de pommier

En rêve

Je suis un voyageur en grève

Devant la gravité…

Des actualités.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

Entre deux saisons…

Cèdre-glaçon

Cèdre-glaçon

N’a qu’une seule envie

La fonte

Le recul

Du froid

Et les chauds rayons

Cèdre-glaçon

N’a aucun intérêt

Pour des chansons

Des ballades

Du poète

Balancement du recyclage

Dans les grands bacs

Tout près

Papier, verre, plastique

Gymnastique

Doigts figés

Main de glace

Puis léger silence

Entre deux Saisons de Vivaldi.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

Sotto voce

Tulipe1

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Tu l’as toujours su

Et moi, j’ai toujours nié

Que les bourgeons d’avril

Les fleurs de mai

Sont engourdis

Au creux des arbres

Au creux de ton cœur

Ça, tu l’as toujours su

 

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Au piano, fais-moi un arpège

J’aurai l’évidence

Je me tairai

J’avouerai

Que tu as raison

Une fois de plus

De ressentir la musique

Et la vie sous une apparente mort

 

Les fleurs dorment toujours

Sous la neige

Tu me parles de la poudrerie

Qui soulève les flocons

Je t’écouterai

Je retiendrai tes paroles

Quand tu me déclares

Sotto voce

Che i fiori dormono sempre

Sotto la neve.

 

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2020

 

 

 

 

 

La feuille cuivrée

FeuilleCuivrée

Feuille cuivrée

Donnée

Par le chêne

Haut de sa dizaine d’années

Remède contre la morosité

Chant des fées

Si on sait bien écouter

Le souffle entre les branches

Surtout un dimanche

Elle est tombée

Au sol

Et c’est sur l’herbe jaunie,

Flétrie

Qu’elle me fût remise

Comme présent

Comme gage d’un printemps

Promis d’avance

Rien d’autre à ajouter

Si ce n’est que l’arbre

Conserve sous l’écorce

La sève

Des nouveaux bourgeons

D’une nouvelle feuillaison.

 

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

 

 

Silencieuse samba

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Le vingt mars

Au soir

Pourtant, de mon observatoire

Je constate

Le retard du printemps

Neige au sol

Pas de parasol

En vue

Fait divers

Ce devait être

Fin d’hiver

Reportons à plus tard

Coupe de rosé

Ou de sangria

Silencieuse samba

Le vent est froid

Sous la tonnelle…

Tonnelle

© Photo, texte, Denis Morin, 2019

Sur l’autre rive

Partir,

Me dissiper,

M’anéantir

Me fondre

Comme une rivière en débâcle

Comme une saison si blanche

Si grise

Si terne

Dont on se lasse

Dont on délace

Les bottes

Pour qu’elle puisse justement

Partir

J’accroche

À la patère noire

Mes vêtements d’hiver

Tes vêtements d’hier

Pour aller te rejoindre

Sur l’autre rive

Où la grive

Et le soleil

Donnent au jour

Des éclats vermeils

J’arrive(rai)…

 

© Texte, Denis Morin, 2019