L’heure bleue

Un peu d’hiver

un fait divers

ses pensées s’égarent

fin de corridor blanc

ne débouchant sur rien

si ce n’est que le néant

elle raconte une même histoire

du matin jusqu’au soir

dans sa tête une heure bleue

en toutes circonstances

elle voudrait bien

parvenir à une autre fin

mais son délire l’emprisonne

et surtout

n’allez pas dire à personne

que son esprit déraille

qu’elle se sent sur une ligne de faille

prête à chuter

elle vous en voudrait

de jour comme de nuit

un peu d’hiver

un fait divers

que son absence prolongée

que sa voix insistante

pour une boîte téléphonique épuisée

c’est le conte Pierre et le loup

se rejouant en boucle

nous voilà au village

et elle, prisonnière

au cœur de la forêt des regrets.

En mode

En mode

Je me suis mis en mode

silence

j’ai lu

les lignes sinueuses

mystérieuses

de tes murmures

jusqu’à moi

tu t’es mis en mode

paroles

dénouant les nœuds

de l’incompréhension

nous nous sommes mis

en mode unisson

pulsations

souffle

accord commun

Transit

Il nous faudra

sortir de l’onde

le quai

ranger le mobilier

de l’été

et les kayaks

oublier le thé glacé

et le vin rosé

renoncer aux nénuphars

et aux quenouilles

à nos pieds créant

des remous

il nous faudra

endosser le chandail de laine

trouver mitaines et gants

penser au prochain voyage

chassant l’hiver

de notre regard

nous serons clématites

toi et moi

pieds à l’ombre

et tête au soleil

par les rues

du monde

Hors des sentiers battus

Qu’avons-nous fait

de nos 20 ans

de nos cheveux

dans le vent

de nos courses

dans les champs d’été

nous étions deux

dix, cent et mille

et plus encore

à rêver

à remonter les courants

nous ne voulions pas

de la vie de nos parents

nous cherchions un sens

à notre ronde folle

aux délires

et nos rires

au petit matin

après les délices de la chair

et du vin

qu’étions-nous

en fait

nous n’étions ni meilleurs

ni pires

que ceux et celles d’avant nous

nous voulions redéfinir le temps

Et ses limites

nous souhaitions

que la société soit autrement

nous voulions être

libres

hors des sentiers battus

Le castor

Le castor

arpente son terrain

retire les herbes desséchées

cogite autour

de ce qui sera son futur potager

arpente la forêt

de l’autre côté de la rivière

en imaginant d’autres paysages

et d’autres sentiers à parcourir

il défriche, il scie

et pense aux disparu.e.s

ceux et celles

maintenant hors de sa vue

mais toujours présent.e.s à son esprit

le castor

s’avère un solitaire sentimental,

un solidaire de la réalité des autres

en dépit du silence

qui l’entoure

toutefois, ne lui présentez pas des artistes

à sa porte de bois

car il se montrera le plus volubile

des hommes

causant d’une exposition ou d’un film à voir

ou d’un ouvrage d’Albert Camus à lire et relire

la visite partie

il replonge dans son mutisme

et s’affaire dans une relative routine

sans trop savoir pourquoi

comme Sisyphe

Le chat

Le chat

voyage

entre ville et villages

au gré de ses humeurs

et des spectacles à voir

retraité, il fuit les horaires

l’agenda prend la poussière

le chat

semble flotter sur un nuage

en apparence,

rien ne semble le troubler

si ce n’est la maladie et la mort

de ses proches

mais il préfère de beaucoup

la fête et la danse

et que dire de s’étendre

nonchalamment sur une serviette

à la plage, sous un parasol

le chat

est comme cette rose naissante

au jardin

que l’amoureux aimerait bien contempler

longtemps

avant qu’il ne reprenne la route.

Un dimanche-rivière

Un dimanche-rivière

lumière

et ces nuages qui coulent

sur l’onde

les canards ne sont jamais trop loin

observateurs discrets

pendant que tu pagaies

et filmes des herbes enlacées

lumière

la quiétude est contagieuse

en cette fin d’été

nous sommes loin de la ville

il me plaît à penser

que nous émanerons un jour

de l’ère de la chronique

pour verser vraiment

dans une créativité hors soi,

même si certains prétendent

que l’expérience personnelle

peut attendre l’universel

et pourquoi pas

moi, parfois j’en doute

Nous sommes

Jusqu’où

va l’amour

il se décline

en mots

en gestes

en déclarations

même silencieuses

de tous les jours

en nuits d’étreintes apaisantes

jusqu’où

va cette vague profonde

sous la surface du quotidien

rien n’est pareil comme hier

et tout se rejouera demain

il y a la peur de se perdre

à côté de la sérénité

d’être là

jusqu’où

va l’amour

du premier regard

qui se poursuit bien

au-delà

du dernier souffle

ta présence en moi

demeure immuable

car nous sommes

Sally-Coeur

Sally-cœur

ne veut pas

passer inaperçue

longiligne

un fil tenu

en bord de berge

comme en bord de rue

quand on la complimente

elle s’empourpre

elle aime à cœur fendre

elle se dévoue

se démène

toute la semaine

pour sa famille

sa marmaille ingrate

sort la lessive

lavée au savon

sans phosphate

été comme hiver

l’étend sur la corde

en espérant

qu’il ne pleuve pas

de sitôt

Sally-coeur

son père pour la narguer

l’appelait Sally-Care

il avait raison

sur un point

faudra bien un jour

qu’elle apprenne

à s’aimer davantage

avant d’essaimer

sa tendresse

Quiétude

Imagine

ce bouquet d’août

porté à ton cou

cette eau ruisselante

de bord de rivière

qui va de l’amont à l’aval,

musique à mon oreille

le huard se met de la partie

il plonge dans l’onde

imagine

ces deux biches timides

traversant l’orée du bois

les oiseaux se sont tus

et nous les avons imités

admiratifs de tant de grâce fragile

imagine

ces nuages survolant ton front

à l’heure précise

où le calme appelle

la tendresse et les murmures

imagine

toi, moi

nous deux

transportés dans ce présent

quiétude

Promenade

Les amoureux

se promènent

par les rues du Plateau Mont-Royal

aux arbres solidaires

les branches tendues vers les balcons des citadins

et les escaliers pentus

Les amoureux

se racontent

leurs faits et gestes

l’un conjugue au passé et au présent

puis l’autre au présent et au futur

pourtant, il n’y a pas de mais

introduisant le doute

sous leurs pas

Les amoureux

épient les chats aux fenêtres

guettant les oiseaux légers

enivrés de lumière et d’air chaud

des cyclistes trop téméraires

les distraient

dans leur itinéraire

Les amoureux

ouvrent une porte vitrée

présage des délices

je veux un cornet gaufré

et de la crème glacée double chocolat

et lui prendra saveur de pistache

sans oublier une touche de bleuet

au sommet ce sera pour le beau temps qu’il fait

De toute façon

La manière délicate qu’il a d’essuyer sa moustache avec une serviette de table me fascine. Je plonge dans mes pensées.

Moi Philippe, 55 ans. Depuis toujours, je suis séduit autant par la beauté des femmes que celle des hommes. C’est dans ma nature. Mon épouse m’a soufflé à l’oreille que je finirais bien par être heureux avec qui je voudrais. Puis elle a fermé la porte entre nous deux. Notre fils masculiniste m’en veut de ne pas nourrir ses convictions. Sa mère est convaincue qu’il évoluera un jour.

Mon compagnon, Maxime, 40 ans, reste une énigme. Il aime jouer du mystère, mais quand il se dévoile… Attention !

— J’y pense depuis mon enfance. Ça m’habite et puisqu’aujourd’hui c’est mon anniversaire…

— Un autre secret ?

— Il y a une femme en moi qui veut voir le jour. Je vais amorcer ma transition.

Un long silence me paralyse. Je remplis nos coupes déjà pleines et dépose doucement la bouteille de champagne.

— Je t’aimerai toujours mon amoure, de toute façon.

D’une rive à une autre

Je me languis

en cette époque

où le trash et la vulgarité

sont de mise

pour être accepté

à titre d’auteur

et d’artiste

j’aime les histoires ficelées

ouvragées

célébrant le beau

et un je ne sais quoi d’innocence

bien que je ne sois pas aveugle

conscient suis-je

des injustices et des horreurs

de notre époque

qui connaît des enjeux sociaux

comme en d’autres temps

je goûte cette liberté de créer

à ma guise

sans contrainte

si ce n’est cette soif

de m’exprimer librement

je jette par-dessus l’épaule

toute exclusion

toute censure

les images me viennent

soufflées par mon imaginaire

le scénario défile

sous mes yeux

des vies et des pensées

se créent

peu importe la structure

les personnages et les concepts

sont libres d’apparaître

spontanément

car je ne suis après tout qu’un passeur

amenant d’une rive à une autre

entre deux réalités

Saul et Rebecca

Saul et Rebecca

se frôlent la main au marché

lendemain festif du sabbat

il soulève son chapeau

montre sa kippa

elle réajuste son fichu fleuri

et sourit

leurs mères plus loin sur la place

s’amusent de leur galanterie

Rebecca se voit confuse,

se mire à la vitrine voisine

Saul balbutie quelques mots

à peine audibles

puis il trébuche

il se sent autruche

face contre terre

la tête presque dans le sable

et depuis ce temps

Rebecca le relève.

Le luxe du temps

Déambuler

Par des rues anciennes

Ne plus savoir

Ni la date ni l’heure

Les ronds des pavés

Noirs et blancs

Nous amènent plus loin

Droit devant

Un arrêt pour du thé au lait

Et une brioche aux amandes

Des oiseaux nous quémanderont

Des miettes jetées

À même notre assiette

Pourquoi se presser

Car après tout

Nous avons

Le luxe du temps

Du moins, le croyons-nous…

Qu’est-ce qui ?

Qu’est-ce qui nous éclaire

les lumières de nos foyers

le maquillage des passant.e.s

le rire des enfants

qu’est-ce qui nous blesse

les politiques outre-frontière

le cynisme ambiant des grands

l’empathie piétinée au quotidien

qu’est-ce qui nous émerveille

les songes à concrétiser

le prochain texte à écrire

ta voix qui chantonne…

Il me vient à l’esprit

Il me vient

à l’esprit

des envies d’îles grecques

de Mer Égée

de toiles tendues bleues et blanches

sous le soleil éblouissant

du midi

Il me vient

à l’esprit

tes bras ouverts

ton cœur à découvert

comme un long bord de mer

où l’on pourrait marcher

des heures entières

sourire aux lèvres

en silence

juste bien d’être là

présents l’un à l’autre.

Je t’appellerai didascalie

À l’écran

par-dessus mon épaule

tu lis mes notes

et commentes

je fais parfois le sourde oreille

si j’avais un texte imprimé

sur la table

devant nous

à portée de doigts

tu raturerais

et apposerais ta griffe

dans cet espace numérique

tu n’oses pas me contredire

tu me suggères

c’est tout

j’en tiens compte ou pas

un souffle à l’oreille se veut conseil

qui a raison, qui a tort

je ne saurais dire

cela dépend

des humeurs et des intentions

mon regard se porte au loin

il me vient à l’esprit

que dorénavant je t’appellerai

didascalie.

Nostalgie

Nostalgie des jeux de l’enfance

où à certains moments

l’insouciance était au rendez-vous

parfois, il me vient à l’idée

que tous nos âges sont noués

dans nos mémoires

suffit de chasser les nuages de pluie

et de conserver le meilleur

mettre l’accent

sur les bons souvenirs

nostalgie des villes anciennes

parcourues

à pied ou dans les livres

cours d’histoire

album de table à café

le beau et le laid se croisent

inévitablement

la patine sur les sculptures

les empreintes

les passages traversés

le bois des portes abîmé

nostalgie des chansons anciennes

par des générations et par régions

un air de France, de l’est ou du nord

chant de tête ou chant de gorge

on finit toujours

par nous dire qu’on est d’ici

qu’on est d’ailleurs

et puis, s’en balancer

aller notre chemin en fredonnant

Un jour, tu verras de Mouloudji.

Si tu le veux bien

La vie et l’amour

nous emportent

par vagues et cycles

spirales

on peine à contre-courant

mieux vaut glisser dans l’onde

ta main, ta joue, ton souffle

me frôlent et m’enivrent

rassure-nous sur le pourquoi

des choses, des êtres et des événements

mes lèvres, ma voix, mes yeux

te cajolent et te bercent

j’avance à pas feutrés

tu sautes agile

rendez-vous doux

au pourtour des jours

la vie et l’amour

nous emportent

entrons dans la danse

si tu le veux bien.

Gagner la mer

Tout commence comme un rêve d’enfant

on se voit

traversant forêt, champs, horizons

pour rejoindre une rivière

les points d’arrivée nous semblent inatteignables

hors de la carte

tout se développe en une poussée de croissance

on apprend

des notions, dates, lettres et chiffres

nos doigts tachent d’encre et de carbone

le papier des cahiers

envolés les papillons des bonnes dictées

on démêle

le vrai du faux

le bien du mal

puis, tout continue par des excès de vie

un visage qui s’expose au soleil

un cri tel un hurlement à la lune

des étoiles pleins les yeux

et les premières amours

au rendez-vous ou pas

tout commence comme un rêve d’enfant

à force de persister, d’y croire

on se dit

qu’on finira bien par gagner la mer.

Regagner son souffle

Avoir devant les yeux

une envolée

surnageant les eaux du fleuve

attirée inexorablement

vers le vaste estuaire

la rose des vents dérive

un peintre dans une cache

remplit son regard

de toute cette blancheur

à tire d’ailes

devant la grâce

les chasseurs devraient abaisser leurs canons

et contenir leur envie

de s’approprier la vie

il me semble que la liberté

pourrait regagner

son souffle.

Quel oiseau peut

Quel oiseau peut

se percher sur ces fils

disponibles et tendus

Il lui faudra ne pas

se heurter à la surface de verre

se faufiler par un contour

sans se briser les ailes

l’hiver relâche son emprise

le temps d’une éclaircie

un déplacement de nuages

s’annonce sur mon application météo

je cherche un mouvement

rien ne bouge

au fait, que savent ces voisins

de toi, de moi, de nous

d’habitude les rideaux, les volets

puis les verres teintés font écrin

on ne se salue plus en ville

depuis les parvis désertés des églises

les soirs d’été, on entend parfois

leur musique et leur rythmique de vie

tiens, un courriel me ramène

à l’instant même

aux dossiers courants

fin de ma chronique urbaine

du jour.

Car on attend toujours

Chaque photo contient une histoire

la voici, du moins celle qui point

à l’esprit du poète

cette personne avait commandé

un café noir ou presque

une goutte de lait d’avoine

pour masquer l’amertume

qui attendait-elle,

car on attend toujours

quelqu’un ou quelque chose

le chandelier ne laissait planer

aucun doute

on avait festoyé la veille

peut-être un peu trop

les bougies presqu’au ras du métal sombre

en furent les témoins

des réjouissances

mais la fête était finie

lendemain de veille

cette personne gérait sa céphalée

du mieux qu’elle le pouvait

et si cette personne c’était moi

voyageur de passage ailleurs

et si cet.te autre attendu.e c’était vous ici

pour l’instant, tâchons

de ne pas maculer la nappe claire

par nos inquiétudes.

Poème à mon père

Tôt, trop tôt

retrait de l’école

ton paternel était malade du coeur

au propre comme au figuré 

la vie t’a bluffé une fois 

tu as grandi 

et tu as épousé l’amour de ta vie 

Isabelle 

trop vite partie

la mort t’a bluffé une fois

ensuite, en plein deuil 

ta famille t’a imposé 

une servante faute d’amoureuse

Pauline ma mère 

les autres t’ont bluffé une fois

bégaiement et rage chez toi

à m’entendre si bien m’exprimer 

j’ai toujours eu le dernier mot

je me suis éloigné

malgré ton souhait de retrouvailles

pour me protéger de ta violence latente

j’ai mené mes propres batailles

même si au fond

on se ressemblait trop

j’ai ton corps comme emballage 

matin et soir, je te vois dans le miroir

mais l’intuition et la douceur de maman

coulent aussi dans mes veines

j’espère que tu vis en paix 

finalement,

là où tu es.

Nous quittons

Nous quittons

pour une gare

un aéroport

nos vies défilent 

sans trop qu’on le sache 

pourquoi ni comment 

seras-tu là demain 

je crois que oui

le gelato aux fruits

sur tes lèvres à Bari

possède des relents de juillet 

ne sois pas inquiet 

les pins parasol er les oliviers 

courbent leurs troncs

comme toi ton dos

pourtant, je vous trouve 

tout aussi beaux, toi et eux

puis, au nord

nous quittons Venise

les énigmatiques portaits de Mariano Fortuny y Madrazo

les canaux

Et sur une autre rive

les maisons colorées de Burano

On ne doit rien regretter 

Sand, Musset et tant d’autres 

Se sont aimés 

En ces lieux fabuleux 

Nous ne ferons pas exception.

Moi et vous

C’est une prairie

et quelques sapins à observer

confusion de pensées plus ou moins obscures

à diluer dans la mouvance des nuages

la pluie ne saurait tarder

se confondent les minutes

se fragmente le temps

je ne vous apprends rien

en vous annonçant

que nous sommes les voix narratrices

de nos propres vies

personne n’expérimente à notre place

c’est ainsi depuis l’aube des temps

toutefois, vous portez des gestes

d’une quelconque ancêtre

cette manière de verser le thé

toutefois, vous portez vers le lointain

cette façon de fixer une ligne d’horizon

d’un autre aïeul

c’est à n’y rien comprendre

le vrai du faux

les saisons qui s’inscrivent dans nos corps

j’ai cinq, dix-huit ans, puis plus de soixante

et des flocons à venir

par nos gênes, sommes-nous conditionné.e.s

mais par notre volonté singulière

nos propres limites nous défions

j’étais, je suis, je serai moi

vous étiez, vous êtes, vous serez vous

Témoin de vos vies

Je suis un vieil arbre

de quelle essence

je ne sais plus

seulement un feuillu

vous dirais-je

depuis toutes ces années

perdu ma frondaison

le dégarni suis-je d’octobre à avril

exposé à la rudesse des vents

mes multiples bras, je déploie

vers la voûte

des oiseaux se reposent

sur moi

vont vos songes de promeneurs

la forme je maintiens

j’évite les émondeurs

mes rides sont gravées

à même mon écorce

j’entends le rire des enfants

et les soucis des grands

témoin de vos vies

depuis près d’un siècle

et des poussières

déraciné d’une forêt

transplanté en pleine ville

mascotte silencieuse

la grâce je confère aux passants

à l’orée des vieux murs de pierre.

Passage

En voyage

est-ce le corps ou la tête

qui perd en premier ses repères

le pas ralentit ou modifie ses itinéraires

le souffle court

je m’arrête un instant

les yeux piqués par la pollution

l’oreille bloque les klaxons

on s’émerveille des promeneurs de chiens

beauté des bipèdes et des quadrupèdes

tu me parles et je te souris,

cher compagnon de vie

mon iris est attiré par ce passage

l’objectif du cellulaire s’ouvre

puis une vague lumineuse se montre

oscillante

je clique

pendant ce temps

un diablotin rigole de notre passage.

S’écrivent…

S’écrivent les mots

au détour d’une promenade dans la forêt

tout près, au bout de mes bras

comme des hiéroglyphes d’avant

s’écrivent les propos

des amoureux

confidences-baromètres

dans tes yeux, il fait froid, chaud

mais toujours beau

s’écrivent les pistes du pic

du pékan en chasse, du porc-épic en fuite

martèlement de bec

ou roulement sur le dos

l’agonie de l’été à la gorge

s’écrivent et se transposent

en stries

les murmures et les pensées

comme traits de stylo-bille

sur nos cols de chemises entrouvertes.

Écrin de silence

Se cassent les branches

et s’effritent les feuilles desséchées

sous ma semelle

se fracture l’écorce

des feuillus morts

sous mes doigts rugueux

les gants de travail oubliés

j’aime trop sentir

la fibre contre mon épiderme

pourtant, ne se décollent

jamais la mousse et le lichen

des méandres des troncs

des cèdres et des sapins

une maison se vend

rive nord délaissée

pour grande ville

en alternance avec campagne

un chevreuil évité de justesse

au détour serré du lac

vivants sommes-nous encore

tu révises les dernières pages

de notre roman

écriture à quatre mains

qui souffle quoi à l’un et à l’autre

égarement de l’esprit

alors que mes bras se chargent

du bois pour les froids à venir

parcelle de forêt saura bien

nous garder

dans son écrin de silence.

Sommeil

Grottes en coton tissé

lueur blafarde

savon au lait de chèvre

bordure du bain

nos corps de fonte émaillée

nous rêvons de décollage

silhouettes

se frôlent les épidermes

il fait chaud

il fait froid

nous rêvons d’alizé

et de rivages

perchés sur le quai

leurs reflets en mirage

deux hérons gris

présences longilignes

je m’endors en cette fin d’été

chéri, éteindrais-tu la lumière

Sous la lumière de quatre heures

C’est le temps

emportement

frottement répété

usure

passage de la semelle

tu nous achèteras

le pain patriarche,

ou celui parsemé

de graines de tournesol, veux-tu

c’est la mort

vague de fond

érosion

ce sont les êtres aimés

flétrissement

comme fleurs des champs

automne venu

comme mise en terre

puis leurs souffles s’en vont et reviennent

ce sont les âmes des trépassés

qui assistent les vivants

il ne reste si peu de choses

laine usée

veste aux coudes troués

pliée sur la chaise de bois

le chat

peluche délaissée

depuis des lunes

s’y endort

sous la lumière

de quatre heures.

Nous sommes

Nous sommes

mousse et pierre

sous des pas

souvenirs à l’esprit des passants

au souffle des vivants

nous sommes

plus qu’étiquettes et catégories

définitions au dictionnaire

cases d’un questionnaire

nous sommes

soupirs d’une biche

à l’orée du bois

d’un été trop vite passé

frissons sur l’onde d’une rivière

aux nénuphars déjà flétris

nous sommes

passé, présent, avenir

faits et projets confondus

musiques d’hier et sons de demain

je suis ligne

dans la paume de ta main

tu es ancrage

au cœur de mon œil

nous sommes

ce que nous sommes

Et que sais-tu encore

Nous sommes

des fleurs à cueillir

des pieds à libérer

des cœurs à chérir

des arbres à étreindre

nous sommes

toi et moi,

nous, eux, et bien d’autres

des multitudes

par les chemins du monde

coincés

en des habits lustrés

convenances étouffantes

cravate mal ficelée

bouton à peine tombé

tache de nacre sur le bitume

nous sommes

musiques à bercer

pluie à transpercer le tissu

et que sais-tu encore

des notes jouées

sur un toit par le ruissellement

des gouttes d’eau

L’air impassible

Comme ça

Je ne souris pas

Ne maugrée pas

Me terrassent les actualités

Mais en pensée

Ma voix appelle

Les disparus

Les égarés

Les éloignés

Du haut de ma terrasse

J’implore le ciel

Je me sens à découvert

Une tempête ici et là

Une guerre en d’autres lieux

Ici, le calme plat

L’air impassible

Comme ça

À distance

Tout autour de moi

Mon indépendance

Sous les nuages

La résilience

Je songe à la solidarité

Dans ma solitude.

À l’heure où…

Au petit matin

L’aube est nuageuse

Tu dors encore

Sous l’édredon d’un blanc de neige

Au petit matin

Je repasse en boucle

Les songes inachevés

À l’heure où mes poumons se remplissent

Mon oreille capte le chant hâtif des oiseaux

Au petit matin

Ta main inconsciente dessine

Des croquis

Dans les plis des draps

À l’heure où je bois

Un thé noir nature

Sur le quai de bois gris

Au petit matin

À l’heure des rives désertées

Tu viendras me rejoindre

La prunelle tournée vers les Montagnes Noires.

Un jardin improvisé

Mes idées volent en éclats

Cerveau congestionné

Par trop d’idées reçues

Pour se distraire

Des bandes de couleurs

En marge se placent

Au gré des humeurs

Et des mots alignés

Je respire les rêves et les désirs

Je saute aux intentions tues

Des personnages

Mon père aurait dit

Que j’ai la tête du gars

Partant à la plage

Alors que je suis l’homme

À la recherche de la bonne page,

Celle qui révèle une perle rare,

Un mot d’auteur

Le glacis confirme mon égarement

Saisonnier ou permanent

Cela a-t-il de l’importance

Reflets des bandes vertes et oranges

Composant un jardin improvisé.

Nuances

Les certitudes s’effritent,

Se morcellent

Ambre

Pour éclairer le tout

S’écoute la musique de chambre

Je me tais

Les concepts se fissurent

La polémique s’alimente

Trop de détails

Absence de distance

Rupture de culture

Époque du vide

Sommes-nous trop lucides

Tu me racontes tes projets,

Toi, l’allumeur de réverbères

Nous aimons le sépia

Des portraits anciens

Nous inventons des histoires

Aux photos à la surface oxydée

Nous déambulons

Passant d’une salle à une autre

Le classique fréquente l’éclectique

Nous vous invitons

À parcourir le musée des nuances.

Juste avant de me dire

La vie se veut fluctuante

Ondoyante

Jamais banale

Tu buvais ta bière sur le quai

Je m’étais retourné

Fixant l’onde

À la recherche de feuillage inspirant

Nous écoutions de la musique

Arabisante

Oud et mélopée

Les bulles à ras bord de ton verre

Pendant qu’un huard gagnait l’autre rive

La feuille de nénuphar

Et l’insecte aux ailes quasi transparentes

Attiraient mon iris

Une fois, l’instant saisi

Tu me souriais

Juste avant de me dire mi-taquin mi-sérieux

Tu as besoin d’un léger sourire

Pour la prochaine photo ?

Avancée sur l’onde

Avancée sur l’onde

La pagaie me propulse vers l’avant

Tu me suis parfois

Et tu me devances tantôt

Le nénuphar frôle

Et la jacinthe d’eau attire la libellule bleue

La voies-tu qui se pose

Avancée sur l’onde

Tu me parles

Mais je n’entends rien

Si ce n’est que le son de l’eau qui s’écoule

Si ce n’est que huard cherchant pitance

Avancée sur l’onde

Tu me souris

Un ciel de pluie s’annonce

Nous ne craignons pas

La moindre chute

La moindre goutte de pluie

Puisque nous sommes ensemble

Avancée sur l’onde

Arrivée au quai

Que me disais-tu tout à l’heure

Rien, je réfléchissais à voix haute

Et mes propos se sont envolés,

Et tu m’as semblé si bien,

Le corps flottant sur les eaux

Et ton esprit cueillant les corolles de juillet.

À la surface

Il a plu

À faire renverser la tasse,

Le seau

À faire sortir de son lit

La rivière

Il m’a plu

Que tu me dises

Tes paroles rassurantes

Tes mots apaisants

Il t’a plu

Que je t’étreigne

Que je souligne ta grande patience

Face à mon inquiétude

Il a plu

Des jours durant

Il me plaît

D’être dans ta vie

Il te plaît

Que je me dépose en la tienne

Hier est parti dans le courant

Aujourd’hui, la ligne des eaux est haute

Demain, les nénuphars remonteront

À la surface.

L’aire incertaine

S’égare un cerf roux

En cette aire incertaine

Roseaux et algues

Enlacent ses sabots

Lui vient parfois l’envie

À la pleine lune

De cracher du feu

S’égarent mes yeux curieux

Sur ces méandres sinueux

Qui pourraient se fondre

Dans un lit de fougères

Mes pieds glissent

Bois mouillé

Par les pluies d’un veille

De Saint-Jean détrempée

Se joue ailleurs

Le spectacle

De l’autre côté d’une fenêtre

Au crépuscule survenu

Se boit le limoncello au salon

Demain, la bière sera versée au soleil.

À chacun son tempo

Le temps se fragmente,

Enchevêtrement des minutes

Et des pensées

Tu m’écoutes

À proximité ou à distance,

Nous ajustons nos fréquences

Rien n’est grave

Tout est léger

Tel un étourneau posé

À même la vigne

Le temps se fragmente,

Dénouement heureux

Tu as pu m’attendre

Et j’ai su te comprendre

En dépit de ta vélocité

Et de mon apparent immobilisme,

À chacun son tempo.

La vie s’affiche

La vie n’est pas rectiligne

En dépit des apparences

Un tracé se dessine

autrement

Méandres de rivière

Ton parcours

On y croise des êtres

On traverse des lieux

Comme autant de destinations

La vie n’est pas que directions et détours

Il y a aussi les chemins de traverse

qui méritent notre attention

Nos questions

Nos réponses

Impressions et parfums

La vie s’affiche

La vie s’affirme

Crie haut et fort

Je te sais au coin de tes rues

Messages annoncés

Porte-voix à la main

Que tu sois coureur des bois

Daniel Greysolon, sieur du Lhut

Ou l’auteur des Mémoires d’outre-tombe.

Qui a cueilli

Qui a cueilli quoi

Sur une plage déserte

Ou en plein milieu des vagues

Emmêlé à la patte d’une tortue marine

Qui a cueilli qui

Sur une page dépliée d’une lettre

La plume émue ou l’iris ébranlé

À quel temps, conjugue-ton le propos

Toute matière

Possède sa charge de beauté

S’alternent le coquillage et le coeur

À la vue du photographe

Et qu’avez-vous cueilli ?

En quête de sens

Qu’ont-elles à nous dire

Ces chaises

Maintenant inutiles

Abîmées

Bonnes pour le rebut

Hier, elles recevaient

Les joueurs de carte

Les joueurs de tour

Les amours intenses

Les fêtes de famille

Les amitiés trahies

Deux reposaient dans la cour

Les deux autres

Dans une maison

Où on n’époussette plus

Depuis longtemps

Et que dire de ce banc voisin muet

Qui leur tient compagnie

Autrefois bien verni

Siégeant dans une nef

Enfumée d’encens

Baignée de la lumière des vitraux

À présent

Les théâtres et les musées sont devenus

Nos nouvelles églises

Pour ceux et celles qui sont

En quête de sens.

Et c’est très bien ainsi

Il y a

Ce qui reste derrière soi

Des êtres et des lieux

Jadis visités

Des regrets du passé

Il y a

Ce qui s’anime devant soi

Des êtres et des lieux

Nouvellement découverts

Des promesses d’avenir

Il y a

Des parcelles de soi

Ancrées au cœur des autres

Il y a

Des éclats d’autrui

Transperçant mes pores

Rien n’est plus comme avant

Et c’est très bien ainsi.

Promenade dans une ville

Promenade dans une ville

Toute en collines

Toute en mémoire

Je cherche ma voie

Promenade dans une ville

L’amour prend des photos

Nous voyons les mêmes choses

Et nos pas au même rythme

À demi-mots

Promenade dans une ville

Les touristes vagabondent

S’étonnent de cette ville encore debout

En pleine Amérique

Promenade dans une ville

Lente déambulation

Hier, l’Histoire

Maintenant, nous deux.

Se libérer

Je marche et m’arrête

Devant cette porte aux pourtours

D’un bleu énigmatique

Une vitre nous sépare

Elle me toise

Me défie on dirait presque

Qu’ai-je fait pour m’attirer son mépris

Elle ne dit mot

Mais mon oreille bourdonne

Son propos je devine

Constitué de rêves, d’ailleurs improbables

Et de projets en devenir

Quelqu’un l’a coincée dans ce décor de boutique

Dont elle veut se libérer

À tout prix

Je lui envoie de bonnes ondes,

Celles du poète solidaire de la peintre

Je reviendrai la voir

Lors de mes parcours journaliers

Et nous causerons

D’inspiration et de fulgurances créatrices.

L’eau récoltée

Nous avons récolté l’eau

Nos pas glissants dans la boue

En toute hâte

Avant la tombée de la pluie annoncée

Il devait y avoir

Une perdrix, une biche,

Un ours

Qui nous observaient à distance,

Humant l’air frais du printemps

Chez les humains, nous étions trois

Le premier

Dispensait consignes et savoir-faire

Le deuxième

Prenait des photos de mousse et de lichen

Sur des arbres remués par les vents

Le troisième vidait content

En silence

Les seaux de fer blanc dans des chaudières bleu Méditerranée,

En marchant, on évitait la glace qui fondait paresseusement

Puis, hop dans la cuve !

Retour à l’érablière

À l’arrivée, nous avons nourri le feu généreusement,

Mené l’eau à ébullition

Extrait le sirop de ces remous

Et pour le reste,

Libre à vous de vous créer

Votre propre scénario

Grâce à ces éclats cuivrés.

À ton âge

Maman, maman

Est-ce que le monde est réel

Vivons-nous dans la même dimension

Maman

Avais-tu les mêmes rêves que moi

Durant ton enfance

Ma douce et belle Sophie

À ton âge, je courais dans les champs

Après les papillons

J’aimais voir défiler les nuages

Et je contemplais les nénuphars

En bordure des rivières

Comme ça, maman

Nous ne vivons plus maintenant dans le réel.

Le billet

Ce bout de papier

Plié comme une voile

Pour navire amarré,

Une écharpe

Pour passant trop préoccupé,

Repose sur le sol

Sur des cristaux de glace

Tu me dis

Que je lis trop vite

En diagonale

En pente glissante

Que je dois lire mieux les intentions

Des gens comme un acteur le fait avec les personnages

La réalité s’entremêle à la fiction

Pourtant c’est mon âme que je livre

Dans les paragraphes et les strophes

Je l’ai remarqué

Ce bout de papier

J’aurais pu le froisser,

Le recycler, le jeter dans une corbeille

Peut-être y avait-il

Un numéro de téléphone inscrit

Un mot d’adieu ou de retrouvailles

Moi, j’y écrirais un mot d’amour,

Le nôtre,

En peu de lettres

Le reste se dessinera

Au fur et à mesure

Ce fragment de page blanche,

C’est aussi notre traversée à venir.

Le saumon fumé et le bagel

Mon esprit vogue

Mon œil suit d’abord le mouvement

Des vagues

Puis, la tête levée

Je divague

Sur les projets d’avenir

Tu me ramènes

Sur terre

Et me décris l’écume

La force des eaux

Tu me dis, vois

Le pélican qui plonge

L’urubu à tête rouge qui plane

Le jardinier qui nettoie

Et désherbe

Sous les haies d’hibiscus fleuris

Mon esprit vogue

Ta main se balance

Dans les airs

Mouvance

Capture de mon attention

Puis tu me parles de la rivière

Qui nous attendra

Dégelée le printemps venu

Au pied de la montagne noire

Pour l’instant

Mon esprit vogue

Et tu me ramènes

Sur terre

Nous ne sommes d’aucun intérêt

Pour le pélican

Mais l’urubu lorgne déjà

Les tranches odorantes de saumon fumé

Et le bagel abandonné

Là-bas sur une table offerte

À même une assiette

À peinte touchée

Par un quelconque touriste mécontent

D’une mer trop agitée

Et qui s’éloigne en maugréant.

Le cheval de mer

Un instant de trêve

Il veut

Loin de la cohue des villes

De l’inflation vertigineuse

De la compétition venimeuse

Du branding à tout prix

Juste un instant de trêve

C’est ce qu’il me dit

Une fois, cueillis les débris

De plastique

Sur le rivage

Il cherche la lumière

Rien de moins

Un instant de trêve

Il veut se transformer

De cheval de trait

En cheval de mer,

Les sabots gravissant le corail.

Ce paysage

Tu déambules sur la plage

Au loin

Silhouette fine et pensive

En pause de créations

Même si tu crées toujours

Dans ton esprit

C’est ton essence,

Projeter des couleurs

Sur le gris des jours

Je reste là

Étendu sur une chaise longue

Blanche et bleue

Mon regard se perd au lointain

Je me prélasse

Et je pense aux guerres,

Aux injustices,

Aux résidus de plastique

Me distraient la plongée des pélicans

Et un bernard-l’hermite sous sa conque,

Abri de fortune

Il y a ce paysage

En strates horizontales

Il y a la terre, sable et pierre

Il y a l’eau, mouvance salée

L’air chargé de sel, d’embruns

Et le feu de notre amour.

Libre comme toi

Il est comme toi

Libre

De parcourir les distances

De s’éloigner

De s’approcher

De humer le temps qu’il fait

Du haut de ses longues pattes

Il est comme toi

Fier

Intrépide

Préférant le silence de la forêt

À la cohue des villes

Il veut regagner cette rive chérie

Où poussent ces nénuphars,

Tu sais au pied de la montagne noire

Couverte de conifères,

Sur ce bras de rivière

Où tu pagaies en juillet

Ton kayak jaune soleil

Pourfend les eaux tranquilles

Un héron et des canards te jaugent,

Nullement intimidés par ta présence

Si pacifique

Tu te dis

Que cette sauvagine sera filmée

Il est comme toi

Libre

Il dissipe mes brumes.

D’un certain art de vivre

Faut-il être poète

Troubadour et chanteur

Pour terminer sa vie

Et obtenir une reconnaissance posthume

Sur une boîte postale

Être le témoin fantôme

De sa propre renommée

Faut-il être tombeur

Voyageur

Posséder une île grecque

Devenir bouddhiste

Se libérant de ses dépendances

Faut-il repartir sa carrière

Après une chute financière

Faut-il être poète

Troubadour et chanteur

Parcourir le monde

Arpenter les planches

Sous d’aveuglants éclairages

Se savoir inévitablement

Ambassadeur

D’un certain art de vivre.

Bleu-nuage

Il est de ces jours

Où l’azur se fond

Dans ces nuages

Prêts à déverser la pluie

Il est de ces jours

Où le ciel se morfond

De l’été si vite écoulé

Des corolles envolées

Il est de ces jours

Où ton corps s’enroule

Dans les draps, dans mes bras

En un lever tardif

Il est de ces jours

Où tu es pensif

Où je suis méditatif

Tout de même unis

Dans la mouvance

De ce bleu-nuage.

Après la lecture du soir

Je te donne rendez-vous à cette gare

De peur que l’on s’égare

Entre le trop-faire

Et les eaux montantes d’une rivière

Enfin, je parle pour moi

Toi, tu restes immuable

Dans tes convictions,

Ta vision des choses

Je te donne rendez-vous à cette gare

Aux allures d’autrefois

Colonnes aux frises sculptées

Dans le calcaire de Rosemont

Portes au bois verni

Poignées de cuivre terni

Touchées par tant de passagers

Avant nous

Je te donne rendez-vous à cette gare

Comblé de joies certaines

Le doute furtif quitte le quai

Dans un vrombissement assourdissant

Mais vu ma surdité progressive

S’estompe le frottis des roues sur les rails

Mon imaginaire déraille

Sur les contraintes et les horaires

Malgré tout, je t’apaise

Et tu t’endors au creux de mon épaule

Après la lecture du soir.

La grâce de l’oubli

Elle est arrivée

À son rendez-vous

La tête pleine

De rêves inavoués

Et de soucis envahissants

Perturbant sa quiétude

Elle s’est assise

Confiante tout de même

Résolue à chasser

Les ennuis

De son côté, le coiffeur

Tatoué tel un Maori

Du nouveau millénaire

Aux mains agiles

Telles des ailes de libellule

S’est mis à danser

Au-dessus de sa tête

Encombrée de pensées

Plus ou moins obscures

Puis, elle s’est regardée

Dans le miroir

Et à l’instant s’est revue

À 17 ans

Prête pour la venue du nouvel amour

Quant aux soucis du quotidien

Le coiffeur lui souffle à l’oreille

Que la grâce de l’oubli soit !

Gargouille

Gargouille

En sa verte campagne

Bien méditative

Souhaitant demain

Déjà maintenant

Anxieuse à souhait,

C’est le mal du siècle, pense-t-elle

Il lui faudra

Le pas lent de l’ours

L’envol gracieux du héron

Devant son regard

Pour la calmer

Pour l’apaiser

Apprécier le rythme décalé

Gargouille

Où vis-tu

Où vas-tu

Reverras-tu la lointaine Norvège

Et ses forêts

Et toute cette neige

Et si toute la chlorophylle des arbres

S’endormait maintenant,

Dès à présent

Sous l’envoûtement

D’une blancheur étalée.

Suite au roman  »Et cétéra »

Un livre, ça s’écrit au compte-gouttes, une page à la fois. La perle d’encre se dissout dans l’eau. Les mots se forment et les personnages s’animent et les paysages s’esquissent, sans qu’on ne sache trop pourquoi.

Dans le bus du matin, j’ai écrit de mai à hier, le 8 septembre, la suite à mon roman Et cétéra, dans un cahier à feuilles lignées. Les personnages revenaient me parler en rêve à l’occasion. À l’aube, je me disais parfois qu’ils voulaient continuer à s’exprimer et à évoluer à mes côtés. Je n’avais qu’à ouvrir la couverture d’un cahier, à saisir un stylo, puis à débuter.

Et cétéra est paru en 2021 chez JDH Éditions.

En moyenne, j’écris deux, trois pages par jour. Il m’arrive de terminer une section, puis d’écrire une ligne que je laisse en suspens qui servira d’amorce pour un nouveau chapitre. Ainsi, le lendemain, je recueille les dires des uns et des autres. Les images et les émotions surgissent en ne forçant rien comme une plante qui absorbe l’eau par capillarité.

Le manuscrit sera en dormance pour un certain temps avant de s’incarner autrement via le traitement de texte, etc.

Ta voix

Soir de fin d’été

À la campagne

Tu es habile et agile

Je suis presqu’île

Aux gestes lents

Posé là suis-je,

Devant la porte patio

L’objectif saisit ton atelier

Et toi, à la cuisine

Qui s’affaire

Nous discutons de tout et de rien,

Rien ne nous pèse

Soir de fin d’été

À la campagne

La forêt nous surplombe

De l’autre côté des eaux,

Domaine de l’ourse en sa grotte

Des corneilles, d’une chouette

Toutes perchées

En cette nuit qui s’éveille

Une biche viendra se désaltérer

Près des roseaux

Et des nénuphars

Aux blanches corolles repliées

Soir de fin d’été

À la campagne

Tu me racontes

Tes histoires

Je t’écoute

Attentivement

Ta voix m’est musique.

Vue sur la rivière

Je transcris des lettres anciennes

À l’heure où tu lis

Tablette posée sur tes genoux

Tête inclinée

À décoder les enjeux et les secrets

De cette actualité si éphémère

Je transcris des lettres anciennes

En retrait

Une demi-cloison nous sépare

Mais la chaleur du feu nous lie

À mes côtés,

Sur le mur lambrissé

Le portrait de ta mère

Vêtue d’une ample robe de bal

En attente de son prince charmant

Le portrait de ton père,

Gamin sage

Assis sur une barque,

Son futur amoureux

Je transcris des lettres anciennes,

Vue sur la rivière

Les nénuphars frémissent

En cette fin d’été si peu banal

Une buche tu ajoutes au foyer

Les mots défilent sous mes doigts

Comme l’eau

Poussée par le courant

Je transcris des lettres anciennes

Entre l’écriture de mon roman épistolaire

Et notre histoire moderne.

Cerises et roman en cours

Une semaine de vacances, c’est parfait pour refaire le plein d’énergie à la campagne, dormir, rêver, préparer mentalement son automne, espérer de bons jours. Ainsi, une suite du roman Et cétéra est en cours d’écriture avec d’anciens personnages qui ont invité de nouveaux à se joindre à nous. Je dis ‘’nous’’, parce que je leur laisse toute la place. C’est comme si de vieux amis sonnaient à la porte, que je les recevais et qu’ils venaient me raconter les dernières nouvelles et où ils/elles en sont dans leur vie. Je les écoute. Je me fais humblement leur intermédiaire auprès de mon lectorat.

Je vous préviendrai lors de sa parution en 2024. D’ici là, vous pouvez toujours me lire en me cherchant dans la section des auteurs chez @JDH Éditions.

À suivre.

Maintenant

Il s’assied là

En terrasse

À portée de bras

Les miens

Et ceux de la rivière

Il s’assied là

Pour lire

Chantonner

Gribouiller

Écrire

Concevoir

Des univers

Constitués d’images et de sons

Il recrée la magie,

Celle de l’enfance

Bien que rendu grand

Il construit toujours

À partir d’une infinité

De maintenant.

S’inscrire dans la tendresse

J’apprends

À croître à tes côtés

Comme ces cèdres presque centenaires,

Hôtes à l’écorce moite

Hébergeant des mousses et des lichens

Je consens

À suivre les courbes

Le rythme de ta danse

Tes repères deviennent peu à peu

Les miens

Comme toi, je tends vers cet azur

Si lumineux

Nos têtes formeront la canopée

De notre imaginaire

J’apprends

À marcher à ton rythme

Nous trouvons notre cadence propre

À l’unisson nous sommes

Dans nos mots

Nos silences

Nos gestes

Tout s’inscrit dans la tendresse.

Le ravissement

Doit-on se lasser

Des fleurs

Que l’on offre

Que l’on reçoit

De cet envoûtement olfactif

Évanescence du doute

J’ai la certitude

De vivre

Une période de ravissement

Les marguerites

Et le lys si blanc

En sont les témoins silencieux

Les corolles s’ouvrent

Et nous nous découvrons

L’un l’autre

Nous écrivons

Au fur et à mesure

Ce nous qui nous ressemble.

Le fou de Bassan

C’était une affiche

Un message

Une publicité

Le tout délavé par la pluie

Et l’indifférence des passants

C’était une parole

Un cri

Lancé à l’oreille des badauds

C’était un envol raté

Une déconfiture

Une itinérance livresque

Une déchéance grotesque

Marchez, circulez, roulez

Car seul le poète voit

Dans ce papier défraîchi

Un fou

De Bassan

Plongeant dans un mer de bitume,

Amertume.

Farniente

Pensée, pétale de rose

Et lavande

Ployée hier par la pluie,

Têtes chercheuses de soleil

Pensée, vagabonde prose

Enclose en mon cahier

Nous sommes si bien en terrasse

Entre tes doigts une coupe de rosé

Pensée, la douceur s’étale

À demi-mots

Une abeille nous distrait

Le temps de son déjeuner sur l’herbe

Pensée, pétale de rose

Finies les heures moroses

Nous causons de tout et de rien

Le farniente nous va si bien.

Par le bruissement de sa ramure

Se propagent le vert

Chlorophylle et fibres,

Sève et textures diverses

Du tendre au rugueux

Végétation qui tend vers le haut

Vers le beau

Un oiseau y chante

Un tamia s’y terre

Une couleuvre s’y faufile,

Discrète et agile

Se propagent le vert,

Chlorophylle et fibres

Cet arbre ancien

Contient

Des années de croissance

Et des histoires,

Les tiennes,

Celles des gens d’avant

Je lui ai murmuré ton nom

Il m’a répondu

Par le bruissement de sa ramure

Qu’il te connaissait et te reconnaissait,

Qu’il t’aimait

Et t’aime encore

Comme moi.

Ici et maintenant

Il s’assied

Las

Le cueilleur de rêves

Il y boit son thé

Au lait d’amande

Il m’attend

Le penseur

Qui, la nuit venue, marche

Parmi les lucioles

Fasciné par la lune

Pleine ou nouvelle

Il s’assied

Le contemplatif de la rivière

Aux nénuphars blancs

Et de la montagne noire

Juste devant

À quelques coups de pagaie

Philosophant

Sur la nécessité

Du nous,

Ici et maintenant.

Ce bleu de scène

Ce bleu de scène

M’est apparu si merveilleux

Alors que je déambulais

En coulisses

Ce bleu n’avait rien d’obscène

J’y devenais derrière

Des champs de lavande

Et la clarté de 15 heures

Toi, portant casquette

Ou chapeau de paille

Envie d’un déjeuner tardif sur l’herbe

Les poètes allaient entrer

En scène

Il fallait me concentrer

Les interroger sur leurs motivations

Leurs intentions

Dans leur univers créatif

Ambiance festive

Ah, cet acte d’écrire

Qui nous obsède jour et nuit,

Ça ressemble drôlement à l’amour.

Une suite à Et cétéra…

Il m’arrive parfois de recevoir des visites en rêve. Il s’agit de membres de ma famille, d’un amour ou bien ce sont des personnages qui me soufflent des répliques. Alors, un dialogue s’entend, me réveille. Parfois, je note. Tantôt, je laisse ces mêmes personnages poursuivre leur entretien d’un songe à un autre. S’ils persistent, je m’incline bien volontairement à leur volonté d’expression. Par la suite, j’ouvre un cahier neuf, je griffonne, ce qui deviendra un roman, une nouvelle.

Après la rédaction du roman épistolaire Et cétéra, j’avais pris une pause littéraire en me permettant l’écriture de Wasabi pour Cassandra qui est un polar aux couleurs LGBT. Je me suis plongé en eaux troubles. Le résultat est très bien. Les presses sont encore chaudes. Il est au catalogue en ligne chez JDH Éditions.

Maintenant, étrangement, j’avais besoin d’eaux plus calmes. Le lectorat d’Et cétéra m’avait confié s’être attaché au couple Julien et Neige et être fasciné par James et Blanche, les amants réunis. Et c’est par Christophe et Simone, les enfants de Julien et Neige, que les répliques me sont revenues. Le titre est déjà trouvé. C’est un secret ou presque pour l’instant.

Les personnages m’interpellent, me hantent et me demandent de leur offrir mes mains pour qu’ils puissent avoir le dernier mot. Au jeu de l’écriture, j’y consens.

J’aime lire…

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Ces cieux incertains

Ces instants crépusculaires

Ces gens qui vont et viennent

Au pas hésitant

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Tes humeurs

Tes impatiences

Face à l’attente

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Ton souffle

Tes soubresauts

Puis ton corps qui s’apaise

Le flux de ta jugulaire

J’aime lire

Par-dessus ton épaule

Cette route

Cet itinéraire

Qui s’inscrit dans le présent.

Les fleurs-cello

Les fleurs-cello

Sont une végétale tournure

Une confiture

Pour les yeux

Parfum en devenir

Sous les reflets

Miroir

De mes pensées

Mémoire

De ses intentions

Les fleurs-cello

Croissent

En bout de comptoir

Au regard des passants

Il suffit de les cueillir

À la sortie du métro

Station Mont-Royal

Arrondissement Le Plateau

Pour être plus précis

Vous ne pouvez pas les manquer

Elles seront si radieuses

Dans un vase à la cuisine

Ou à la terrasse

Les corolles exposées

Au soleil

Aux vents chauds

Dépourvues de ce manteau

Translucide

De cette peau-cello

Dégustation maintenant

En charmante compagnie

De ce quelqu’un

Un verre de kombucha

Une autre fois, on passera

Au limoncello.

Il y a de l’am… dans tout ça

Il y a de l’am…

Dans ces draps qui se meuvent

Sous la gravité du désir

Par ces oreillers

Qui ne savent plus donner

De la tête

Sous les ébats

Les jeux de paumes

Il y a de l’am…

Observons ces rides

Ces plis

Dans les replis

De nous-mêmes

Vestiges en quelque sorte

De nos amours mortes

Traces

De notre renaissance

Le cœur pulse le sang

Et la fougue nouvelle

Il y a de l’am…

De nuit comme d’après-midi

Le rosé est au frais

Ta peau est au chaud

Entre mes bras

Il y a de l’am…

Dans tout ce fouillis apparent,

Puis tu t’es endormi là

À portée de murmures

Et je n’ose plus trop bouger

Cultivant avec toi

La quiétude et la tendresse

Il y a de l’am… dans tout cela.

Au jardin

Il s’est promené

Au jardin

L’amour

Sur ses deux pieds

Le visage amusé

Derrière ses verres

Étaient-ils mauves ou bleus

Cela importe peu

Il s’est promené

Au jardin

Mille questions

En tête

Derrière le sourire

Derrière le soupir

Une envie de conquête

Juste

Le souhait d’être heureux,

Passant du je au nous

Il s’est promené

Au jardin

L’amour

Avant de reprendre la route.

Au petit marché

Au petit marché

Des fleurs il achète

Il ne sait pourquoi

En lui monte cette joie

Au petit marché

Des corolles l’enjôlent

Du blanc, du rouge

Du mauve, de l’oranger

Au petit marché

Il opte pour ce lys d’Asie

Si vibrant de vie

Il le dépose dans un sac bleu

Ça ravira ce quelqu’un

Qu’il apprivoise

Les couleurs sont du baume

Sur la solitude

Les fleurs parlent

D’elles-mêmes

Un léger sourire,

Un conseil d’arrosage

Au petit marché

Des fleurs il achète

Pour ce quelqu’un

Qu’il apprivoise.

Comme rivière

Brouillard dehors

Brume en dedans

J’ai versé du Baileys

Dans le bol à café

Un nuage de plus

Pour égayer mon naufrage

Brouillard dehors

Brume en dedans

Vers qui, vers quoi

Iras-tu

Les bras tendus

Les ailes du cœur ballantes

Brouillard dehors

Brume en dedans

Nous dégelons

Du si long hiver

Avec l’envie de vivre

Comme rivière.

Travestie de bonheur

Elle est où

Cette folle

De Chaillot ou d’ailleurs

Perdue rue Berri

Rue du Cherche-Midi

Arrivée là

Par de multiples détours

Égarée rue de la Commune

Elle est où

Cette trouvère ignorée

Aux droits bafoués

Cette passagère

D’étranges métros

Travestie de bonheur

À minuit

Elle est où

Cette survoltée

Cette disjonctée…

Mais là-haut

Assise

Perchée

Sur un rayon

De la roue bleue.

Sur cette terre

Rose en son cloître de pierre

Qui ne compte plus les heures

Entre sa création

Et son érosion

Pour le feuillage l’entourant

On hésite à définir

Feuillage de pissenlit

Fleurs de lys stylisé

Pointes de hallebardes

Symboles militaires

Ou héraldiques

Dont on perd le sens

Le nord

Rose en son cloître de pierre

Nous y marchions autrefois

Confession

Prières

Ayant les nuages et la rosée du matin

Comme objets de méditation

Rose en son cloître de pierre

Aux pourtours

Je devine ton nom

Ton souffle

De passant

De pèlerin

Sur cette terre.

Comme une chanson de Françoise Hardy

Lettre morte

Retirée

De l’enveloppe

Blanche et bleue

C’était pour tes yeux

Froissée en son milieu

Jetée aux oubliettes

La missive

La consigne

Le conseil

Le mot d’humour

Le mot d’amour

Pour qui

Pourquoi

L’auras-tu jamais su

Plus que moi

Ce qu’il faut dire

Ou taire

Ou laisser braire

Elle était là

Cette enveloppe ouverte

Offerte

Dans cette entre-saison québécoise

Comme une chanson

De Françoise Hardy

Comment te dire adieu.

Le long corridor

Long corridor

Menant vers qui

Vers quoi

Isidore

Miranda

Estelle

William

Et tant d’autres encore

Y marchèrent

En quête d’une destination

En recherche d’une réponse

Long corridor

Où le clair et l’obscur

Y cohabitent

Les ombres et la lumière

Long corridor

Emprunté

Entre deux points

Trait d’union architectural

Entre l’ancien et le nouveau

Maria allait se marier

Gustave se séparer

Le temps d’un regard

Et si on jouait avec le destin

Comme on recueille

Dans une paume

Comme on repousse

Du revers de la main

Long corridor

Jean-Pierre traîne sa misère

Sous ses haillons

Dans ses sacs percés

Julie mène maintenant

Ses petits à la garderie

Ses chéri.e.s tant espéré.e.s

Dans les yeux du mendiant

Elle reconnaît son frère

Retrouvailles de gare ferroviaire

Nous sommes maintenant

Mais que savons-nous vraiment

D’hier

Et c’est d’autrefois vers demain

Que se tendent des mains.

Les pissenlits

Déjeuner sur l’herbe

En différé

Nous savons croire

En juillet qui sommeille

Et aux fleurs

Sous gangue de glace

Déjeuner sur l’herbe

La limonade

Les salades

La sangria

Les brochettes

Sont pour l’instant

Conceptuels

Ah, la pelouse verte !

S’il n’en tenait qu’à moi

On procéderait

De ce pas

À un détournement

Du Golf Stream

Marre de geler

Pour les autres

Marre de ces heures

Qui défilent

Sans moi,

Sans toi,

Sans nous

Sans vous

Déjeuner sur l’herbe

Poème inutile

Écrit un dimanche

Presqu’à l’aube d’avril

Sous les lourds manteaux

Y a des corps qui s’animent

Des poumons qui ventilent

Et des esprits

Prêts dès maintenant

À remplacer flocons

Par une nuée jaune de pissenlits.

Staccato

Au café

Des illusions

Tu me faisais miroiter

Londres, Berlin, L.A.

Au café

Des impressions furtives

Du bout des doigts

Glissement

Effleurement

Des veines du marbre froid

Au café des discussions

Ton ancêtre au tableau

Nous regardait

Sur époque, arrêt

Douceur du sépia

Au café

Des évasions

Sur table, pianotement

Mon cœur bat

Staccato

De l’absence/présence

Et je t’espère

Vaine prière

Et je croque

Croissant aux amandes

Et je bois

Capuccino

Moustache à la cannelle

De me voir ainsi

Seul, tu rirais

Au café

Des impressions

Madeleines de Proust

Me reviennent

À l’esprit

Les promesses

Les oublis

Le déni

Qui a fui qui ?

Dis, on se revoit ?

Une pluie bienfaisante

Une nuit

Des étoiles

Une toile improvisée

On détourne la tête

Et puis

On ne sait trop pourquoi

Ni comment

La magie opère

Les fées et les mages sont au rendez-vous

Une pluie bienfaisante

Une nuit

Cristal aérien

Pour qui sait regarder

Pour qui sait danser

On allonge le pas

S’ouvrent les bras

Sur le possible

Une main

Un stylo

Recherche d’un bout de papier

Un tantinet défroissé

À l’ancienne

Un portable qui s’allume

Un numéro noté

Au carnet

À la moderne

Dis, on se revoit ?

Chacun.e de son côté de la glace

Les passagers

Sont ceux/celles

Qui nous regardent

Et traversent nos vies

Trajet semblable

Ou à contresens

Pour une raison ou une autre

On se vautre

Souvent derrière

Une première impression

Pas toujours exacte

Comme une boussole

Ayant perdu le nord

Les passagers

Sont ceux/celles

Qui nous observent

Nous créent

Des vies

Amitié-amour imaginaire

À quelques stations

Souffle retenu

L’écran du portable

Les pages d’un livre

Servent tels des points de fuite

Les lignes d’un texto

D’un rapport à fournir

Un personnage

Maintiennent la distance

Chacun.e de son côté de la glace.

Vert samba

Moche et terne il se trouve

En cet hiver

Qui s’éternise

Rend blafard l’écorce grise

Le plus radieux des visages

Si proche il se tient

Étirant les bras

Au coin de la rue

Comme les mendiants

À midi, à minuit

Pour quelques pièces

La marchande d’en face lui conçoit

Un air de fête

Avec des lumières

Touche d’espérance dans la nuit

D’un vert samba.

Sur la véranda

Scène d’hiver

Écrin/écrin pour peintre aveuglé.e

Par tant de blancheur

Et de froid

Se crispent les doigts

Sur le pinceau

Se réchauffe le regard

À tant de cristaux

Et que dire de ce bois

Lui aussi si blanc

Véranda

Pour dames anglaises

Éprises de grand air

En bordure de bordure de lac

Parfois, une biche

Ou un coyote

Le traversait

Errance, tâche d’encre

Sur toile vide

Rentrons si tu veux

As-tu du thé noir

Pour nous deux

S’il était aromatisé aux fruits

Ce serait encore mieux

Parle-moi de ta mère,

De ton père,

De celle qui habitait ce lieu

Avant toi,

Avant ton arrivée avec ton briard

Silencieux

Grugeant son os

Sur la véranda.

Mais je rêve

Mobilité réduite

Voire coincée

Les roues prises en étau

Neige et glace

Je vais au ralenti

Mais je rêve

Aux femmes

Qui jacassent en mai

Sur terrasse

Katy, Alice, Geneviève

Et les autres

À la main, une coupe de rosé

En story

Mais je rêve

Tancrède déploie

Sa musculature

Il souffle sous l’effort

Demain, il rejouera Sisyphe

Au gym à la lumière tamisée

Mais je rêve

Aux fleurs portées aux narines

Aux gouttes d’huile essentielle

Qui roulent sur une jugulaire

Mobilité réduite

Pour qui ne sait pas conduire

Le volant de son imaginaire.

Calendes grecques

Tisane fruitée

L’arôme encore à ma narine

Le goût à l’orée des lèvres

Le rouge de l’hibiscus escalade la cordelette

Pourtours du sachet

Cernes de la tasse

Excès de café

Ayant cédé momentanément

La place

Au pourpre plutôt violacé

Presque floral en relais

Le chocolat au zeste d’orange peut attendre

Car les quinze heures n’ont pas sonné

Tout comme

Moi remis par toi

Aux calendes grecques.

Tapuscrit

Un jour

Peut-être une nuit

Je disparaîtrai

Rehauts de craie

Volutes fantomatiques

Lettres forgées par une main autre

Qui aura tôt fait

De tout gommer

Sur l’ardoise

Mon parcours

Un jour

Peut-être une nuit

On indiquera

Absent

Sous mon nom

Je serai alors bon

Pour les oubliettes

Ou pour le domaine public

Un jour

Peut-être une nuit

Des doigts me dessineront

Une fleur

Une étoile

En guise de points de suspension

Pour l’instant,

Le poète transforme

Manuscrit en tapuscrit

Les personnages d’un roman l’y pressent.

Malgré tout

Un roman

Dort

Manuscrit

Dans deux cahiers

L’un tacheté

L’autre nacré

Projet de transcription

Pour l’an prochain

Je remets

À demain

Ma main

Gauche

Sur le clavier

Ma main

Droite

Sur le papier,

Celui des livres

À écrire

Des nouvelles

Des contes

À lire

Des souvenirs à échanger

Aves les ami.e.s Outre-Atlantique

Ma vie,

Bateau de givre

Naviguant

Déjà en novembre

Sur vitre de février,

Malgré tout,

Figure de proue allumée.